La Fin de Fausta

Chapitre 3LA DAME EN BLANC (suite)

La dame en blanc s’était levée, toute droite, comme mue par unressort, quand elle avait vu sa fille courir au-devant de son père.Elle aussi, elle voulut s’élancer à la rencontre de l’époux tant etdepuis si longtemps attendu. L’émotion la paralysa. La joie lasuffoquait. Elle dut appuyer des deux mains sur son sein pour encomprimer les mouvements tumultueux. Et, rougissante et pâlissantetour à tour, les yeux humides, comme extasiée, elle bégaya avec unaccent de tendresse profonde :

– Ô mon Charles bien-aimé ! je vais donc le voirenfin !…

Retrouvant le mouvement, elle allait se lancer dans l’escalier àla suite de sa fille. À ce moment, trois hommes, trois apparitionsformidables, terrifiantes, le fer au poing, parurent dans le cadrede la fenêtre ouverte, bondirent dans la pièce où elle setenait.

La dame en blanc tournait le dos à la fenêtre : elle avaitdéjà la main sur le loquet pour ouvrir la porte. Elle entendit lebruit que faisaient les trois intrus – qui n’étaient autres quePardaillan, Odet de Valvert et Landry Coquenard – en sautant dansla chambre. Cette femme frêle et délicate, que la joie venait deterrasser un inappréciable instant, ne perdit pas une seconde latête devant le danger.

Elle se retourna juste à point pour voir Landry Coquenard fermerla fenêtre. Elle ne se troubla pas, ne s’inquiéta pas devant lestrois épées menaçantes. Elle se redressa. Et avec un aird’inexprimable majesté, de sa voix douce qui ne tremblait pas,dédaignant d’appeler à l’aide, elle demanda :

– Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? Quesignifie ?… Brusquement elle s’interrompit. La série dequestions qui se pressaient sur ses lèvres s’acheva en un cri où ily avait un étonnement prodigieux :

– Monsieur de Pardaillan !…

Pardaillan avait aperçu cette forme féminine, tout de blancvêtue, qui lui tournait le dos. Il n’avait pas rengainé. Mais ils’était découvert en un geste large, un peu théâtral. Un de cesgestes qui n’appartenaient qu’à lui. Il fit vivement deux pas,s’inclina respectueusement et s’efforça de rassurer :

– Ne craignez rien, madame, et, de grâce, pardonnez-nous…Et lui aussi, il reconnut au même instant la jeune femme. Et commeelle, il s’interrompit pour s’écrier :

– Violetta !…

La rencontre le stupéfiait au moins autant qu’elle avaitstupéfié celle qu’il venait de nommer Violetta. Seulement, alorsque le gracieux et expressif visage de celle-ci exprimait leravissement sans mélange que lui procurait cette rencontre, quelquechose comme une ombre de contrariété ou d’inquiétude passa sur leloyal et non moins expressif visage de Pardaillan.

Ce fut d’ailleurs si rapide que ni la jeune femme ni lescompagnons du chevalier n’eurent le temps de le remarquer. Toutaussitôt, Violetta s’avança précipitamment, se jeta avec un chasteabandon sur la large poitrine de Pardaillan, lui tendit le front,exprimant sa joie profonde dans ces mots jaillis du fond ducœur :

– Vous, monsieur, vous, ici, chez moi !… Tous lesbonheurs m’arrivent donc aujourd’hui ?

Pardaillan ferma les bras sur elle, se pencha, plaqua sur sesjoues satinées deux baisers tendrement fraternels, cependant qu’ildisait :

– Ma petite Violetta !… Du diable si je m’attendais àvous trouver dans cette pièce où je me suis introduit comme unvulgaire malfaiteur !… N’importe, je suis bien heureux de vousvoir.

Il parlait en toute sincérité et il n’y avait qu’à voir son bonsourire pour se convaincre qu’il était en effet heureux de larencontre.

Odet de Valvert et Landry Coquenard le comprirent bien ainsi.Ils n’avaient pas hésité à le suivre. Ce n’était pourtant pas sansse demander avec angoisse quel accueil les attendait dans cettemaison inconnue où, selon le mot de Pardaillan lui-même, ilss’introduisaient « comme de vulgaires malfaiteurs »,l’épée au poing. Ils se sentirent instantanément rassurés. EtLandry Coquenard, avec un large sourire, traduisit sa satisfactionen glissant ces mots à l’oreille de son maître :

– C’est une vraie bénédiction du ciel que nous soyonsprécisément tombés chez des amis de M. le chevalier !

À quoi, Valvert, aussi satisfait, répliqua sur le même tonconfidentiel :

– Oui, je crois que ce n’est pas encore ce coup-ci queConcini et ses assassins mettront la main sur nous.

