La Compagnie blanche

Chapitre 38Retour dans le Hampshire

Quatre mois après ce terrible combat dans undéfilé d’Espagne, par un clair matin de juillet, le ciel bleuplanait au-dessus d’une grande plaine verte doucement ondulée,divisée par des haies d’arbustes ; des moutons y paissaienttranquillement. Le soleil était encore bas. Des vaches rouges quiruminaient à l’ombre longue des ormes regardèrent de leurs yeuxvides deux cavaliers qui galopaient sur la longue route blanche deWinchester.

L’un des cavaliers était jeune, gracieux etsvelte, blond, habillé d’un simple doublet et de chausses de drapbleu de Bruxelles qui faisaient ressortir sa silhouette élancée etrobuste. Il avait ramené en avant sa toque plate de velours pourprotéger ses yeux de l’éclat du soleil. Il serrait les dents etfronçait les sourcils : visiblement il avait beaucoup desoucis en tête. Tout jeune qu’il parut, et tout pacifique que futson costume, il n’en avait pas moins de jolis éperons d’or quiattestaient son titre de chevalier. Un sillon allongé sur son frontet une cicatrice à la tempe paraient de virilité sa physionomie auxtraits raffinés et délicats. Son compagnon était un colosse rouxmonté sur un grand cheval noir ; un gros sac de toile posé entravers de sa selle cliquetait et résonnait agréablement à chaquefoulée de sa monture ; un large sourire éclairait son visagehâlé ; il regardait les champs et les prés avec des yeuxpleins de malice et de ravissement. John avait bien des raisons dese réjouir : n’était-il pas de retour dans son Hampshirenatal ? N’avait-il pas bringuebalant contre ses jambes lescinq mille couronnes de la rançon de Don Diego ? Et surtoutn’était-il pas devenu l’écuyer de Sir Alleyne Edricson, le jeuneseigneur de Minstead, que l’épée du Prince Noir en personne venaitde sacrer chevalier et que toute l’armée considérait comme l’un dessoldats les plus prometteurs de l’Angleterre ?

Car le dernier exploit de la Compagnie Blanches’était répandu à travers la Chrétienté, partout où l’on aimait leshauts faits d’armes, et ses rares survivants avaient été comblésd’honneurs. Pendant deux mois Alleyne avait oscillé entre la vie etla mort, avec une côte brisée et une tête sévèrementendommagée ; mais sa jeunesse et sa saine constitutionl’avaient sauvé ; il émergea d’un long délire pour apprendreque la guerre était terminée, que les Espagnols et leurs Alliésavaient été écrasés à Navaretta, que le Prince lui-même avaitentendu le récit de sa chevauchée héroïque et qu’il s’était rendu àson chevet pour lui toucher l’épaule de son épée en déclarant qu’unhomme aussi brave et aussi fidèle mourrait chevalier s’il nesurvivait pas. Dès qu’Alleyne fut rétabli, il se mit en quête deson maître ; mais en vain ; il ne put même pas savoirs’il était mort ou vivant. Il était alors reparti pour l’Angleterredans l’espoir de prélever sur ses biens de quoi reprendre sesrecherches, et, à peine débarqué à Londres il s’était remis enselle, rongé d’inquiétudes, car il n’avait reçu aucune nouvelle duHampshire depuis qu’il avait appris la mort de son frère.

– Par la Croix ! s’écria John quiregardait toujours autour de lui avec extase. Où avons-nous vudepuis notre départ d’aussi belles vaches, des moutons aussipelucheux, de l’herbe aussi verte, et un homme aussi ivre que cecoquin que je vois couché là-bas dans le trou de la haie ?

– Ah, John ! soupira Alleyne. Tu esheureux, toi, mais je n’aurais jamais cru que mon retour seraitempreint d’une telle tristesse. Mon cœur est lourd à cause de moncher seigneur et d’Aylward, et je ne sais pas comment communiquerces nouvelles à Lady Mary et à la damoiselle Maude si elles lesignorent encore !

John poussa un gémissement qui fit faire unécart aux chevaux.

