Chapitre 9
La fable du loup et du chien ne fit point revenir Caldas sur sadétermination. Il allait porter un collier, c’est vrai, mais leblesserait-il plus que le collier de misère, dont il gardait encoreles cicatrices ?
Plein de confiance en l’avenir, il écrivit à son père pour luiannoncer son changement d’existence. Cette lettre, qui devaitcombler de joie la moitié de la population de Céret(Pyrénées-Orientales), faisait honneur aux bons sentiments deRomain, le post-scriptum surtout, où il demandait quelque argent :un fils respectueux n’écrit jamais à ses parents sans leur demanderde l’argent.
Caldas en avait un grand besoin, d’argent. M. Krugenstern, paroubli sans doute, avait négligé de payer le loyer et la pension deson protégé. Une fausse honte avait empêché Romain de lui rappelerce détail important.
Bachi-bouzouk littéraire, Caldas dînait le plus souvent de larazzia de l’imprévu. Il campait au bivouac de l’amitié ou del’amour, – du crédit quelquefois. Incorporé dans les bataillonsréguliers de l’administration, il lui fallait désormais unordinaire et un casernement assurés.
Voilà pourquoi il avait fait traite sur l’amour paternel.
La civilisation, qui s’intéresse aux nègres, n’a pas encoreprohibé la traite des pères.