Les Aventures de Todd Marvel, détective milliardaire

CHAPITRE II – PRIME AU DÉNONCIATEUR

Empoisonné par son médecin, le docteur KlausKristian[3], le milliardaire Oliver Broom étaitlentement revenu à la santé. Chose singulière, on eût dit même quela tentative d’assassinat dont il avait failli être victime avaiteu une heureuse influence sur son tempérament et sur soncaractère.

Le vieillard avait repris goût à l’existence.Il se levait maintenant de bon matin, faisait chaque jour delongues courses à pied dans la campagne ou des promenades sur leseaux jaunes du Mississippi, dans un luxueux yacht à pétrole achetétout récemment par lui. Il passait beaucoup moins de temps que parle passé dans les salles bondées de merveilles archéologiques dupalais d’Isis-Lodge, dont certaines ressemblaient plus à deshypogées funéraires qu’à d’honnêtes salons modernes.

Le palais lui-même, une des curiosités de laLouisiane du Nord, avait quitté cet aspect lugubre qui le faisaitressembler à un vaste mausolée, pour prendre une physionomie quasisouriante qui portait à son comble l’étonnement des habitants deClairmount, la petite ville la plus rapprochée de la luxueusedemeure.

Enfin, par une extraordinaire dérogation auxhabitudes misanthropiques de l’archéologue milliardaire, depuis unesemaine, Isis-Lodge abritait dans ses murs couverts d’hiéroglypheset de sculptures symboliques, plusieurs invités venus de SanFrancisco.

C’étaient le fameux détective John Jarvis etson inséparable collaborateur et ami, le Canadien FloridorQuesnel ; le banquier Josias Horman Rabington de San Franciscoet sa charmante pupille, Miss Elsie Godescal.

La jeune fille séquestrée pendant plusieursmois par le diabolique docteur Kristian, soumise par lui àd’horribles expériences d’hypnotisme, était loin d’avoir recouvréla santé. Le gracieux ovale de son visage s’était allongé, sesjoues s’étaient creusées et son sourire était d’une profondemélancolie.

Sa nervosité, son impressionnabilité, déjàexcessives, s’étaient encore accrues. Elle tressaillait au moindrebruit, s’inquiétait d’un rien, et demeurait parfois des heuresentières silencieuse, absorbée dans une morne rêverie.

Seule, la présence de John Jarvis avait lepouvoir de lui rendre un peu de sa gaieté d’autrefois. Près de lui,elle se sentait heureuse, en parfaite sécurité. Sitôt qu’ils’éloignait, elle redevenait la proie de ses vaines terreurs.

Oliver Broom, qui affectionnait beaucoup MissElsie, ne savait qu’imaginer pour la distraire et pour larassurer.

– Soyez raisonnable, chère petite, luidisait-il paternellement, vous savez fort bien que désormais KlausKristian est hors d’état de vous nuire ; son procès estactivement poussé et un mois ne s’écoulera pas avant qu’il ait subile supplice de l’électrocution.

– Je sens qu’il exercera toujours sur moiune mystérieuse influence, répondait tristement la jeune fille, etc’est ce qui fait mon désespoir. Il y a des moments où j’éprouve unirrésistible besoin d’aller rejoindre ce misérable, d’obéir auxordres qu’il me donne de loin. Ce serait sans doute déjà fait, sansla minutieuse surveillance que vous exercez amicalement sur mapersonne…

– Pauvre chère Elsie, un peu de patience,Kristian sera bientôt exécuté et vous n’aurez plus rien à redouterde lui.

– Qui sait ? balbutia-t-elle avec unfrisson d’épouvante.

– Bah ! fit l’archéologue en riant,morte la bête, mort le venin !

– Je tremble à la seule pensée quepar-delà le tombeau, ce monstre pourrait conserver une partie dupouvoir qu’il a pris sur ma pauvre cervelle…

– Ne songez pas à ces folies, murmura lemilliardaire, troublé malgré lui ; je crois que votreimagination est pour beaucoup dans les terreurs que vousressentez.

Malgré ces raisonnements, malgré les effortsde John Jarvis lui-même, Elsie n’arrivait pas à retrouver le calmeet la santé morale. À mesure que les jours s’écoulaient, elle semontrait plus abattue et plus inquiète. Elle affirma, un soir, avecune conviction qui impressionnait Jarvis lui-même, que sonpersécuteur se rapprochait, que dans peu de temps il serait àproximité d’Isis-Lodge et qu’elle ne pourrait plus résister à sesordres.