Ils se hâtaient trop de se féliciter et de se réjouir. S’ilsavaient pu lire dans l’esprit du chevalier, ils auraient vu qu’ilsétaient loin d’être hors d’affaire comme ils le croyaient. Eneffet, Pardaillan souriait héroïquement. Son œil clair n’exprimait,en se fixant sur Violetta, que la plus tendre, la plus fraternelleaffection. Pas l’ombre d’une inquiétude ne se lisait sur son loyalvisage. Par malheur, ce n’était là qu’un masque qu’il s’appliquaitpour dissimuler à la jeune femme la rude désillusion quil’atteignait et l’effroyable accès de fureur qui venait de nouveaude s’emparer de lui. Pardaillan songeait :

« Quel démon fantasque et malfaisant s’acharne donc ainsiaprès moi, aujourd’hui !… Quoi, j’ai cette guigne noire detomber chez la duchesse d’Angoulême !… Pardieu, s’il n’y avaitqu’elle… cette tendre et douce Violetta, j’en suis certain,donnerait sans hésiter une pinte de son sang pour nous tirerd’affaire… Mais il y a le duc… le duc d’Angoulême, associé deMme Fausta, le futur Charles X… Et c’est que je nesuis plus précisément de ses amis, à Charles d’Angoulême… Corbleu,nous voilà bien lotis, s’il nous voit chez lui !… »

Ces réflexions plutôt sombres traversèrent l’esprit dePardaillan avec cette rapidité foudroyante de la pensée. Toutaussitôt, il se dit :

« Je ne peux pas faire à cette douce Violetta ce chagrinmortel de croiser le fer avec son époux, devant elle… D’autre part,je ne veux pas me laisser égorger comme un mouton… cordieu, ceserait faire la partie trop belle au duc et à Fausta !… Alorsje ne vois qu’un moyen : c’est de déguerpir au plus vite,avant que le duc ne nous tombe dessus. »

Ayant pris cette résolution de battre en retraite une fois deplus, Pardaillan avertit Valvert par un de ces regards d’uneéloquence criante. Valvert comprit à merveille qu’il devait, plusque jamais, se tenir sur ses gardes. Il en fut tout effaré, car ilcroyait bien que tout était fini pour eux. Il en fut effaré, maiscela ne l’empêcha pas de se le tenir pour dit et d’avertir à sontour Landry Coquenard par un coup de coude. Et tout en se tenantprêt à tout, il ouvrit les yeux et les oreilles tout grands, pourtâcher de comprendre ce qui leur arrivait.

Il ne tarda pas à être fixé. La duchesse d’Angoulême, puisquec’était elle, en ce moment même, se dégageait doucement del’étreinte de Pardaillan, et disait, avec le même accent de joienaïve et touchante :

– Quelle va être la joie du duc d’Angoulême lorsque, enrentrant chez lui, il aura cette heureuse surprise d’y trouver songrand frère bien-aimé, le chevalier de Pardaillan !

« Le duc d’Angoulême ! s’écria Valvert en lui-même.Peste et fièvre, nous jouons vraiment de malheur,aujourd’hui !… »

Landry Coquenard ne se dit rien, lui. Il n’était pas au courantet ne pouvait pas comprendre. Mais il voyait bien que les chosesparaissaient se gâter. Et son nez s’allongeait piteusement. Quant àPardaillan, il respira plus librement en apprenant que le ducn’était pas chez lui. Mais comme il comprenait qu’il pouvaitarriver d’un moment à l’autre, il ne s’attarda pas :

– Duchesse, dit-il, vous avez dû comprendre, à la façondont nous nous sommes introduits chez vous, que nous nous trouvonsdans une situation critique, ayant à nos trousses une bande dechiens enragés qui nous donnaient la chasse…

– Je l’ai très bien compris, interrompit la duchesse. Et jen’ai pas besoin de vous dire, chevalier, que vous êtes ici enparfaite sûreté.

Cette assurance, qu’elle donnait en toute sincérité, d’ailleurs,ne pouvait pas faire l’affaire de Pardaillan qui, voulant éviter àtout prix la rencontre avec le duc, ne demandait qu’à tirer aularge, au plus vite. Comme s’il n’avait pas entendu, de même qu’ilavait évité de répondre quand elle avait parlé du duc, il se hâtade prendre congé.

– Vous voudrez bien m’excuser si je vous quitte aussibrusquement que je vous suis apparu. Je vous jure, Violetta, queles circonstances ne me permettent pas d’agir autrement.

Comme s’il jugeait que tout était dit, il fit signe à Valvert età Landry de le suivre et il s’avança vers la porte.

