CHAPITRE III – AUX TRÉSORS DE LABOHÊME
Le célèbre détective et son secrétaire furentreçus avec le plus grand respect par le caissier, sitôt qu’il eutjeté les yeux sur le mot de Mr Rabington, qui était moins unerecommandation qu’un ordre, de raconter tout ce qu’il savait surl’affaire.
Il se mit avec empressement à la dispositiondes deux détectives, et pour être à l’abri de toute oreilleindiscrète, il s’enferma avec eux dans son cabinet.
– De même que son père, commença-t-il,Miss Gryce est notre cliente depuis plusieurs années. Chaque moiselle vient toucher un chèque de faible importance et qui,croyons-nous, représente la pension qui lui est allouée par sesparents pour sa toilette et son argent de poche.
« Il y a trois jours, elle se présentacomme d’habitude et toucha un chèque qui se montait je crois à centdollars ; mais dix minutes plus tard, elle se présentait denouveau, mais, cette fois, avec un chèque de trois mille dollarsqu’elle encaissa sans la moindre difficulté.
– Quelle était la signataire duchèque ? demanda John Jarvis.
– Une mistress Tiarka, dont le magasin debijoux et de curiosités à l’enseigne des Trésors de laBohême se trouve dans Market Street. Miss Gryce qui aimebeaucoup les bijoux anciens est, paraît-il, une des clientesassidues de cette dame, qui a, d’ailleurs, en dépôt chez nous dessommes importantes.
« Miss Gryce était à peine sortie qu’enconfrontant la signature du chèque de trois mille dollars avecd’autres de la dame Tiarka, j’eus des doutes sur son authenticité.Le détective qui est spécialement attaché à l’établissement futprévenu par moi, et muni de la photographie de Miss Gryce prise ànos guichets, il se rendit au magasin de curiosités qui est à deuxpas d’ici. Par un hasard assez heureux, Miss Gryce, elle-même, setrouvait dans le magasin quand il y entra.
« Une scène très violente se produisitalors. Mrs Tiarka jurait n’avoir pas signé le chèque, MissGryce affirmait qu’elle ne l’avait pas touché. Elle fut consternéequand on lui mit sous les yeux la photographie.
« Elle persistait cependant à nier endépit de toute évidence ; quand on lui demanda ce qu’elleavait fait de l’argent, elle fondit en larmes. On la fouilla, ellen’avait sur elle que le montant du premier chèque de centdollars.
« On allait l’arrêter, quand survint ungentleman qui pria le détective et Mrs Tiarka de patienterquelque peu. Le nouveau venu s’entretint quelques instants à voixbasse avec la jeune fille : Sauvez-moi, lui disait-elle, jevous épouserai. – Je vous sauverai, sans que vous ayez besoin derien me promettre, répondait-il, tout cela, entremêlé deprotestations d’innocence de la part de Miss Gryce.
« Vous savez le reste, le gentleman adésintéressé la plaignante et celle-ci a reconnu pour sienne lasignature fausse…
– Vous rappelez-vous de quelle façonétait habillée Miss Gryce ?
– Je ne vois pas quelle importance peutavoir ce détail, mais je me souviens fort bien qu’elle avait uncostume en surah bleu clair et qu’elle était coiffée d’un chapeaude Panama très fin, un chapeau d’au moins cinq centsdollars[11].
– Qu’elle portait rabattu sur les yeuxn’est-ce pas ?
– C’est vrai, mais qui a pu vous donnerce détail, demanda le caissier avec surprise.
– Personne, je l’ai deviné, voilà tout.Pourriez-vous maintenant me montrer la photographie.
– Très volontiers, la voici, je l’avaisgardée dans ma serviette.
John Jarvis tira de sa poche une forte loupeet examina pendant quelques minutes la photo avec une extrêmeattention, puis la passant au caissier :
– Voyez, lui dit-il, sur l’angle duchèque, que tient la jeune fille, on aperçoit très nettement lamoitié d’une signature et c’est la signature Gryce et nonla signature Tiarka qui devrait s’y trouver. Miss Gryce adonc été photographiée au moment où elle présentait au guichet lechèque de son père, celui de cent dollars.
