La Fin de Fausta

Chapitre 17LE RETOUR

Il n’avait pas lâché le bras de Fausta. Il l’entraîna doucement.D’Albaran suivit. Et derrière d’Albaran, Escargasse et Gringaille,conduisant par la bride les chevaux que leurs deux prisonniersétaient dans l’impossibilité de conduire eux-mêmes. Et la petitetroupe s’éloigna lentement, au pas, trois à pied, les trois autresmontés, abandonnant sur le champ de bataille les trois pauvresbêtes qui avaient succombé à leurs affreuses blessures.

Les premiers pas se firent en silence. Pardaillan observaitFausta du coin de l’œil. Très calme, tout à fait maîtressed’elle-même, elle marchait à son côté d’un pas ferme et assuré.Elle paraissait avoir pris bravement son parti de sa doublemésaventure. Précisément à cause de cette apparente résignation,Pardaillan redoubla d’attention. C’est qu’il la connaissait à fondet il se doutait bien qu’elle méditait une revanche terrible. Il nevoulut pas lui laisser le loisir de combiner son affaire en toutetranquillité d’esprit. Et il se mit à bavarder pour la distraire,la mettre dans la nécessité de renoncer à ses calculs,momentanément, du moins, en l’obligeant à répondre.

– Comment diable avez-vous pu commettre l’imprudence devous aventurer sur les routes, toute seule, sans la plus petiteescorte ? demanda-t-il à brûle-pourpoint.

Il est probable que Fausta ne fut pas dupe de sa manœuvre.Cependant elle ne chercha pas à se dérober. Et de sa voix morne,mais de bonne grâce, elle répondit :

– Je ne suis pas peureuse, vous le savez. Et puis, jecroyais bien n’avoir rien à redouter… D’autant que j’étais armée,et que je manie assez proprement l’épée.

– D’accord, mais comment vous êtes-vous trouvée sur cetteroute précisément plutôt que sur toute autre ?

– Parce que j’ai eu la malencontreuse idée de m’assurer parmoi-même comment mes ordres étaient exécutés.

– Oui, la chose en valait la peine. Quatre millionsreprésentent un fort respectable denier. Mais précisément, à causede l’importance de la somme, vous n’auriez pas dû vous risquer sansune forte escorte.

– Je vous ai dit que je croyais n’avoir rien à redouter.Mes précautions étaient bien prises, et j’avais tout lieu de croireque l’arrivée de ces millions était ignorée de tous.

– Hormis de moi, comme vous voyez.

– C’est vrai. Et cela me fait penser que, pour que voussoyez si bien renseigné, il faut qu’il y ait un traître dans monentourage immédiat.

– Je vous donne ma parole que non. C’est vous-même quim’avez révélé la prochaine arrivée de ces millions d’Espagne.

– Moi ! sursauta Fausta.

– Vous-même, confirma Pardaillan. Mon Dieu, je ne prétendspas que c’est à moi expressément que vous l’avez dit. Non. Maisvous oubliez que je me suis introduit une fois chez vous. Etpendant le temps que j’ai passé aux écoutes dans certain cabinet,vous m’avez ainsi, sans vous en douter, appris pas mal de chosesintéressantes pour moi. Celle-ci était de ce nombre. Et vous voyezqu’elle n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd.

– Puisque vous le dites, je veux bien l’admettre. Ce n’estpourtant pas moi qui vous ai appris le jour exact de l’arrivée deces millions… Je l’ignorais moi-même, alors… Ce n’est pas moi nonplus qui vous ai fait connaître la voie que prendraient cesmillions pour arriver clandestinement chez moi, ni la route quesuivrait d’Albaran pour aller en prendre possession, ni même que ceserait d’Albaran qui serait chargé de ce soin. J’en reviens donc àce que j’ai dit, à savoir qu’il a bien fallu que je fusse trahie…Au moins sur ces différents points.

– Je vous assure que vous vous trompez. Ces différentspoints, je les ai appris par moi-même. Et sans grande difficulté,ma foi.

– Puis-je vous demander comment ?