– C’est vraiment une sale affaire !fit-il. Mais ne te mets pas en peine, Alleyne, car je ne donnerai àma mère que la moitié de ces couronnes, et l’autre moitiécomplètera la somme que tu réuniras ; nous pourrons doncacheter cette grosse cogghe jaune à bord de laquelle nous avonsnavigué jusqu’à Bordeaux ; nous retournerons là-bas et nousirons chercher Sir Nigel.

Alleyne sourit, mais secoua la tête.

– S’il était en vie, nous aurions eu deses nouvelles. Mais quelle est cette ville devant nous ?

– Romsey ! cria John. Regarde latour de la vieille église grise, et les longs murs du couvent desnonnes. Mais voici un très saint homme : je vais lui donnerune couronne pour ses prières.

Trois grosses pierres sur un bas-côté de laroute constituaient une sorte de cabane ; devant elle, enplein soleil, un ermite était assis ; il avait le visagecouleur d’argile, les yeux ternes, de longues mainsdécharnées ; avec ses jambes croisées et sa tête baissée surla poitrine, il ressemblait à un homme que toute vie auraitquitté ; seuls ses doigts maigres et jaunes remuaient pourglisser lentement sur les grains de son chapelet. Sa celluleétroite était humide, inconfortable, sordide. Derrière elle, plusloin parmi les arbres, une chaumière de laboureur avait sa portegrande ouverte ; l’homme, rougeaud et roux, s’appuyait sur labêche avec laquelle il travaillait dans son petit jardin ;soudain éclata la modulation d’un rire de femme heureuse ;deux solides bambins aux jambes nues s’élancèrent par la porte etse mirent à courir ; la mère sortit à son tour et posa unemain sur le bras de l’homme en regardant les gambades de leursenfants. L’ermite fronça les sourcils quand il entendit ce bruitqui interrompait ses prières, mais son mécontentement disparutquand il vit la large pièce d’argent que John lui tendait.

– Voilà la double image de notre passé etde notre avenir ! s’écria Alleyne quand ils reprirent leurroute. Maintenant, qu’est-ce qui est préférable ? Cultiver laterre du bon Dieu, avoir des visages heureux autour de soi, aimeret être aimé ? Ou bien demeurer assis en ne cessant de gémirsur son âme comme une mère sur son bébé malade ?…

– Je n’en sais rien, répondit John. Carquand je réfléchis sur ces choses, un gros nuage m’obscurcit lacervelle. Mais je crois que ma couronne a été bien dépensée, carl’ermite avait l’air d’un saint. Quant à l’autre, je n’ai rien vude saint qui soit répandu sur sa personne, et il me coûterait moinscher de prier pour moi-même que de donner une couronne à quelqu’unqui passe ses journées à planter des laitues.

Avant qu’Alleyne eût eu le temps de répondre,un attelage déboucha du virage de la route ; trois chevaux defront tiraient une voiture de dame ; un postillon montait encroupe celui qui se tenait à l’extérieur. La voiture étaitrichement décorée : le bois était peint et doré ; lesroues et leurs rayons affectaient des formes recherchées ; undais de tapisserie rouge et blanche abritait une dame forte et d’uncertain âge, vêtue de rose, appuyée sur de nombreux coussins, quiépilait ses sourcils avec une petite pince d’argent. Alleyne rangeason cheval sur le côté de la route mais une roue se détacha et lavoiture culbuta, ensevelissant la dame sous la tapisserie et desdébris de bois peint et sculpté. Alleyne et John se précipitèrentet retirèrent la voyageuse de sa position inconfortable : ellen’était pas blessée, mais elle avait eu peur.

– Malheur à moi ! cria-t-elle. Etque le diable emporte Michael Easover de Romsey ! Je lui avaisdit que la clavette ne tenait pas ; il m’a affirmé lecontraire, comme un écervelé qu’il est.

– J’espère, madame, que vous ne vous êtespas fait de mal, dit Alleyne en la conduisant sur le talus où Johnavait déjà posé un coussin.

– Non, je n’ai eu aucun mal, mais j’aiperdu ma pince d’argent. Mais pourquoi Dieu a-t-il donné le soufflede la vie à un fou comme ce Michael Easover de Romsey ! Jevous suis bien obligée, bons seigneurs ! Vous êtes dessoldats ; cela se reconnaît aisément. Moi-même je suis fillede soldat, ajouta-t-elle en lançant un coup d’œil languissant versJohn. Et j’aime beaucoup les hommes braves.