– C’est impossible ! s’écria lecaissier, très ému. On ne photographie que les bénéficiaires dechèques de plus de mille dollars. Et il n’y a pas d’erreurpossible, le garçon de bureau appelle à haute voix le chiffre de lasomme, et c’est sur cet énoncé que se guide le photographe placédans la pièce contiguë.
– Convenez que soit par erreur – ce queje ne comprendrais guère – soit intentionnellement – ce que jem’explique très bien – l’on a photographié Miss Gryce au moment oùelle encaissait une somme insignifiante, en négligeant de laprendre quand elle en encaissait une beaucoup plus importante.Voudriez-vous faire venir le photographe ?
Le caissier, tout troublé par cette série deconstatations, appela un garçon. Celui-ci revint l’instant d’aprèsen annonçant que le photographe était parti depuis dix minutes. Lacaisse fermait en effet à seize heures et il était seize heuresdix.
– Vous le verrez demain, fit lecaissier.
– Je ne crois pas qu’on le revoie jamais,murmura John Jarvis avec un sourire légèrement ironique. Mais jevais vous demander encore quelque chose : ce serait d’examinerles deux chèques et, s’il se peut d’autres chèques signés deMrs Tiarka.
Le caissier qui commençait à craindre d’avoircommis quelque lourde erreur s’empressa d’obtempérer à ce désir. Ledétective reprit sa loupe, mais cette fois, son examen se prolongeapendant un long quart d’heure.
– J’ai remarqué deux choses, conclut-il,– et vous n’ignorez pas qu’on veut bien m’accorder une certainecompétence comme expert en écriture – la signature Tiarkadu chèque de trois mille est tout ce qu’il y a de plus authentique,les encres sont pareilles, mais la signataire a visiblement déforméson paraphe habituel pour laisser croire à un faux.
« Deuxième remarque : la signaturede Miss Gryce au bas de l’endos quoique très habilement imitéen’est pas la sienne.
« Concluez vous-même !
– À moins de supposer qu’une femmehabillée comme Miss Gryce, ne soit venue toucher les trois milledollars, en signant le nom de cette dernière et que le photographene soit complice…
– Vous y êtes, voilà la vérité. Et c’estpour dissimuler ses traits que la voleuse a rabattu son panama surses yeux, comme j’ai deviné qu’elle avait dû le faire.
– Mais dans quel but tout cela ?demanda le caissier absolument déconcerté.
– C’est ce que je vous expliqueraidemain, dit le détective en prenant congé. Pour le moment, ilimporte que je suive la piste tant qu’elle est chaude.
John Jarvis regagna l’auto qui les avaitamenés et que conduisait Peter David. Celui-ci paraissait trèsému.
– Savez-vous qui je viens de voir ?s’écria-t-il, un des lieutenants les plus dévoués de KlausKristian, celui qu’on appelait le Petit Dadd. Pourvu qu’il ne m’aitpas reconnu ! Il a traversé la rue à deux pas de moi.
– Quelle heure était-il ?
– Seize heures juste. Dadd a même regardésa montre pour voir si elle était d’accord avec l’horlogeélectrique. Il sortait de la banque, par là.
Et le Noir montrait une petite porte réservéeau personnel et surmontée de l’inscription : Entréeinterdite au public.
– Plus de doute, murmura le détective, ceDadd et le photographe de la banque ne sont qu’une seule et mêmepersonne. N’importe où que j’aille, je suis condamné à rencontrerce maudit docteur ou ses bandits.
– Je voudrais bien que Dadd ne m’ait pasreconnu, répétait le Noir sincèrement apeuré. C’est le plus rusépetit drôle que j’aie jamais vu, un vrai diablotin capable detoutes les malices et avec cela maigre comme un coucou et laidcomme un singe. C’est lui qui, autrefois aida le docteur à s’évaderdu train rapide, pendant la traversée du Colorado ; c’estencore lui qui nous empêcha de nous emparer de Klaus Kristian.Soyez sûr que s’il avait réussi à entrer à la Mexican Mining Bank,c’était pour mener à bien quelque nouvelle canaillerie !
Floridor que le détective avait envoyétéléphoner revenait en ce moment, il prit rapidement place dans lavoiture.
– Où dois-je aller ? demanda PeterDavid.
– 324 Market Street, et vivement. Nousarriverons peut-être assez à temps pour mettre le grappin sur tonami Dadd.