– Oh ! mon Dieu, de la façon la plus simple dumonde : j’ai expédié sur la route d’Espagne un homme à moi,qui ne manque pas de flair et d’adresse, et qui parle l’espagnolcomme un enfant des Castilles. Il a fini par rencontrer une troupequi escortait un convoi. Sous leurs costumes de serviteurs degrande maison, il a facilement reconnu des soldats. Sous leurfrançais correct – ils ne parlent jamais que français, même entreeux –, il a flairé des Espagnols. Il est entré en contact avec eux,comme on entre en contact avec des soldats, fussent-ilsdéguisés : en leur offrant quelques flacons de vieux vins. Etils ont bavardé, quand le vin leur a eu délié la langue. Ils nesavaient pas grand-chose, d’ailleurs. Mais le peu qu’ils m’ontappris m’a permis de deviner le reste. Pour ce qui est deM. d’Albaran, puisqu’il est votre bras droit, j’ai pensé toutnaturellement que c’est lui que vous chargeriez de prendrelivraison de ce soi-disant convoi de vin d’Espagne qui allaittantôt par voie de terre, tantôt par voie d’eau. J’ai donc faitsurveiller M. d’Albaran par un autre compagnon à moi. Aussilorsque ce compagnon est venu, ce matin, me faire connaître sapromenade matinale et le chemin qu’il prenait, j’ai compris que lemoment était venu d’agir. Ce que j’ai fait aussitôt. Vous voyez,princesse, que je n’ai pas eu besoin d’acheter la complicité d’unde vos serviteurs. J’aurais été bien embarrassé de le faire,d’ailleurs, attendu que, vous le savez, je ne possède pas lamoindre fortune.

– Je vous crois, fit simplement Fausta qui ne doutait pasde sa parole et qui admirait intérieurement les inépuisablesressources de cet esprit toujours aussi actif et entreprenant.

– Et maintenant, qu’allez-vous faire de cet argent ?fit-elle, après un court silence.

– Pardieu, je vais le remettre à qui il appartient.

– Comment, s’écria Fausta, feignant de se méprendre, vousallez me rendre cet argent après me l’avoir pris ?

– J’ai dit que j’allais le remettre à qui il appartient,rectifia froidement Pardaillan, et non pas que j’allais vous lerendre.

– Cependant… il me semble que c’est à moi qu’ilappartient.

– Il vous semble mal, voilà tout. Cet argent appartientmaintenant au roi. Et comme il faut préciser, avec vous, jeprécise : au roi de France, Sa Majesté Louis XIII.

– Voilà qui est tout à fait particulier ! Commentexpliquez-vous que cet argent, qui est à moi, quoi que vous endisiez, est devenu, selon vous, la propriété du roi de France, SaMajesté Louis XIII ?

– De la façon que voici et que le premier venu, en France,vous expliquera comme moi : cet argent, à tout prendre, c’estune marchandise comme une autre. Or, vous saurez, si tant est quevous l’ignoriez vraiment, que le roi a le droit de confisquer toutemarchandise entrée en fraude dans son royaume. Vous ne sauriez nierque c’est ainsi, en fraude, que ces tonnelets qui, soi-disant,contiennent du vin d’Espagne, sont entrés en France. Le roi usedonc de son droit. Un droit que nul, même le roi d’Espagne, nesaurait contester. De vous à moi, j’ajoute qu’étant donné l’emploique vous comptiez faire de cet argent, même en laissant de côté laquestion de droit, il est de bonne guerre à lui, pouvant le faire,de mettre la main dessus.

– Je n’en disconviens pas, avoua Fausta, qui ajouta, avecun sourire aigu : reste à savoir comment Sa Majesté Philipped’Espagne prendra la chose.

– Le roi d’Espagne, répliqua Pardaillan avec un sourire quine le cédait en rien à celui de Fausta, comprendra que ce qu’il ade mieux à faire, c’est de se taire. S’il n’est pas assezintelligent pour le comprendre de lui-même, vous, madame, qui êtesune des plus belles intelligences que je connaisse, vous nemanquerez pas de le lui faire comprendre. Je n’ai pas besoin devous dire quel intérêt capital – c’est bien le mot – vous avez à cequ’une enquête ne soit pas ouverte au sujet de cette affaire. Or,cette enquête sera inévitable si votre souverain a lamalencontreuse idée de s’aviser de réclamer. Croyez-moi, ce quevous pouvez faire de mieux, c’est de vous résigner à accepter laperte de cet argent.