Le lendemain, à l’heure du breakfast, enparcourant les journaux que venait d’apporter le vieux majordomeWilbur Dane, elle faillit tomber en faiblesse.

Le hasard avait voulu que ses regardss’arrêtassent précisément sur le récit de l’évasion du docteurKristian, qui avait réussi à s’enfuir du train qui le conduisait enLouisiane pour y être jugé.

– Je suis à bout de forces, murmura lajeune fille avec un découragement profond. On a laissé échapper lebandit ! Maintenant je n’aurai plus une minute detranquillité. Vous verrez qu’il s’en prendra de nouveau à moi, ànous tous…

– C’est inimaginable, s’écria le banquierRabington exaspéré. On ne viendra donc jamais à bout de cebrigand ! Il faut pourtant faire quelque chose. Quediriez-vous d’une prime de dix mille dollars offerte à qui fournirales moyens de capturer Klaus Kristian, ou seulement unrenseignement intéressant.

– Le système de la prime a du bon,déclara John Jarvis, aussi y ai-je déjà pensé. J’ai lu les journauxde très bonne heure ce matin et j’ai fait ce qu’il fallait. Uneaffiche promettant une prime de quinze mille dollars audénonciateur, est déjà apposée par mes soins à Clairmount et dansles environs. Dans la journée, l’affiche sera collée à Monroë etdans toute la Louisiane. Floridor s’en occupe en ce moment.

Miss Elsie remercia John Jarvis d’un faiblesourire, Rabington d’un énergique shake-hand.

Le majordome Wilbur Dane entrait à ce momentdans la pièce, la mine effarée.

– Mr Jarvis, annonça-t-il, il y a unNoir qui vous demande, c’est pour la prime.

– Déjà, fit le détective en riant.Comment est-il ce Noir ?

– Il n’a rien de remarquable. Il paraîtâgé d’une trentaine d’années, il est assez proprement vêtu ;il a plutôt l’air d’un ouvrier des mines.

– Faites-le entrer dans le petit salon,j’y vais à l’instant.

– Soyez prudent, dit Elsie, déjà inquièteen voyant le détective se lever pour sortir.

Il fut absent près de trois quartsd’heure ; il revint accompagné de Floridor. Tous deuxparaissaient très satisfaits.

– Je crois, dit gravement Jarvis, que laprime est gagnée. Ce Noir connaît le repaire du docteur Kristian etil m’a donné d’intéressantes précisions sur l’évasion de celui-ci.C’est un jeune apache de San Francisco, un « hoodlum »,le Petit Dadd, qui a joué le rôle de la vieille Miss évanouie, leprétendu cow-boy est un dangereux bandit connu sous le nom deJonathan et qui a pour spécialité d’arrêter et de dévaliser lestrains ; c’est lui certainement qui a eu l’idée de graisserles rails pour forcer le convoi à s’arrêter sous le tunnel. Ledocteur a pour l’instant établi son quartier général dans une fermeabandonnée, située à une soixantaine de milles sur la frontière del’Arkansas.

– Comment le Noir a-t-il pu connaîtretous ces détails ? demanda Miss Elsie.

– Tout simplement parce qu’il fait partiede la bande du docteur.

– À votre place, je ne m’y fierais pas,murmura le banquier, en secouant la tête.

– Je crois au contraire qu’on peut avoirconfiance en lui – jusqu’à un certain point. Ce n’est pas un banditordinaire, il a plutôt été victime des circonstances.

– En êtes-vous bien sûr ?

– Vous allez en juger. Il y a six mois,dans l’État de Nevada, il avait été chargé de conduire un fourgonrempli de barres d’argent, de la mine à la ville voisine. Le convoifut attaqué et pillé par la bande du docteur, et notre Noir – il senomme Peter David – fut fait prisonnier : on le crut complicedes voleurs, et apprenant qu’il était condamné par défaut à troisans de réclusion, il céda aux sollicitations et aux menaces ets’enrôla dans la troupe.

– Si tout cela est exact ?

– Il m’a donné les moyens de contrôlerses affirmations. Actuellement, il ne désire qu’une chose :vivre honnêtement après avoir fait réviser le jugement qui lecondamne. Il est écœuré de la société des coquins qui l’ontembrigadé.

– L’espoir de toucher la prime, fitl’archéologue milliardaire, avec un petit rire sec, entre bien pourquelque chose, je pense, dans ces vertueuses dispositions.

