Chapitre 15La Paille et la poutre du coq
Il était une fois un sorcier entouré d’unegrande foule, devant laquelle il exécutait ses tours et faisait sesprodiges. Entre autres choses, il fit avancer un coq, qui avait uneénorme poutre sur le dos et qui la portait aussi facilement qu’unfétu de paille. Mais il y avait là une jeune fille qui venait detrouver un trèfle à quatre feuilles et qui, grâce à cela, possédaitun esprit de sagesse et ne pouvait être suggestionnée, ni sujetteaux fantasmagories. Voyant donc que la poutre n’était, en réalité,qu’un brin de paille, elle s’écria.- « Braves gens ! Nevoyez-vous pas que c’est un simple bout de paille et non pas unepoutre que porte le coq ? » Le prestige s’évanouitaussitôt, et tous les gens virent effectivement les choses tellesqu’elles étaient, de sorte que le sorcier fut couvert d’injures etchassé honteusement. « Attends un peu, se dit-il encontenant difficilement sa colère, je saurai bien me venger, etplus tôt que tu ne penses ! » À quelque temps de là, lajeune fille fêtait ses noces et s’acheminait vers l’église, engrande toilette, à la tête du cortège nuptial, coupant à traverschamps. Tout à coup, le cortège fut arrêté par un ruisseau dont leseaux s’étaient gonflées et sur lequel il n’y avait ni pont, nipasserelle. La fiancée n’hésita pas et releva ses jupes d’un gesteleste, s’avançant pour traverser. Elle allait mettre le pied dansl’eau quand un grand rire éclata à côté d’elle, suivi d’une voixmoqueuse qui lui disait : « Alors, tu ne vois donc pasclair ? Qu’as-tu fait de tes yeux pour voir de l’eau où il n’yen a pas ? » C’était le sorcier, dont les paroles eurentpour effet de dessiller les yeux de la mariée, qui se vit soudainles jupes haut levées, au beau milieu d’un champ de lin fleuri,d’un bleu tendre et beau. Toute la noce se moqua d’elle et la miten fuite, à son tour, sous les quolibets et les sarcasmes.