Fausta, qui le connaissait bien, savait qu’il ne menaçait passouvent. Mais si on le contraignait à le faire, ce n’était jamaisen vain. Elle courba la tête, vaincue, et soupira.

– Eh ! quoi ! s’écria Pardaillan, se peut-il quela perte de cet argent vous affecte à ce point ? Certes, lasomme est énorme ! Mais, en vérité, elle est peu de chosecomparée à votre fabuleuse fortune !

– Croyez-vous vraiment que c’est la perte de cet argent quim’affecte ainsi ?

– J’entends bien que ce n’est pas l’argent en soi que vousregrettez. C’est la besogne que vous auriez pu accomplir avec cetargent. Mais quoi, il faut en prendre votre parti. En somme, vousvenez de perdre une manche, mais la partie continue entre nous.Vous aurez peut-être votre revanche. Morbleu, je vous ai vu perdredes coups plus importants que celui-ci, et vous vous êtes montréemeilleure joueuse. D’où vient que je vous vois si abattue, cettefois-ci ?

Il avait au coin de l’œil cette lueur malicieuse qu’on y voyaitchaque fois qu’il préparait un bon tour. Il est certain qu’il avaittrès bien compris ce qui se passait en elle. Seulement, il voulaitle lui faire dire. Il y réussit à merveille. Soit qu’elle fût dupe,soit qu’elle éprouvât l’impérieux besoin d’être fixée au plus vitesur son sort, toujours est-il qu’elle saisit avec empressement laperche qu’il lui tendait, non sans malice, et elle révéla lavéritable cause de cet abattement dont il feignait des’étonner.

– C’est que, dit-elle, j’avais alors conservé ma liberté.Et, pour des gens d’action comme vous et moi, être libre est unavantage d’une inappréciable valeur. Aujourd’hui… je suis votreprisonnière. Comprenez-vous ?

– À merveille, sourit Pardaillan qui, en lui-même, sedisait : « Je savais bien que c’était là que le bâtblessait. »

Et tout haut, le regard pétillant :

– Prisonnière me paraît un peu excessif.

– Enfin, vous me tenez…

– C’est un fait certain.

– Qu’entendez-vous faire de moi ?

– Mais, fit Pardaillan, qui prit son air le plus naïf,j’entends vous garder précieusement, le plus longtempspossible.

« Démon ! rugit Fausta en elle-même, que l’enfert’engloutisse ! » Et cependant, ayant repris complètementpossession d’elle-même, par un effort de volonté dont elle seule,peut-être, était capable, elle montrait un visage que n’altéraitpas la moindre trace d’émotion, presque souriant.

– À moins que…, reprit Pardaillan, qui fit une pause.

Il est certain qu’il jouait avec elle comme le chat joue avec lasouris. C’était sa petite vengeance, cela. Et nous ne nous sentonspas, quant à nous, le courage de la lui reprocher : après lesmauvais tours qu’elle lui avait joués, après les transesépouvantables par où elle l’avait fait passer, nous sommes obligésde reconnaître que la satisfaction qu’il s’accordait était bieninnocente. Ceci dit tel que nous le pensons, en conscience, et nonpas dans l’intention d’influencer le lecteur, qui reste toujourssouverain juge et libre de dispenser à son gré le blâme oul’éloge.

Le jeu d’ailleurs, était mené avec tant de délicate bonhomie queFausta ne le sentit pas. En revanche, elle sentit très bien qu’unechance de salut, inespérée, s’offrait à elle. Elle se raidit detoutes ses forces pour forcer ses traits à garder leur calmesouriant. Et sa voix, si grave, si harmonieuse qu’on pouvait sedemander si elle sortait bien de la même petite bouche qui,quelques instants plus tôt, dans le feu de l’action et sous le coupde la colère, n’émettait que des sons rauques, durs, pareils auxrugissements d’un fauve, sa voix ne tremblait pas tandis qu’elleinterrogeait :

– À moins que ?…

– À moins que vous n’acceptiez le marché que je veux vousproposer, acheva Pardaillan.

– Voyons ce marché, fit-elle sans hâte.

– Voici. Je vous rends cette liberté qui vous est si chère,si vous me rendez, vous, la petite Loïse.