Malheureusement, la duchesse se trouvait devant cette porte. Etelle ne paraissait pas disposée à lui faire place. C’est qu’ellevoyait combien son attitude était gênée. Elle ne s’expliquait pascette gêne parce qu’elle ignorait la brouille survenue entre lesdeux anciens amis. Mais elle en était douloureusement affectée.Elle reprocha doucement, sur un ton plaintif :

– Comment, chevalier, je vous parle de Charles et vousévitez de répondre !… Je vous dis que cette maison danslaquelle vous avez, au hasard, cherché un refuge, appartient auplus sûr, au plus dévoué de vos amis qui, dans un instant, seraprès de vous et prêt à verser son sang pour vous !… Vousdevriez vous y sentir en sûreté. Et vous préférez vous en aller… aurisque de tomber entre les mains de ceux qui vous traquaient et quivous cherchent peut-être encore !… Pourquoi, chevalier,pourquoi ?…

De tout ce qu’elle avait dit, Pardaillan n’avait retenu qu’unechose : c’est que le duc ne pouvait pas tarder à arriver.

– Ce serait trop long à vous expliquer !s’écria-t-il.

Et mettant dans son accent toute sa force depersuasion :

– Pour Dieu, Violetta, livrez-nous passage !… Il estpeut-être encore temps !…

Elle savait bien qu’il n’oserait jamais porter la main sur ellepour l’écarter de force. Et elle ne bougea pas. Elle secoua sajolie tête auréolée d’or et, fixant sur lui le rayonnement de sonregard limpide, d’une voix douce qu’une émotion poignante faisaittrembler :

– Savez-vous que je commence à croire que vous voulez fuircette maison parce qu’elle appartient à mon époux… avec lequel vousne voulez pas vous rencontrer ?

Exaspéré de voir sa force venir se briser, impuissante, devantla résistance passive de cette faiblesse qu’il eût anéantie d’unsouffle, Pardaillan laissa tomber ses bras d’un air accablé, enreprochant amèrement :

– Ah ! Violetta, c’est donc ma perte que vousvoulez !…

– Comment pouvez-vous dire une chose aussi affreuse !gémit-elle. Ne savez-vous pas, Pardaillan, qu’il n’est pas unegoutte de sang dans mes veines que je ne serais heureuse de donnerpour vous ?

– Ah ! je ne vous en demande pas tant !Livrez-moi passage seulement, s’impatienta Pardaillan auxabois.

De nouveau, elle le fouilla du regard, pour découvrir le secretde cette gêne qu’elle sentait en lui. Mais ce n’était pas chosefacile que de lire sur le visage de Pardaillan quand il luiplaisait de commander à ses traits de demeurer fermés. Elle dut yrenoncer. D’ailleurs, elle commençait à pressentir la vérité. Ellevoulut en avoir la certitude. Elle s’écarta, et :

– Soit, fit-elle avec tristesse, mais je vous préviensqu’il est trop tard : le duc monte. Écoutez plutôt.

Pardaillan avait déjà porté la main sur le loquet. Il s’arrêtanet en entendant ces paroles. Il tendit l’oreille. Il reconnut lavoix du duc qui, en montant l’escalier, s’entretenait à voix hauteavec sa fille Giselle. Et, furieux, il sacra :

– Mort de tous les diables !

Instinctivement, il recula de deux pas. Son œil étincelant fitle tour de la pièce, cherchant une issue par où il pourraits’esquiver, éviter le duc, sans se livrer à Concini. Il ne vit pasd’autres ouvertures que cette fenêtre par où il était entré, etcette porte par où il venait de reculer. Il rengaina, croisa lesbras sur la poitrine, et éclatant d’un rire nerveux :

– Corbleu, je joue vraiment de malheur, aujourd’hui,dit-il. La duchesse avait suivi tous ses mouvements avec uneattention angoissée. Elle était fixée, maintenant. Elle s’approchade lui, mit sa main fine sur son bras et, de sa voix douce où l’onsentait rouler des sanglots refoulés :

– Ainsi, je ne m’étais pas trompée, dit-elle : vous nevoulez pas vous rencontrer avec mon époux ! Et, Dieu mepardonne, on dirait que vous l’évitez comme on évite un ennemiqu’on sait dénué de scrupules.

– Eh bien, oui, là ! avoua Pardaillan.

Et levant les épaules, avec une brusquerie affectée :

– Je ne voulais pas vous le dire parce que je savais quevous en éprouveriez un gros chagrin : sachez donc, ma pauvreVioletta, que le duc et moi nous sommes fâchés à mort.

Une crispation de ses traits fins et délicats trahit la douleurque lui causait cette nouvelle, attendue depuis un instantpourtant. Pardaillan, la voyant très pâle, toute bouleversée, luiprit les deux mains qu’il serra tendrement, et avec une grandedouceur :

– Je vous assure qu’il n’y a point de ma faute,Violetta.

– Hélas ! fit-elle tristement, je me doute bien queles torts ne sont pas de votre côté ! Mais lui, Charles,comment a-t-il pu ?…

Et, se redressant, une flamme dans ses beaux yeuxbleus :

– Non, c’est impossible !… Il doit y avoir là unhorrible malentendu !… Vous devez vous tromper… Charlesd’Angoulême ne peut être l’ennemi du chevalier de Pardaillan, à quiil doit tout.