– Cela est très humain et surtout trèsaméricain, répondit tranquillement John Jarvis, mais il y a encoreautre chose : Peter David est amoureux et il compte se mariersitôt qu’il aura régularisé sa situation avec la justice.

« Ce qu’il y a de plus curieux,ajouta-t-il en se tournant vers Miss Elsie, c’est que vousconnaissez la fiancée du Noir.

– Je ne vois pas qui cela peut être, ditprécipitamment la jeune fille. À moins que ma femme de chambreBetty, disparue si mystérieusement…

– C’est elle-même. Cette courageusefille, qui vous montra tant de dévouement, est prisonnière desbandits qui ont fait d’elle leur esclave, mais elle a su prendresur Peter David une grande influence. C’est elle qui l’a décidé àvenir me trouver…

– Il y a dans cette histoire quelquechose qui n’est pas clair, objecta le banquier Rabington, toujoursméfiant. Comment Klaus Kristian a-t-il pu permettre à ce Noir devenir jusqu’ici ? Voilà ce que je ne m’explique pas.

– Vous ignorez donc que les hommes de labande du docteur viennent très fréquemment à Clairmount, où ils ontde nombreux complices ? Peter David m’a affirmé que Kristianétait renseigné jour par jour sur tout ce que nous faisions…

Le détective dit adieu à ses amis, il voulaitêtre arrivé le soir même à proximité du repaire de Kristian, et ilcomptait commencer l’attaquer soit pendant la nuit, soit au leverdu soleil. En partant, il promit à Miss Elsie de s’occuper avanttoute chose de délivrer la fidèle Betty.

Une demi-heure plus tard, la Rolls Royce deJohn Jarvis stoppait en face du bureau de police de Clairmount. Lesdeux détectives y pénétrèrent suivis de Peter David.

Le Noir qui, à l’instigation de Betty, s’étaitdécidé à jouer contre le docteur Kristian une si périlleuse partieétait de physionomie et d’allures sympathiques, ses gros yeuxexprimaient la bonté et la douceur ; son rire bruyant sonnaitclair la franchise et l’insouciance. Grand et robuste il était vêtud’un pantalon de toile, soutenu par une ceinture de flanelle rouge,et d’un veston de cuir. Un feutre à grands bords et une paire debottes à gros clous complétaient son costume, qui dans cette régionest aussi bien celui des cow-boys que des prospecteurs ou destravailleurs de plantations.

John Jarvis demanda le coroner qu’ilconnaissait personnellement, mais ce magistrat était absent. Il n’yavait au bureau de police que son secrétaire, un métis d’originemexicaine, qui neuf fois sur dix, remplaçait son patron, presquetoujours parti à la chasse ou à la pêche sur les bords dufleuve.

La physionomie du secrétaire Pablo Pedrillo neplut pas à John Jarvis. Il semblait à la fois sournois et hargneux,et ses petits yeux aux prunelles jaunes ne regardaient jamais enface. Il paraissait plein de suffisance et pénétré de l’importancede ses fonctions. Tout en parlant, il faisait chatoyer avecostentation les facettes d’un gros rubis qu’il portait àl’annulaire de la main droite.

Jarvis qui n’était venu trouver le coroner quepour se procurer une vingtaine d’hommes résolus, policemen oumiliciens, afin de cerner le repaire du docteur, fit part de sesprojets à Pedrillo.

Celui-ci, à la grande surprise du détective,déclara qu’une expédition pareille ne se décidait pas ainsi au piedlevé et qu’il était indispensable de consulter le coroner qui nerentrait que fort tard dans la soirée, puis, comme pour bienmontrer l’étendue de son autorité à un personnage aussi importantque John Jarvis, il annonça qu’il avait l’intention d’interrogerlonguement Peter David et de le garder en prison jusqu’à plus ampleinformé.

Le détective ne comprenait rien à l’attitudede l’arrogant métis, qui par jalousie de métier ou pour toute autrecause, faisait preuve de la plus mauvaise volonté.

– Comment ! lui dit Jarvis avec uncommencement de colère, je vous donne les moyens de débarrasser lepays d’une redoutable bande, et vous refusez !

– Nous verrons plus tard ! ditPedrillo d’un ton hautain. Je réfléchirai.

– Vous savez fort bien qu’avec lesespions dont il dispose, Klaus Kristian sera prévenu. Si on veut lecapturer, il faut aller très vite.

