Je contournai silencieusement le bâtiment et m’arrêtai sur le seuil du salon dont la porte-fenêtre était entrouverte.
Ellie chantait maintenant une de mes complaintes préférées. J’en ignorais le titre, mais elle me remuait profondément :
« Man was made for Joy and Wœ
« And when this we rightly know
« Thro’the World we safely go…
« Every Night and every Morn
« Some to Misery are born
« Every Morn and every Night
« Some are born to Sweet Delight
« Some are born to Endless Night…[1]
Elle leva la tête et m’aperçut :
— Pourquoi me regardez-vous ainsi, Mike ?
— Comment est-ce que je vous regarde ?
— Comme si vous m’aimiez…
— Mais je vous aime, chérie ! De quelle autre manière devrais-je donc vous regarder ?
— À quoi pensiez-vous exactement en me contemplant ainsi ?
— Je me rappelais le moment où je vous aperçus pour la première fois… à l’ombre d’un sapin.
C’était vrai. Son apparition, ce jour-là m’avait causé une émotion profonde.
Elle me sourit et fredonna à nouveau le refrain de la complainte :
« Every Morn and every Night
« Some are born to Sweet Delight
« Some are born to Sweet Delight
« Some are born to Endless Night.
On ne prend conscience des moments importants dans la vie que lorsqu’il est trop tard. Ce soir-là, après notre visite aux Phillpot et alors que nous nous retrouvions chez nous nous vivions un de ces moments. Je ne devais m’en rendre compte que longtemps après.
— Chantez-moi la chanson de la mouche, Ellie.