– J’ai les renseignements que vous medemandiez, interrompit le Canadien, l’inspecteur-chef de la polices’est montré tout à fait aimable. La femme Zulmé Tiarka installée àSan Francisco depuis une dizaine d’années, est tzigane d’origine,elle a eu autrefois de nombreux démêlés avec la justice, elle passepour avoir gagné une fortune considérable en servant de receleuseaux bandes de malfaiteurs qui, il y a quelques années, étaient lesvéritables maîtres de la ville.
« Depuis qu’elle est riche et qu’ellepossède un des plus beaux magasins de Market Street, elle affecteune grande respectabilité, mais elle est quand même surveillée detrès près, car elle continue, paraît-il, son ancien commerce ensous-main, mais seulement quand il s’agit d’une affaireparticulièrement lucrative.
– Voilà qui est fort intéressant et quis’accorde parfaitement avec ce que je sais déjà.
– Mrs Tiarka, qui a beaucoupd’entregent et qui parle plusieurs langues, a réussi à obtenir laclientèle de beaucoup de jeunes filles et de jeunes femmes de lahaute société. Miss Rosy fréquentait souvent son magasin. Enfincomme beaucoup de ses pareilles, Zulmé Tiarka fait volontierscrédit à ses jolies clientes et même leur avance de petites sommes,remboursables, bien entendu, à gros intérêt.
– Tu ne m’as pas dit si elle était mariéeou veuve, si elle avait de la famille.
– Tiarka est veuve et elle a deux filles,l’une brune et l’autre blonde, toutes les deux d’une remarquablebeauté.
L’auto stoppait en face d’un luxueux magasinbondé d’objets d’art de toutes les époques. La vitrine réservée auxbijoux était en raccourci un véritable musée de la parure féminine.Les colliers arrachés aux cendres de Pompeï ou aux sarcophages desPharaons, y voisinaient avec les délicats filigranes de l’Inde etde l’Orient, les lourds colliers barbares en or ou en argent forgé.Dans des coupes de jade ou d’onyx, c’était un ruissellement debagues, de diadèmes, de ceintures, de bracelets, de pendentifs, defibules, de boucles d’oreilles, de peignes, de médaillons, dont lesmille prunelles de pierres précieuses attiraient invinciblement lesregards des passantes par une sorte d’hypnotisme, qui leur faisaitinvolontairement ralentir le pas, quand elles arrivaient en face del’ensorcelante boutique.
John Jarvis et Floridor furent reçus parMrs Zulmé Tiarka elle-même dont ils ne purent s’empêcherd’admirer l’allure imposante. Bien que ses cheveux fussententièrement blancs et que la peau de son visage fût plus tannée quele cuir d’un vieux corbeau, elle gardait encore des vestiges d’unebeauté qui avait dû être foudroyante. Très rapprochés, ses yeuxnoirs brillaient d’un éclat sauvage, et le sourire de sa boucheflétrie possédait encore un charme bizarre et captivant.
Très droite dans un ample peignoir de soienoire aux vastes plis, elle était parée de lourds pendantsd’oreilles, d’un pesant collier et de frustes bracelets que JohnJarvis reconnut pour ces primitifs bijoux que les Romanichelsfabriquent eux-mêmes pour en parer leurs femmes avec le métal despièces d’or volées.
– Vous désirez sans doute visiter mescollections ? demanda-t-elle à John Jarvis avec un sourired’une affabilité hautaine.
– Non, répondit-il d’un ton sec, je suisdétective et je désirerais vous poser quelques questions au sujetde Miss Rosy Gryce.
– Je suis aux ordres de l’illustre JohnJarvis, fit-elle en ricanant, mais je crois qu’il serait préférablede laisser Miss Rosy tranquille, la pauvrette a commis une…légèreté, à son âge elle est pardonnable, faire revenir sur l’eaucette sotte affaire, causerait plus de tort que de bien à laréputation de cette jeune fille.
Il y avait dans les paroles de Zulmé Tiarkaune ironie atroce qui exaspéra le détective : son œil perçantvenait de remarquer un superbe panama tombé sous un meuble, ilrésolut d’utiliser immédiatement la découverte qu’il venait defaire.
– Je connais la vérité. Dadd votrecomplice est sous les verrous.