– Ce n’est pas mon opinion. En attendant,je vais interroger ce coquin de nègre, qui me paraît des plusdangereux.

Et il montrait Peter David dont le visageavait pâli à la façon des Noirs, c’est-à-dire que ses joues étaientdevenues d’un gris cendré. Le pauvre diable regrettait amèrementd’être venu pour ainsi dire se jeter dans la gueule du loup. JohnJarvis le rassura d’un coup d’œil.

– Je suppose, dit-il à Pedrillo, que nouspouvons, mon ami Floridor et moi, assister à l’interrogatoire.

– J’en ai décidé autrement, déclara lemétis avec insolence.

Sans plus de cérémonie, il jeta la porte aunez des deux détectives et s’enferma à double tour avec Peter Daviddans son cabinet.

Furieux, ils demeurèrent dans la petite pièceblanchie à la chaux qui servait de salle d’attente.

– Quel niais prétentieux que cePedrillo ! grommela Floridor.

– Avant peu je compte rabattre sonarrogance, murmura John Jarvis.

– En attendant, je vais tout voir, fit leCanadien en collant un œil à une fente de la porte.

– Et moi je vais tout entendre !ajouta Jarvis, qui avait approché de son oreille un disque de métalqui n’était autre qu’un minuscule, mais très puissant microphoned’invention récente.

Pedrillo avait fait asseoir Peter David àquelque distance du bureau derrière lequel il s’était assis et quisupportait entre autres objets un browning chargé, une alcarazas deterre rouge pleine d’eau fraîche, un verre et diversespaperasses.

Il faisait une chaleur étouffante. Lesecrétaire commença par s’administrer un grand verre d’eau glacéepuis l’interrogatoire commença. À la grande surprise de JohnJarvis, Pedrillo semblait avoir laissé de côté l’arrogance dont ilvenait de faire preuve et il essayait de rassurer son prisonnierpar toutes sortes de paroles mielleuses.

– Raconte-moi franchement tout ce que tusais, lui dit-il, je t’interroge pour la forme. Si tu me dis lavérité, je te remettrai en liberté tout à l’heure.

Ainsi encouragé, le Noir répéta, sans se faireprier et à peu près dans les mêmes termes, tout ce qu’il avaitrévélé le matin à John Jarvis.

Tout en l’écoutant, Pedrillo avait ouvert untiroir et sans que son prisonnier pût se rendre compte de ce qu’ilfaisait, il avait tiré d’une boîte une pilule de la grosseur d’unetête d’épingle, l’avait jetée dans son verre qu’il avait ensuiterempli d’eau.

Pas plus que le Noir, Floridor n’avait pu voirla minuscule boulette qui s’était, presque instantanément, dissoutedans l’eau, sans en troubler la transparence.

Depuis un instant, Peter David dont le frontétait couvert de sueur, regardait avec envie le verre etl’alcarazas, mais il n’osait dire qu’il mourait de soif. Pedrilloqui s’en était aperçu depuis longtemps le regardait avec un sourirebizarre.

– Tu dois avoir la gorge sèche, luidit-il enfin, tu peux boire, cette eau est délicieusementfraîche.

Le Noir ne se fit pas répéter deux fois cetteinvitation. Il s’empara du verre et vida d’une seule gorgée lamoitié de son contenu, puis, ainsi désaltéré, il continua sonrécit.

– Alors, lui demanda tout à coup Pedrillod’un ton ironique, tu es sûr de faire arrêter KlausKristian ?

– J’en suis sûr.

– Eh bien, moi je ne le crois pas.

– Pourquoi cela ?

– Parce que, misérable, tu es déjà punide la trahison que tu viens de commettre ; apprends que jesuis un des fidèles du docteur. L’eau que tu as bue estempoisonnée. Tu n’as pas dix minutes à vivre !

Le Noir, en proie à une terreur folle, poussaun hurlement de bête aux abois.

Au même instant, la porte volait en éclats,John Jarvis et Floridor faisaient irruption dans la pièce. Avantque Pedrillo, surpris par cette intervention, eût le temps des’emparer de son browning, Floridor l’avait saisi à la gorge etl’avait à moitié étranglé.

– Ne perdons pas de temps, dit Jarvisd’une voix brève, vite le contrepoison ou tu vas mourir !

– Il n’y en a pas… râla Pedrillo.