Elle était touchante dans sa confiance naïve en l’époux adoré.Malheureusement, Pardaillan savait à quoi s’en tenir sur lareconnaissance du duc et sur la nature de ses sentiments à sonégard. Et, levant les épaules, avec un sourire railleur :

– Vous parlez du passé, dont vous gardez fidèlement lamémoire. Le duc, lui, ne voit que le présent. Or, il faut bien ledire, puisque cela est, dans ce temps présent, je suis, moi, unobstacle à la réalisation des projets du duc. D’où, pour lui,nécessité capitale de supprimer l’obstacle. Et puisque j’ai eucette guigne noire de venir me livrer pieds et poings liés à lui,vous pouvez être sûre qu’il ne laissera pas échapper une si belleoccasion de se débarrasser de moi.

– Jamais, protesta-t-elle avec force, je ne croirai qu’ilsera assez ingrat, assez misérable pour attenter à votrevie !

Pardaillan, qui se souvenait que le duc n’avait rien fait pourempêcher Fausta de le précipiter dans une oubliette, de même qu’iln’avait, ensuite, rien fait pour le tirer de cette oubliette,Pardaillan eut un sourire sceptique et murmura :

– Non, il va se gêner, peut-être !…

Il avait parlé très bas, pour lui-même. Cependant elle avaitentendu. Elle répliqua, sur un ton de douloureuxreproche :

– Oh ! chevalier, vous le croyez, vous ?

– Je crois, dit froidement Pardaillan, que le duc va, sansle moindre scrupule, nous livrer à cette bande d’assassins qui nousdonnaient la chasse tout à l’heure et qui doivent nous chercherpartout.

– Ce serait une lâcheté ! se récria la duchesse.

– Eh non, fit Pardaillan avec la même froideur ; ilfaut voir les choses telles qu’elles sont : le vrai, que vousignorez, vous, Violetta, est que le duc a partie liée avec cesgens-là. Cela étant ainsi, il est tout naturel qu’il appelle sesamis à la rescousse pour se débarrasser de nous. Je diraiplus : s’il ne le fait pas, il aura tort.

– Vous avez beau dire, protesta la duchesse, tenace dans saconfiance, ce serait une félonie dont Charles est tout à faitincapable.

– Soit, consentit Pardaillan, mais alors il va me chargertout d’abord et sans explication… Et comme, pour l’amour de vous,je ne me défendrai pas, le résultat sera le même : ce sera icila fin de tout pour moi.

Et s’animant :

– Et j’enrage, voyez-vous, Violetta, de finir ainsistupidement !… J’enrage, parce que ma mort, maintenant,assurera le triomphe de ces larrons… Car, à proprement parler, cesont de vulgaires larrons, puisqu’ils veulent s’approprier un bienqui ne leur appartient pas.

– Et lui, Charles d’Angoulême, un Valois, le fils deCharles IX, a partie liée avec des larrons ! s’indigna laduchesse. Il faut que ce soit vous qui me le disiez, chevalier,pour que je consente à le croire. N’importe, si bas qu’il soitdescendu, jamais je ne croirai que Charles…

– Voilà le duc. Vous allez être fixée, interrompitfroidement Pardaillan.

Et comme si de rien n’était, il se tourna vers Odet de Valvertet Landry Coquenard, témoins muets, mais fort attentifs, et,disons-le, fort troublés, de cet entretien dramatique. Et à voixbasse, avec une grande douceur, mais aussi avec une irrésistibleautorité :

– Rengainez, mon enfant.

Et il expliqua :

– Nous ne pouvons pas faire à cette noble femme ce chagrinmortel de nous battre, devant elle, contre son époux.

Sans hésiter, Valvert obéit. Et croisant les bras sur lapoitrine, il attendit avec un calme imperturbable qui dénotait laconfiance sans bornes qu’il avait en son vieil ami. LandryCoquenard obéit pareillement. Seulement, il fut un peu plus long àremettre l’épée au fourreau. Et pendant tout le temps qu’il mit,avec un regret visible, à accomplir cette opération, il mâchonnaitentre les dents de sourdes protestations. En pure perte, du reste,car ni Pardaillan ni Valvert ne parurent y faire attention.