– Il n’y aurait pas longtemps, alors,répliqua-t-elle, sans se décontenancer, vous essayez dem’influencer, vous n’y réussirez pas, le brave jeune homme sortd’ici et il est trop malin pour qu’il lui arrive jamais rien defâcheux.
– C’est lui qui vous a prévenue de mavisite ?
– Cela se pourrait, mais vous avez unesingulière façon d’agir envers moi qui, somme toute, me suismontrée assez indulgente pour empêcher votre protégée d’allercoucher en prison… Tout ce que vous direz ne changera rien auxfaits.
« Miss Rosy est coupable, la preuve c’estqu’elle a avoué et qu’elle a remboursé. Sortez de là si vouspouvez. Puis on a sa photographie…
– Vous savez fort bien dans quellesconditions a été prise cette photographie !
– Je n’en sais rien du tout.
– Je sais moi que c’est votre fille, quivêtue comme Miss Rosy a touché le chèque de trois mille dollars, ettenez, voici le panama à ruban bleu dont elle était coiffée, et queles employés reconnaîtront.
– Simple coïncidence, tout le monde a ledroit de porter un panama et une robe bleue, il n’y a aucune loiqui le défende.
« Croyez-moi, je vous le répète, ne vousdonnez pas tant de mal. »
Et elle ajouta, après avoir consulté le cadrand’une superbe horloge de Boule en ébène incrustée de cuivre etd’écaille :
– Surtout qu’à l’heure qu’il est, MissRosy est probablement mariée.
John Jarvis contenait à grand-peine sacolère ; le persiflage de l’horrible vieille le mettait horsde lui.
– Puisqu’il en est ainsi, je vous arrête.Je vais vous emmener en prison avec vos filles, auparavant je vaispratiquer ici une perquisition, qui sera, si mes renseignementssont exacts, tout à fait fructueuse. Floridor, ramasse ce chapeau –qui est une pièce à conviction – et va chercher deuxpolicemen !
Cette menace parut produire sur Zulmé Tiarkaune certaine impression.
– Il faut au moins un prétexte pourarrêter les gens ! grommela-t-elle avec un peu moinsd’arrogance.
– Votre fille a commis un faux en imitantla signature de Miss Rosy, répliqua sévèrement John Jarvis, et vousêtes complice : Vous avez accusé faussement uneinnocente : Vous et Dadd avez ourdi toute cette machinationpour forcer votre victime à épouser Walker !
– Tout cela n’est pas prouvé,reprit-elle, et d’ailleurs, vous n’avez pas qualité pourm’arrêter.
– Vous allez avoir à l’instant la preuvedu contraire, et, une fois que vous serez en prison, on trouveramoyen de vous délier la langue !
Et se tournant vers le Canadien qui, attentifà la discussion, n’avait pas encore bougé de place.
– Dépêche-toi d’appeler lespolicemen ! nous allons commencer la perquisition.
Cette dernière phrase eut le don de materl’entêtée Tzigane.
– Laissez les policemen où ils sont,murmura-t-elle en baissant la tête, je vous dirai ce que je sais,si vous me donnez votre parole d’honneur de ne pas me causerd’ennuis ni à moi ni à ma fille.
– Cela dépendra de votre sincérité ;vous ne serez pas poursuivie si vous dites la vérité. Je vous lepromets.
– Je ne sais pas grand-chose de plus quevous d’ailleurs, tout ce que vous avez dit est vrai : c’estDadd qui a tout combiné, moi et ma fille n’avons fait que luiobéir. Il a d’ailleurs largement rétribué notre concours.
– Ils ont donc de l’argent ?
– Beaucoup. Je ne sais comment cela sefait, tous deux ont en ce moment-ci les poches pleines debank-notes. Mais sachez-le bien, Miss Rosy n’aime nullementWalker ; si elle consent à l’épouser c’est par reconnaissance,parce qu’elle considère comme un devoir envers sa conscience detenir la promesse qu’elle a faite dans un moment d’affolement,quand elle se voyait sur le point d’être conduite en prison.
– J’avais deviné tout cela, fit ledétective, mais pourquoi disiez-vous, il y a un instant, que Walkeret Miss Gryce étaient peut-être déjà mariés ?
