Les Gens de bureau

Chapitre 7

 

– Monsieur Romain Caldas, fit M. Mareschal en se levant, vousnous étiez annoncé, Monsieur, et vous êtes le bienvenu.

Charmé de cette façon ouverte et cordiale d’accueillir sonmonde, Romain se sentit tout de suite pris d’une grande sympathiepour son chef de division.

Et vraiment M. Mareschal est l’homme le plus aimable duministère ; il a le don si rare de parler aux petits sans lesécraser.

C’est le vrai signe de la force.

– Romain Caldas ! continua M. Mareschal après avoir faitasseoir son subordonné, eh mais ! j’ai vu ce nom-là quelquepart. Vous écrivez dans les journaux ?

– Non bis in idem, pensa le nouveau qui lisaitquelquefois les feuilletons de Janin ; et il répondit avec uneimpudence qui promettait :

– Je n’ai jamais fait imprimer une ligne, Monsieur.

– Ah ! tant pis, dit le chef de division, nous avons iciquelques gens de lettres, ce sont d’excellents garçons, je les aimebeaucoup.

– Encore une école, se dit Romain ; drôle de boutique, onne sait sur quel pied danser. Et comme il avait soif de faire sonchemin, il se promit d’avoir toujours quelques cocardes de rechangedans sa poche. Il reprit tout haut :

– Me voici maintenant, Monsieur, tout à votre disposition, et jepuis aujourd’hui même, si vous voulez m’indiquer ma besogne…

– Oh ! oh ! fit M. Mareschal en riant avec bonhomie,le feu sacré du premier jour, je connais ça ; il serefroidira.

Caldas mit la main sur son cœur, comme pour prendre le ciel àtémoin de la sincérité de son intention.

Le chef de division continua :

– Écoutez, mon cher monsieur, on ne quitte pas ainsi sesoccupations (car je ne vous fais pas l’injure de supposer que vousn’en eussiez pas), sans avoir quelques dispositions à prendre,quelques transitions à ménager ; je vous accorde huit jours derépit. Le service n’en souffrira pas. Rien ne presse en ce moment,et d’ici là, je trouverai quelque occupation intelligente à lamesure de vos capacités.

– C’est à vous que j’aurai l’honneur de me représenter ?demanda Romain.

– Inutile, répondit M. Mareschal, vous irez droit au bureau duSommier. J’aviserai de votre arrivée votre futur chef, M. Ganivet,un homme charmant, avec qui vous n’aurez que des rapportsagréables. Sans adieu, Monsieur, et à huitaine.

Romain sortit en se confondant en remercîments, convaincuqu’entre son chef de division et lui, c’en était désormais à lavie, à la mort.

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