Quant à la duchesse d’Angoulême, de pâle qu’elle était, elledevint livide, et elle murmura en elle-même :

« Oh ! je veux voir si Charles aura le triste couragede commettre cette abominable action de lever un fer homicide surcelui qui, vingt fois, a exposé sa vie pour sauver la sienne et lamienne. Et si l’ambition, la maudite et détestable ambition, acorrompu à ce point le cœur jadis si tendre et si généreux de monCharles, si vraiment M. de Pardaillan ne s’est pastrompé, eh bien, il faudra qu’il me frappe avant et qu’il passe surmon cadavre pour l’atteindre, lui, qui ne se défendra pas,puisqu’il l’a dit. »

Ayant pris cette résolution, la duchesse, plus livide encore,mais très calme, l’œil sec, fixe, vint se placer à côté dePardaillan, face à la porte qui allait s’ouvrir. Et son attitudefière et résolue trahissait si bien son intention que Pardaillanébaucha un sourire en se disant :

« Il est de fait qu’elle seule pourra nous tirer de ceteffroyable guêpier où je me suis fourvoyé. Toute la question est desavoir si elle aura encore assez d’empire sur le duc pour lui fairefaire ce qu’elle veut. Ce dont je doute, si j’en juge par lafacilité avec laquelle le duc a accepté de partager son trône avecMme Fausta, ce qui me paraît indiquer que sa grandepassion pour la douce Violetta est sinon morte, du moinsconsidérablement refroidie. »

À ce moment, la porte s’ouvrit brusquement. Giselle, l’œilbrillant, le teint animé, entra en coup de vent encriant :

– Mère chérie, voici mon père !

Elle s’arrêta, interdite, en voyant Pardaillan. Il faut croirequ’elle le connaissait à merveille, car elle s’écria, avec une joienaïve :

– Monsieur de Pardaillan !

Et, comme une enfant qu’elle était, elle lui sautaimpétueusement au cou, en disant :

– Ah ! que je suis contente de vous voir,monsieur ! Pardaillan la serra tendrement sur son cœur, commeil avait serré la mère, et, l’écartant doucement, il l’admira et lacomplimenta :

– Ma petite Giselle !… Eh ! comme te voilàgrande, et forte, et belle ! Mais tu n’es plus unegamine ! Te voilà devenue une femme, une vraie femme ! Etjolie, ma foi, autant que ta mère !… Ce qui est tout dire.

– Ah ! comme mon père va être heureux ! s’écriaGiselle en rougissant adorablement.

Cependant, tout en l’admirant et en la complimentant,Pardaillan, sans en avoir l’air, l’écartait doucement pour garderla liberté de ses mouvements, car s’il était résolu à ne pas tirerl’épée contre le duc d’Angoulême, il n’en était pas moins décidé àne pas se laisser égorger comme un mouton. Et, de son œil perçant,il fouillait le palier, cherchant le duc qu’il s’étonnait de ne pasvoir paraître encore.

La duchesse, elle aussi, s’étonnait de ne pas le voir. Et elleposa la question à sa fille :

– Que fait-il donc, ton père ?

– Il s’est arrêté un instant pour rattacher son éperon,expliqua l’enfant.

Au même instant, on entendit des pas au haut de l’escalier, etla voix du duc prononça :

– Me voici, Violetta.

La duchesse, qui l’instant d’avant s’élançait, à demi folle dejoie, au-devant de l’époux toujours passionnément aimé, la duchessene bougea pas, ne fit pas un mouvement. Cette voix adorée qui labouleversait d’une tendre émotion, cette fois, amena unecontraction douloureuse de la face. Sans doute, dans cette voix,percevait-elle maintenant ce qu’elle n’aurait pas perçu avant sonentretien avec Pardaillan. Sans doute se disait-elle à peu près lamême chose que le chevalier qui, en ce moment même,songeait :

« Oh ! diable, voilà une voix bien calme, bien froide,qui n’est pas précisément la voix d’un amoureux pressé de serrer labien-aimée sur son cœur. »

Et c’était bien cela, en effet. La voix très calme du ducannonçait l’indifférence. L’instant d’avant, Violetta n’y avaitpeut-être pas pris garde. Maintenant elle le remarqua. Et, parcontrecoup, elle remarqua qu’il s’était bien attardé en bas, avecsa fille. Là, du moins, avait-il l’excuse de l’adoration qu’ilavait pour sa Giselle. Cette adoration pouvait bien lui avoir faitoublier la mère. Mais ensuite ? Vraiment il ne se hâtaitguère. Cet éperon, n’aurait-il pas aussi bien pu le rattacher chezlui ? Non, non décidément, ce n’était plus un amoureux quivenait. C’était bien l’époux, sinon complètement indifférent, dumoins qui commence, et d’une manière inquiétante, à se détacher del’épouse jadis follement adorée.

Ces réflexions passèrent comme un éclair dans l’esprit de laduchesse. Ses yeux s’embuèrent et un soupir douloureux jaillit deses lèvres crispées. Mais c’était une vaillante que cette femmefrêle et délicate. Elle avait pour l’instant autre chose à faireque de songer à elle-même. Elle se raidit, refoulant sa douleur,contraignant ses traits à demeurer calmes, ses lèvres pourpres àsourire. Seulement, elle ne fit pas un pas à la rencontre de sonbien-aimé.