– Je ne parlais pas sérieusement…
– Vous cherchez à me tromper, je levois ; j’exige des aveux complets !
– Quel homme terrible vous faites,balbutia la Tzigane avec un sourire contraint. La cérémonie n’a paseu lieu aujourd’hui mais elle aura lieu demain matin, au petitjour.
« Dadd ne sait pas encore que vous vousoccupez de cette affaire, mais de l’endroit où il prend sesclichés, il vous a vu entrer à la banque et vous enfermer avec lecaissier, il a eu vent de quelque chose, et a décidé de brusquer ledénouement.
– Où doit avoir lieu cemariage ?
– Depuis qu’elle a rompu avec lecapitaine Rampal, Miss Rosy est gardée à vue par ses parents. Ilsl’ont même emmenée dans la villa qu’ils possèdent à Cliff-House, aubord de la mer, à huit milles de San Francisco. C’est sur la plagemême que doit avoir lieu la cérémonie.
– Comment Miss Rosy fera-t-elle pour sesoustraire à la surveillance de ses parents ?
– Dadd a parlé d’une embarcation où setrouverait un ministre, il a même acheté deux anneaux d’or, unebible et un registre. Je n’en sais pas davantage.
Silencieux à son ordinaire, le Canadien avaitassisté à cet interrogatoire en contenant à grand-peine sacolère.
– Qu’espèrent donc ces bandits ?demanda-t-il enfin. Ils ne pensent pas que nous allons les laisserfaire ?
– Dadd ne s’imagine pas, sans doute,répondit John Jarvis, que nous sommes au courant de toutel’affaire : Il suppose qu’une fois Rosy mariée, ses parentss’inclineront devant le fait accompli. Avec une jeune fille aussiloyale, aussi naïve, esclave de la parole donnée comme Miss Gryce,leur projet, sans notre intervention, avait les plus grandeschances de succès.
« Il nous reste à savoir, ajouta-t-il ense tournant vers la Tzigane, où demeurent Dadd et Walker.
– Ils sont descendus au StarHotel, dans Kearney Street.
– Je me contente pour le moment de cesrenseignements, déclara le détective en se retirant. Mais je vouspréviens qu’à la moindre tentative de trahison de votre part,j’agirai énergiquement. Vous serez d’ailleurs surveillée de près, –je vous en avertis loyalement – jusqu’à ce que cette affaire aitreçu sa solution.
Sans perdre un instant, John Jarvis se fitconduire quai de Chine, mais il ne trouva dans les bureaux duship-broker qu’un employé occupé à terminer lacorrespondance urgente ; attaché depuis longtemps à la maison,ce dernier fournit au détective un renseignement intéressant.
– La famille Gryce, expliqua-t-il, menaità Cliff-House une existence très retirée où Miss Rosy n’avaitd’autres distractions que le tennis, le crocket et d’autres sportsdu même genre sans oublier la natation où elle était de premièreforce.
Une fois sorti du bureau, le détective laissaéclater sa satisfaction.
– J’en sais maintenant assez, dit-il àFloridor, mon plan est fait. Tiarka a parlé d’un bateau, Rosy estexcellente nageuse, il ne faut pas être sorcier pour deviner lereste ; de plus je connais admirablement la topographie deCliff-House. Je pensais d’abord voir Mr. Gryce ce soir en allant àla villa. Réflexions faites, ma visite n’aurait pour résultat quede donner l’éveil aux bandits.
Les deux détectives se rendirent dans unmagasin d’équipements pour la grande pêche et y firent emplette dedeux de ces peaux de phoque naturalisées dont se revêtent leschasseurs des régions polaires pour approcher des troupeauxd’amphibies, sans éveiller leur défiance.
Enfin Floridor alla visiter le capitaineMartin Rampal et celui-ci insista pour faire partie de l’expéditionqui devait délivrer Miss Rosy.
– Cela tombe d’autant mieux,expliqua-t-il, que la Loutre de mer, une goélette quiappartient à un de mes amis, est actuellement mouillée à un milleau large de Cliff-House. Le capitaine Morton et ses hommes seraientenchantés de nous donner un coup de main, et si vous m’en croyez,nous nous rendrons dès ce soir à bord.
John Jarvis, mis au courant de cetteproposition l’accepta avec enthousiasme.