– Tu mens !… D’ailleurs nous allonsbien voir, Floridor, fais ce que je t’ai dit !

Le Canadien ne se fit pas répéter deux foiscet ordre. Il pinça le nez de Pedrillo de telle façon que celui-cifut obligé d’ouvrir la bouche ; alors, malgré sa résistancedésespérée, il lui fit absorber jusqu’à la dernière goutte d’eaucontenue dans le verre.

– Maintenant, dit tranquillement JohnJarvis, je suis sûr qu’il va trouver le contrepoison.

Pedrillo tremblait de peur, ses dentsclaquaient.

– Là !… là… bégaya-t-il, dans letiroir…

John Jarvis avait pris une boîte qui contenaitdes pilules blanches.

– Non pas celle-là, balbutia lemisérable, les cheveux hérissés, les yeux agrandis par uneindicible épouvante… Les pilules noires…, une seule suffira… Vite,de grâce…

Ce fut tout ce qu’il put dire, sa voixs’étranglait dans son gosier tellement il avait peur.

– Tant pis pour toi si tu as essayé denous tromper, lui dit froidement John Jarvis, mais d’abord,commençons par Peter David.

Pendant toute cette scène le Noir n’avait nibougé, ni parlé. Une torpeur invincible le gagnait, une froideurglaciale s’emparait de ses extrémités, ses lèvres bleuissaient, lesglobes de ses yeux chaviraient lentement.

– Pourvu qu’il soit encore temps !…murmura John Jarvis remué par cet horrible spectacle.

Avec toute la rapidité dont il était capable,Floridor rinça le verre, le remplit, y fit fondre une pilule noireet fit boire le malheureux Noir qui se laissa faire machinalement,comme s’il n’eût déjà plus eu conscience de ce qui l’entourait.

– À moi ! Je vous en supplie, râlaPedrillo. Mes mains se paralysent… Le froid gagne le cœur…

– J’ai grande envie de te laisser crevercomme un chien, grommela le Canadien, tu ne l’aurais pas volé.

Il prépara cependant et fit boire un verred’antidote au métis qui l’absorba avec une fiévreuse avidité.

L’effet du contrepoison fut d’ailleurs assezlent à se produire, surtout chez le Noir qui avait attendu pluslongtemps avant d’en prendre. Ce ne fut qu’au bout d’une heure queles deux intoxiqués recouvrèrent complètement l’usage de leursmouvements.

John Jarvis avait glissé dans sa poche lesdeux boîtes de pilules dont il se proposait d’effectuer l’analysechimique sitôt qu’il aurait un moment de loisir.

Le détective était assez embarrassé de labizarre situation où il se trouvait placé quand le coroner lui-mêmeentra, le fusil en bandoulière, les épaules chargées d’unecarnassière pleine de courlis, de vanneaux, de pluviers et d’autresoiseaux d’eau qu’il avait tués dans les marécages qui bordent leMississippi.

Le magistrat qui avait été en relations avecJohn Jarvis lors du vol du cercueil de platine, le saluacordialement et le fit passer dans son cabinet. Là, le détectivelui raconta, sans rien omettre, tout ce qui venait de sepasser.

– Ce que vous m’apprenez ne me surprendpas, déclara le coroner. Pedrillo m’est depuis longtemps désignécomme un des espions que subventionne Klaus Kristian dans la régionet je n’attendais qu’une occasion de le pincer en flagrant délit.Je vais le faire expédier aujourd’hui même à la prison deMonroë.

« En ce qui concerne la capture dudocteur et de sa bande, je suis entièrement à votre disposition.Leur arrestation serait un soulagement pour toute la région. Maissi vous voulez m’en croire prenez les plus grandes précautions pourque personne n’ait vent de votre expédition.

– Je sais que Klaus Kristian a sa policeà lui.

– N’en doutez pas, il seraitimmédiatement prévenu. Voici ce que je vous conseille. Ne partezqu’à la nuit tombante. Les hommes dont vous avez besoin serontconvoqués par moi isolément, sans attirer l’attention, et un carvous transportera rapidement à proximité du repaire des bandits. Ilvous sera facile de cerner leur camp pendant la nuit et de tomberdessus à l’improviste au point du jour.

John Jarvis ne put qu’approuver ces sagesdispositions et remonta en auto avec Floridor et Peter David, dontle grand air acheva de dissiper l’engourdissement. Le pauvre Noirne savait comment exprimer sa reconnaissance à ses sauveurs.

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