Le duc parut enfin. Tout de suite il aperçut le chevalier qui setenait droit, immobile, les bras croisés, entre sa femme et safille. Il eut un sursaut violent et gronda :

– Pardaillan !… Ici !…

Instantanément, il eut la rapière au poing. Le manteau, arrachéd’une main leste, se trouva enroulé autour du bras gauche. Ceci,c’était le premier mouvement, tout à fait irraisonné, presquemachinal, et qui s’accomplit avec une rapidité foudroyante.

Ce premier mouvement accompli, le duc ne chargea pas. Il demeuraimmobile, replié sur lui-même, en garde, surveillant d’un œilétincelant l’adversaire présumé.

Un silence de mort, un inappréciable instant, pesa sur lesdifférents acteurs de cette scène. Au dernier plan, Odet de Valvertet Landry Coquenard, condamnés à jouer encore le rôle de figurantsmuets, ne prononcèrent pas une parole. Ils ne dégainèrent pas,puisque Pardaillan le leur avait interdit, ils ne firent pas unmouvement. Seulement ils se tinrent prêts à intervenir si le ducs’abaissait jusqu’à attaquer un homme qui gardait l’épée aufourreau.

Pardaillan ne bougea pas. Un de ces sourires indéfinissables,qui n’appartenaient qu’à lui, passa sur ses lèvres. Et il eut, àl’adresse de Violetta, un coup d’œil qui disait clairement :« Que vous avais-je dit ? »

La duchesse regardait de tous ses yeux exorbités, comme si ellene pouvait en croire le témoignage de ses yeux. Et à la questionmuette du chevalier, elle répondit en levant au ciel un regarddésolé qui disait : « Hélas ! »

La jeune fille, Giselle, elle aussi, ouvrait de grands yeuxlimpides où se lisait un étonnement effaré. Elle ne comprenait rienà ce qui se passait. Dans son ignorance candide, elle crut à unmalentendu, et ce fut elle qui, la première, rompit ce silence trèsbref, mais si singulièrement menaçant. Et, naïvement, elles’écria :

– Père, père ! ne reconnaissez-vous pas votre bon ami,M. de Pardaillan !

Et, d’une voix rauque, menaçante, il gronda :

– Que venez-vous faire ici, Pardaillan ?

Pardaillan allait répondre. D’un geste de reine, la duchesse luiferma la bouche. Et, redressée, dans une attitude d’inexprimablemajesté, ce fut elle qui répondit à son époux :

– Duc d’Angoulême, est-ce bien vous que je vois là, le ferau poing, devant votre bienfaiteur ? Par le Dieu vivant,qu’attendez-vous pour remettre l’épée au fourreau et vous excusercomme il convient de votre inqualifiable conduite ?

Le duc secoua la tête d’un air farouche et, sur le ton du maîtrequi entend être obéi :

– Taisez-vous, Violetta, dit-il, vous ne savez pas…

Mais elle n’entendait pas se laisser imposer silence. Elle seredressa plus que jamais et, avec cet air d’incomparable dignitéqui avait quelque chose de royal, elle interrompit :

– Je sais, monsieur, que si Madame votre mère est vivante,si je suis vivante, si vous êtes vivant vous-même, c’est à l’hommeque voici que nous le devons. Je sais que cet homme a versé, pournous, plus de gouttes de sang que vous n’avez d’écus dans voscoffres. Je sais que, pour nous, toujours il a tenu tête à tout unmonde d’ennemis puissants, dont le moindre nous eût brisés commeverre si nous n’avions eu l’appui de son bras invincible. Je saisque, si vous l’aviez voulu, loyalement, comme tout ce qu’il a fait,au grand jour, a la pointe de son épée, il eût conquis pour vous letrône de votre père, le roi Charles IX. Mais en ce temps-là, vousn’aviez pas d’autre ambition que l’amour, et ce trône que vouscherchez, par je ne sais quelles louches et tortueuses manœuvres, àvous approprier aujourd’hui, vous l’avez, alors, refusé. Voilà ceque je sais, et je n’ai pas besoin de savoir autre chose. Voilà ceque vous saviez vous-même il n’y a pas bien longtemps encore. Et jetrouve monstrueux, indigne d’un homme de cœur, que vous ayez pul’oublier. Allons, duc, rengainez. Ne voyez-vous pas que vous vousdéshonorez en menaçant de votre fer un homme qui garde l’épée aufourreau ?