– Nous rentrons d’Espagne, ditAlleyne.

– D’Espagne ? Ah, c’est un affreuxmalheur que tant d’hommes aient perdu la vie que Dieu leur avaitdonnée ! À vrai dire, il est triste que des hommes tombent,mais plus triste encore est le destin de celles qui restent. Jeviens de dire adieu à quelqu’un qui a tout perdu dans cette guerrecruelle.

– Comment cela, madame ?

– C’est une jeune damoiselle. Elle vaentrer en religion. Hélas ! Il n’y a qu’un an encore, elleétait la plus belle jeune fille du pays, et maintenant je n’ai pusupporter d’attendre au couvent de Romsey pour la voir prendre levoile. Elle était tellement mieux faite pour être femme que pourêtre nonne ! Avez-vous entendu parler, bons seigneurs, de laCompagnie Blanche en Espagne ?

– Bien sûr ! s’écrièrent les deuxcamarades.

– Son père en était le chef, et l’amantde son cœur était l’écuyer de son père. On a appris ici que toutela Compagnie avait été exterminée jusqu’au dernier desarchers ; alors, pauvre agnelle, elle…

– Madame ! s’exclama Alleyne hors delui. Est-ce de la damoiselle Maude Loring que vousparlez ?

– Mais oui !

– Maude ! Dans un couvent ! Lamort de son père l’avait-elle donc tant bouleversée ?

– Son père ? répéta la dame ensouriant. Non. Maude a toujours été une bonne fille, mais je penseque c’est le sort de certain jeune écuyer aux cheveux d’or qui l’adécidée à quitter le monde.

– Et moi qui reste ici à bavarder !s’écria Alleyne. Viens, John, viens !

Il se précipita vers son cheval, sauta enselle et partit au galop dans un nuage de poussière en direction deRomsey.

On s’était beaucoup réjoui au couvent deRomsey quand la damoiselle Maude Loring avait sollicité sonadmission dans cet ordre religieux : n’était-elle pas filleunique et seule héritière du vieux chevalier, avec des fermes etdes biens qu’elle apporterait ainsi au grand couvent ?L’Abbesse ascétique lui avait parlé avec autant d’ardeur que defermeté : dans de multiples entretiens elle lui avaitconseillé de se détourner à jamais du monde et d’abriter son cœurbrisé dans le grand et paisible refuge de l’Église. Mais à présentque l’Abbesse et la Mère supérieure avaient convaincu lapostulante, il leur avait paru décent qu’une certaine pompeentourât cette heureuse cérémonie. Voilà pourquoi les bonsbourgeois de Romsey étaient tous dans les rues, pourquoi desétendards aux couleurs vives et des fleurs épanouies jalonnaient lechemin du couvent à l’église, pourquoi une longue procession sedirigeait vers le vieux porche : il s’agissait de conduire unefiancée à ses noces spirituelles. Agatha en sœur laie portait lacroix d’or, trois sœurs balançaient les encensoirs, vingt-deuxreligieuses en robe blanche jetaient des fleurs à droite et àgauche en chantant un cantique. Puis, escortée de quatre compagnes,venait la novice dont la tête baissée était ceinte d’une guirlandeblanche. L’Abbesse et son conseil de vieilles nonnes la suivaientde près : elles calculaient déjà si leur propre baillipourrait s’occuper des fermes de Twynham, ou s’il ne lui faudraitpas un adjoint pour tirer le maximum des nouveaux biens que cettejeune fille allait leur apporter en dot.