Ces paroles, Pardaillan les prononçait avec une gravité quiattestait que la proposition était des plus sérieuses. Faustatressaillit : elle ne s’attendait pas à pareille propositionet, qui sait ? peut-être, dans les nombreuses machinationsqu’elle menait de front, peut-être avait-elle oublié cette enfant,sa petite-fille, et quel otage précieux elle pouvait être entre sesmains. Elle n’hésita pas :

– Impossible, dit-elle d’une voix tranchante. Et, sereprenant vivement :

– À moins… Voulez-vous me permettre de vous poser unequestion, Pardaillan ?

– Dix questions, cent questions, toutes les questions quevous voudrez… J’ai le temps, moi, répondit Pardaillan de sa voixredevenue railleuse.

– Je puis vous dire sur-le-champ où se trouve cette enfant.Dans deux heures, elle peut être dans vos bras. Si je m’exécutesur-le-champ, serais-je libre également sur-le-champ ?

– Non, pas sur-le-champ, répondit Pardaillan,catégorique.

– Vous vous défiez de moi ?

– Non, fit Pardaillan, aussi catégorique. Je sais que vousne vous abaisserez pas à mentir avec moi. Je sais que je trouverail’enfant à l’endroit que vous aurez indiqué. Je sais enfin que jepourrai l’emporter.

– Alors, que craignez-vous ?

– Rien. Seulement, même si vous me rendez l’enfant séancetenante, je ne pourrai, moi, vous rendre votre liberté que cesoir.

– C’est-à-dire quand vous serez sûr que les millionsespagnols sont entrés dans les coffres du roi ?

– Parbleu !

– Vous sacrifiez votre petite-fille à cesmillions ?

– Sans remords et sans hésitation.

– Eh bien, je n’hésite pas non plus, moi, je préfèresacrifier les millions, sacrifier ma liberté et garderl’enfant.

– Comme il vous plaira, trancha Pardaillan avec uneindifférence qui n’était pas affectée.

Cette indifférence la surprit : sa surprise se manifestadans le regard qu’elle lui décocha à la dérobée. Lui, il laguignait toujours du coin de l’œil. Il surprit ce regard. Il souritet haussant les épaules :

– Vraiment, princesse, vous êtes étrange ! Je nepossède pas votre incalculable fortune, moi ! Quatre millionspour un pauvre hère tel que moi, cela représente une sommemirifique, fantastique, chimérique ! Pourquoi diablevoulez-vous que je sacrifie une somme pareille pour une enfant, queje suis sûr de retrouver quand je voudrai ?

– Je vous assure, chevalier, que vous ne la trouverezpas.

– Je vous assure, princesse, que je ne me donnerai pas lapeine de la chercher.

– Alors ?…

– Alors, je vous l’ai dit. Je ne suis pas pressé.J’attendrai.

– Quoi ?

Il prit un temps, et avec un flegme sans pareil :

– Je vous l’ai dit aussi : j’attendrai que vousm’indiquiez vous-même l’endroit où vous la cachez et où je pourraila prendre.

– Vous croyez que je ferai cela ? railla Fausta.

– J’en suis sûr, aussi vrai que ce soleil qui monte de plusen plus là-haut commence à nous chauffer un peu plus qu’il neconvient.

Il montrait une assurance telle que, malgré elle, Fausta en futimpressionnée. Elle laissa tomber la conversation et s’enfonça dansune profonde rêverie. Pendant qu’elle réfléchissait, Pardaillan,souriant, dans sa moustache grise, d’un sourire indéfinissable, sedisait en l’observant du coin de l’œil :

« La voilà partie sur la piste où je l’ai lancée, sans enavoir l’air. Elle y viendra, ou le diablem’emporte ! »

Il ne se trompait pas : Fausta songeait à ce qu’il venaitde lui affirmer avec tant d’assurance. Tout d’abord, cette penséequ’elle pourrait lui rendre elle-même l’enfant lui avait parutellement insensée qu’elle n’avait même pas voulu s’y arrêter.Cependant, malgré elle, elle y était revenue. Cette hypothèsequ’elle avait voulu écarter, elle y songea, quoi qu’elle en eût etquelque effort qu’elle fît pour la chasser de son esprit. Ellel’envisagea sous toutes ses faces, la tourna et la retourna tant etsi bien qu’elle ne lui parut pas aussi folle. Lorsque les premièresmaisons de Saint-Denis furent en vue, elle en était arrivée à sedire :