Ses dernières paroles seulement retinrent l’attention du duc. Ilest certain qu’il s’attendait à être chargé par Pardaillan. Sansréfléchir, d’instinct, il s’était mis en garde. Alors seulement ils’aperçut que Pardaillan ne bougeait pas, gardait l’épée aufourreau et les bras croisés. Cette attitude indiquait clairementqu’il ne cherchait pas le combat. Cette attitude fit plusd’impression sur le duc que ne firent les paroles de sa femme. Ileut conscience que le beau rôle n’était pas de son côté. Et il sesentit humilié. Non pas tant de ce mauvais rôle lui-même, mais, dece qu’il le jouait devant sa femme et devant sa fille. Ce qui étaitde nature à porter atteinte au prestige du chef de la famille. Cefut surtout cette raison qui le décida. Et il remit précipitammentl’épée au fourreau.

La duchesse ne triompha pas. À présent qu’elle ne regardait plusson époux avec des yeux aveuglés par la passion, elle saisissaitune infinité de détails et de nuances qui lui eussent totalementéchappé avant. Elle se rendit très bien compte que ses parolesn’avaient pas touché le cœur du duc et qu’il n’était nullementrevenu à de meilleurs sentiments. Elle sentit que si ellesn’avaient pas été présentes, elle et sa fille, le duc aurait faitlitière de tout point d’honneur, se serait rué sans le moindrescrupule, aurait abattu son ancien ami sans lui laisser le temps dese mettre en garde.

Cependant elle allait reprendre la parole, s’efforcer deconvaincre son époux. Elle n’en eut pas le temps. À ce moment, descoups violents ébranlèrent la porte extérieure.

Le duc eut un sursaut d’inquiétude. Cette inquiétude devint del’effroi lorsqu’il entendit une voix rude, singulièrementimpérieuse, crier :

– Ouvrez, au nom du roi !

Pendant que le duc passait une main machinale sur son front oùil sentait pointer la sueur de l’angoisse, la duchesse tressaillaitet regardait Pardaillan. Elle vit qu’il souriait d’un sourire aigu.Elle comprit instantanément de quoi il retournait.

– C’est vous que l’on cherche ? interrogea-t-elle àdemi-voix.

– Parbleu ! répondit pareillement Pardaillan.

Et tout haut, s’adressant au duc, avec un sourireindéfinissable, il rassura :

– Ne craignez rien, duc, on ne vient pas vous arrêter. Cesont des amis à vous qui frappent ainsi.

– Des amis à moi ! Quels amis ! murmuramachinalement le duc dont le trouble allait grandissant.

– Mais, le signor Concini, d’abord, fit Pardaillan.

– Ce cuistre d’Italie n’est pas de mes amis, protesta leduc avec une moue de dédain.

– Ensuite, continua Pardaillan, comme s’il n’avait pasentendu, le señor d’Albaran…

– D’Albaran ! s’écria le duc malgré lui.

– Peut-être n’est-il pas de vos amis, non plus ?railla Pardaillan. Mais ce noble hidalgo représente iciMme Fausta… Et, celle-là, vous ne pouvez pas direqu’elle n’est pas de vos amies.

– La princesse Fausta ? intervint la duchesse.

– Qui se fait appeler maintenant duchesse de Sorrientès,oui, Violetta, renseigna complaisamment Pardaillan.

– La princesse Fausta !… Celle qui nous a poursuivissi longtemps de sa haine ?… Celle aux griffes de laquelle vousavez eu tant de mal à nous arracher ?

– Celle-là même ! Mordiable, il n’y a pas deuxFausta !…

– Et vous dites, s’indigna la duchesse, que le duc estdevenu l’ami de cette ennemie mortelle qui, dix fois, a voulu nousmeurtrir tous les deux ?

– Je le dis. Et vous voyez que M. le duc ne me démentpas. Ceci vous explique, Violetta, pourquoi je suis devenu, moi, unennemi pour lui.

– Oh ! quelle honte !

– Au nom du roi, s’impatienta la voix dans la rue, ouvrez,ou, mordiable, je fais enfoncer la porte !

Pardaillan fit deux pas dans la direction du duc. Et de sa voixglaciale :

– Allez ouvrir, monsieur, et ne craignez rien pourvous : je vous affirme que ce sont de bons amis à vous. Allez,vous dis-je, profitez de l’occasion. Ouvrez-leur la porte,dites-leur que je suis ici, et laissez-les faire… Et vous voilà àtout jamais débarrassé de moi… Plus d’obstacle désormais entre vouset ce trône que vous convoitez… Moi mort, vous n’avez plus qu’à leprendre… quitte à le partager avec Mme Fausta…Allez, allez donc, je vous dis que vous ne retrouverez jamaispareille occasion de vous débarrasser de moi.

Alors, seulement, le duc d’Angoulême comprit que le conseil quelui donnait Pardaillan était on ne peut plus sérieux. En d’autrestemps, ce conseil l’eût fait bondir comme le plus sanglant desaffronts qui ne pouvait se laver que dans le sang. Ce temps n’étaitplus. Non seulement le duc ne ressentit pas l’insulte, mais encoreune flamme ardente, qui s’alluma dans son regard, indiqua qu’ilestimait que le conseil était bon à suivre.