Mais que valent de tels plans quand l’amour,la jeunesse, la nature et surtout la chance s’y opposent ? Quidonc est ce garçon couvert de poussière qui galope follement parmila foule étonnée ? Pourquoi saute-t-il à bas de soncheval ? Pourquoi regarde-t-il autour de lui avec des yeuxégarés ? Regardez-le : il a bondi ; il bouscule lesencensoirs ; il écarte la sœur Agatha, il fend le troupeau desvingt-deux religieuses qui chantent d’une voix éthérée, il nes’arrête que devant la novice. Alors il ouvre ses bras, ses yeuxgris s’illuminent, son visage resplendit d’amour. Elle a le piedsur le seuil de l’église ; il lui barre le passage. Et elle,qui ne pense plus aux conseils avisés et aux saints avis del’Abbesse, pousse un cri déchirant avant de tomber dans les deuxbras qui se referment sur elle ; elle pose sa joue humide delarmes sur la poitrine du jeune homme… Ah, le triste spectacle pourl’ascétique Abbesse ! Et quel triste exemple aussi pour lesvingt-deux damoiselles immaculées à qui l’on avait appris que lesvoies de la nature étaient toujours le chemin du péché ! MaisMaude et Alleyne ne s’en soucient guère. Du sombre portail ouvertdevant eux s’échappe un air humide et froid. Dehors le soleilbrille, les oiseaux pépient dans le lierre et sur les hêtres. Leurchoix est vite fait. La main dans la main ils tournent le dos àl’obscurité et avancent vers la lumière.

Le mariage fut célébré très paisiblement dansla vieille église du prieuré ; le père Christopher lut leservice ; il n’y avait que peu d’assistants : LadyLoring, John, et une douzaine d’archers du château. La châtelainede Twynham s’était voûtée, et elle dépérissait ; elle avaitles traits durcis et elle était moins avenante qu’autrefois ;pourtant elle continuait d’espérer : son seigneur avaittraversé tant de dangers qu’elle ne pouvait pas croire qu’il avaitfinalement succombé ! Elle avait exprimé le désir de partirpour l’Espagne à sa recherche, mais Alleyne l’avait convertie àl’idée de le laisser aller à sa place. Il y avait beaucoup àsurveiller, puisque les terres de Minstead se trouvaient maintenantréunies à celles de Twynham, et Alleyne lui avait promis que sielle consentait à demeurer avec sa fille, il ne reviendrait pasdans le Hampshire avant d’avoir obtenu des nouvelles, bonnes oumauvaise, de son seigneur et maître.

La cogghe jaune avait été louée ; GoodwinHawtayne en était le maître-marinier ; un mois après lesnoces, Alleyne descendit à Bucklershard pour s’assurer qu’elleétait arrivée de Southampton. En route il passa devant le villagede Pitt’s Deep, et il aperçut au large un petit brick qui louvoyaitcomme s’il s’apprêtait à mouiller l’ancre. Quand il prit le chemindu retour, il repassa devant le même village ; le brick avaiteffectivement mouillé l’ancre, et plusieurs chalands l’entouraientpour porter sur le rivage sa cargaison.

Une grande auberge était située à une portéed’arc de Pitt’s Deep, un peu en retrait ; à l’une des fenêtresdu haut une grosse branche de houx était pendue au bout d’un bâton.Alleyne remarqua de la route qu’un homme assis devant cette fenêtresemblait se démancher le cou pour l’examiner. Alleyne à son tour leregarda, mais une femme sortit en courant par la porte et fit minede grimper à un arbre, tout en riant aux éclats et en se retournantvers l’auberge. Surpris, Alleyne descendit, attacha son cheval à unarbre et avança entre les troncs. Une deuxième femme sortit alorsen courant et, comme la première, fit semblant de grimper àl’arbre. Sur ses talons apparut un homme robuste, bronzé, quis’appuya au chambranle de la porte et qui riait de bon cœur enportant la main à son côté.

– Ah, mes belles ! s’écria-t-il.C’est ainsi que vous me traitez ? Ah, mes petites ! Jejure par les os de ces dix doigts que je ne ferais pas de mal à uncheveu de vos jolies têtes ! Mais je suis allé chez les païensnoirs et, par ma garde, il m’est doux de regarder vos frimoussesd’Anglaises. Venez boire une tournée de muscat, mes anges !J’ai chaud au cœur d’être de nouveau parmi vous.

Alleyne avait été frappé de stupeur quand ilavait vu cet homme ; mais dès qu’il l’entendit son cœur bonditd’un tel élan qu’il dut se mordre les lèvres pour ne pas crier. Unejoie plus grande encore lui était cependant réservée, car lafenêtre du dessus s’ouvrit, et la voix du premier voyageur s’enéchappa :

– Aylward, criait-elle, je viensd’apercevoir un très digne personnage descendant la route ;mais mes yeux n’ont pas très bien vu s’il portait une cotted’armes. Je te prie d’aller le trouver et de lui dire qu’un trèshumble chevalier d’Angleterre est descendu ici, et que s’il désireun peu de distinction ou s’il a l’âme chargée d’un petit vœu, ous’il veut exalter sa dame, je suis à sa disposition pourl’aider.