« Pourquoi pas ?… Pourquoi ne lui dirais-je pas où estl’enfant ? Après tout, je ne lui ai jamais voulu de mal, moi,à cette enfant… au contraire. Et, quoi que j’en aie dit, il n’estjamais entré dans ma pensée de la ravir à tout jamais à sa famille.Et, puisque j’étais résolue à la rendre aux siens qui la pleurent,que m’importe que ce soit un peu plus tôt ou un peu plustard ?… Oui, pourquoi pas ?… En somme, le problème serésume à ceci : attirer Pardaillan dans la maison où estl’enfant ; le laisser un instant avec elle pour qu’il s’assurequ’elle n’a pas souffert, qu’il n’y a pas eu substitution ;lui montrer de façon évidente, de manière à ce qu’il n’en puissedouter, qu’elle est remise en liberté, rendue aux siens… Tout celaest on ne peut plus facile. Voici où commence la difficulté :amener Pardaillan à rester un instant dans la maison, après ledépart de l’enfant, et l’amener à faire cela de son plein gré…après quoi il ne pourrait plus sortir vivant de cette maison… Voilàla solution à trouver… C’est difficile… très difficile. Ce ne doitpas être impossible. »

Dès l’instant où elle avait admis la possibilité de paraîtrecéder à la suggestion de Pardaillan, dès l’instant où, allant plusloin, elle s’était posé à elle-même le problème à résoudre, ilétait clair que, si difficile qu’elle fût, elle voudrait chercherla solution. En effet, stimulée peut-être par la difficulté, ellese dit :

« L’Évangile nous dit : “Cherche, et tutrouveras”. »

Et, résolument, elle conclut :

« Cherchons. »

Au bras de Pardaillan, elle continua d’avancer en silence,cherchant patiemment, méthodiquement, toutes les ressources de sonesprit infatigable tendues vers le but à atteindre, si passionnéepar cette recherche qu’elle en oubliait sa situation actuelle, etque, avant de songer à attirer Pardaillan dans un traquenard d’oùil ne sortirait pas vivant, il eût peut-être été plus sage desonger d’abord à se tirer de ses mains.

Cette fois, Pardaillan la laissa réfléchir tout à son aise, nechercha pas à la détourner de ses pensées. D’ailleurs, ils étaientpresque arrives. Ils atteignirent les premières maisons de lapetite ville où les rois de France dormaient leur dernier sommeil.Pardaillan s’arrêta, ce qui eut pour résultat de ramener Fausta ausentiment de la réalité, en l’arrachant à ses calculs.

– Madame, dit-il, nous allons nous engager dans des ruesassez animées. Il vous sera facile de crier à l’aide et d’ameuterles passants contre moi. Je vous conseille de n’en rien faire et devous laisser docilement conduire là ou je vous conduis. Je vous leconseille vivement. Dans votre propre intérêt, bien entendu.

Il disait cela doucement, sans élever la voix, comme une chose àlaquelle il n’attachait pas d’importance. Mais son regardflamboyant, le sourire terrible qui hérissait sa moustache,l’expression froidement résolue de sa physionomie parlaient unlangage muet d’une éloquence telle que Fausta, si brave qu’ellefût, sentit instantanément se briser en elle toute velléité derésistance. Et elle promit :

– Je n’appellerai pas. Je vous suivrai sans résister.

Ceci avait été dit, de part et d’autre, assez haut pour êtreentendu du blessé et des deux prisonniers. Néanmoins, Pardaillans’adressa directement a eux. Et, du même air, mais avec plus derudesse dans l’accent :

– Vous avez entendu, vous autres ? Tâchez de suivrel’exemple de votre maîtresse, si vous ne voulez qu’il vous arrivemalheur à tous.

Ce fut Fausta qui répondit pour eux :

– Aucun de mes gens ne se permettrait d’ouvrir la bouche,quand leur maîtresse se tait, dit-elle avec hauteur.

– S’il en est ainsi, tout est pour le mieux, fittranquillement Pardaillan.

Et, de son ton de commandement :

– Allons donc.

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