La duchesse ne le quittait pas des yeux. Elle saisit au passagecette flamme. Elle lut dans sa pensée. Et en elle-même, ellegémit :

« Oh ! M. de Pardaillan avait raison :il va le livrer ! Ah ! que maudite mille fois soitl’ambition qui, du plus généreux et du plus loyal desgentilshommes, fait le dernier des misérables ! »

Pourtant, contre son attente, le duc ne bougea pas. Il levadédaigneusement les épaules et, un sourire étrange aux lèvres, ils’accota à la porte. Ce qui était une manière de barrer la route auchevalier.

Dans la rue, le marteau de fer forgé s’abattait sans relâche surla porte d’entrée. Et la même voix impérieuse lança encore unefois :

– Dernière sommation : ouvrez ou je fais enfoncer laporte !

– Enfoncez, si vous voulez, grommela le duc avec flegme.Son attitude équivoque ne pouvait pas leurrer un observateur de laforce de Pardaillan. Et même s’il avait pu conserver encore undoute, les paroles maladroites du duc eussent suffi, à ellesseules, à le chasser. Pardaillan se trouva fixé sur la manœuvre duduc, aussi complètement que s’il s’était donné la peine de la luiexpliquer.

Moins pénétrante, et d’ailleurs toujours un peu influencée,malgré elle, par son affection, la duchesse crut que le ducrefusait de livrer le chevalier. Elle eut un cri de joietriomphante :

– Ah ! je vous le disais bien, chevalier, que toutsentiment d’amitié ne pouvait pas être mort à tout jamais enlui !

Pardaillan se mit à rire doucement, du bout des lèvres.

– Que vous êtes naïve ! dit-il simplement.

– Que voulez-vous dire ? s’effara la duchesse.

Sans lui répondre, Pardaillan s’adressa au duc, et de sa voixmordante :

– Je vous fais mon compliment ! dit-il. On voit quevous êtes à bonne école avec Mme Fausta. Il fautvous rendre cette justice que vous profitez admirablement de sesenseignements. Tudieu, voilà une idée merveilleuse, qui sent soncafard de sacristie d’une lieue. Une idée qui ne vous serait jamaisvenue avant d’avoir pris les leçons de cette ancienne papesse.

Et revenant à la duchesse qui écoutait tout effarée, sedemandant avec inquiétude s’il ne devenait pas fou, il expliquapaisiblement :

– Monsieur pouvait descendre carrément, ouvrir la porte etme livrer. En agissant ainsi franchement, il relevait, jusqu’à uncertain point, une action vile par un semblant de crânerie. Il n’amême pas eu ce triste courage. Il préfère laisser enfoncer saporte. La porte enfoncée – et ce ne sera pas long, écoutez, ilscognent dur et ferme en bas, – d’Albaran et Concini envahissent lamaison et me mettent la main au collet. Et voyez comme les chosess’arrangent : Monsieur se trouve débarrassé de moi, sans queje puisse lui reprocher de m’avoir livré. Que dites-vous de cettebelle trouvaille, Violetta ?

Cette « belle trouvaille », comme disait Pardaillan,laissa un instant la duchesse sans voix. Elle regarda tour à tourle chevalier qui branlait doucement la tête d’un air de dire :« C’est bien tel que je vous le dis », et le duc, dont lacontenance embarrassée constituait le plus clair des aveux. Et ellereprocha, avec plus de tristesse que d’indignation :

– Se peut-il que vous ayez fait ce misérable calcul ?…Seigneur Dieu ! mais je ne reconnais plus le noble Charlesd’Angoulême que j’ai tant aimé.

Dans la rue, des coups formidables ébranlaient la porte :Concini avait ordonné de la jeter bas, puisque les habitantsrefusaient d’obéir à la sommation du grand prévôt. Elle résistaitbravement, cette porte. Mais il était clair qu’elle ne pourrait pastenir longtemps.

La duchesse, sur ce ton d’autorité, irrésistible parce qu’ilvient du cœur, commanda :

– Descendez, monsieur, et parlez à ces gens.

– Puisque vous le voulez absolument, j’y vais, madame,consentit le duc.

Il avait aux lèvres ce même sourire étrange qu’il avait eu déjà.Cette fois, la duchesse ne fut pas dupe. Elle posa sa main blanchesur le bras du duc et, l’arrêtant au moment où il ouvrait laporte :

– Un instant, dit-elle, bien que je ne vous reconnaisseplus, je ne vous ferai pas cette injure de croire que vous allezintroduire ces gens ici et leur livrer l’hôte que Dieu vous aenvoyé. Cependant, comme vous ne me paraissez pas avoir tout votrebon sens et qu’il faut tout prévoir avec les fous, je vous préviensque si on monte ici il faudra passer sur mon cadavre que voustrouverez sur le seuil de cette porte.

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