À cet ordre Aylward s’avança aussitôt vers laroute ; les deux hommes tombèrent dans les bras l’un del’autre ; ils riaient, ils criaient, ils s’embrassaient tantleur joie était vive. Le vieux Sir Nigel crut qu’une bagarre avaitéclaté ; il accourut avec son épée nue ; alors ilembrassa autant qu’il fut embrassé. Tous trois n’en finissaientplus de se congratuler et de se poser des questions.

Pendant leur voyage de retour à travers lesbois, Alleyne apprit leur merveilleuse histoire : comment SirNigel avait repris ses sens, comment il avait été dépêché aussitôtavec son compagnon de captivité sur la côte ; comment ilsavaient été conduits par mer vers le château de leurravisseur ; comment ils avaient été attaqués en route par despirates barbaresques ; comment ils avaient troqué leur légèrecaptivité pour un siège de galérien et des travaux forcés auxavirons des pirates ; comment, dans le port barbaresque, SirNigel avait pourfendu le capitaine maure et s’était emparé,toujours en compagnie d’Aylward, d’un petit caboteur qu’ils avaientramené en Angleterre avec une cargaison de prix qui allaitlargement les dédommager de leurs épreuves. Alleyne écouta toutesces aventures jusqu’à ce que le sombre donjon de Twynham se dressâtau-dessus d’eux au crépuscule et que le soleil rouge se couchâtdans les eaux de l’Avon. Inutile de décrire la joie qui régna cesoir-là au château, ni de dresser la liste des somptueusesoffrandes qui furent prélevées sur la cargaison mauresque pourorner la chapelle du père Christopher.

Sir Nigel Loring vécut de nombreuses années,dans les honneurs et les bénédictions. Il ne partit plus pour lesguerres, mais il participa à toutes les joutes qui se disputèrentdans le pays à trente lieues à la ronde ; la jeunesse duHampshire n’était pas peu fière quand de ses lèvres tombait uncompliment pour le dressage d’un cheval ou la manière de courir unelance. Tel il avait vécu, tel il mourut, le plus respecté et leplus heureux des hommes de son comté natal.

À Sir Alleyne Edricson et à sa resplendissanteépouse l’avenir n’apporta aussi que du bonheur. Deux fois il allase battre en France, et il en revint comblé de distinctions. Unhaut poste lui fut attribué à la cour, et il passa de nombreusesannées à Windsor sous Richard II et Henry IV ; il reçut laJarretière et conquit la réputation d’un brave soldat, d’ungentilhomme loyal et fidèle, d’un mécène qui protégea les arts etles sciences qui affinent et ennoblissent la vie.

Quant à John, il épousa une jeune fille de lacampagne et s’établit à Lyndhurst, où ses cinq mille couronnesfirent de lui le plus riche des petits propriétaires de la région.Pendant longtemps il but sa bière chaque soir à« L’Émerillon bigarré », que tenait maintenantson ami Aylward, lequel avait en effet convolé en justes noces avecla bonne veuve à qui il avait confié son butin. Les hommes forts etles archers du pays prirent l’habitude de s’arrêter à l’auberge,soit pour faire un peu de lutte avec John, soit pour provoquerAylward à l’arc ; un shilling d’argent était l’enjeu de cesconcours ; la légende ne rapporte pas qu’Aylward ou John aitjamais perdu. Ainsi vécurent ces hommes, à leur manière simple etaimable, parfois un peu fruste, mais honnête, probe, loyale. Sinous avons extirpé leurs défauts, rendons grâces à Dieu. Et prionsDieu pour que nous conservions leurs vertus. Le ciel peuts’assombrir, des nuages se rassembler ; le jour reviendrapeut-être où l’Angleterre aura besoin de tous ses fils éparpillésde par le monde. Pourraient-ils ne pas répondre présents à sonappel ?

FIN

 

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