Contes merveilleux – Tome II

Chapitre 30Du Souriceau, de l’oiselet et de la saucisse

Il était une fois un souriceau, un oiselet estune petite saucisse qui s’étaient pris d’amitié, avaient mis encommun les soucis du ménage et vivaient fort heureux, tranquilleset contents depuis un bon bout de temps. L’oiselet avait pour tâched’aller chaque jour d’un coup d’ailes jusque dans la forêt pourramasser le bois ; le souriceau s’occupait de puiser l’eau,d’allumer le feu et de mettre la table ; la saucisse faisaitla cuisine.

On n’est jamais content quand les choses vontbien. Et c’est ainsi que l’oiselet, un jour, rencontra en chemin unautre oiseau devant lequel il se félicite de l’excellence de sonétat. L’autre le rabroua et le traita de tous les noms, ce pauvreidiot qui faisait tout le gros travail pendant que les autresavaient la belle vie dans la maison : « Quand lesouriceau a apporté son eau et allumé le feu, disait-il, il n’aplus qu’à aller se coucher dans la chambre, paresser et se reposerjusqu’à ce qu’on l’appelle pour se mettre à table. La petitesaucisse, elle, n’a rien à faire qu’à rester douillettement devantle feu en surveillant la marmite, et quand approche l’heure durepas, tout ce qu’elle a à faire, c’est de plonger une fois ou deuxdans le bouillon ou dans le plat, et c’est fini : tout estgraissé, parfumé et salé !

Ils n’attendent que toi et ton retour avec talourde charge, mais lorsque tu reviens ils n’ont qu’à passer àtable, et après qu’ils se sont gavés ils n’ont plus qu’à allerdormir à poings fermés, le ventre bien garni, jusqu’au lendemainmatin. Voilà ce qui peut s’appeler une belle vie ! »

Le jour suivant, l’oiselet, sensible à laprovocation, se refusa à aller chercher le bois, affirmant aux deuxautres qu’il était leur esclave depuis assez longtemps dans sastupidité et qu’il fallait que ça change ! Le souriceau et lasaucisse eurent beau le supplier de toutes les manières, il nevoulut rien savoir et ce fut lui qui resta le maître, imposant sesconditions : ils n’avaient qu’à tirer au sort les différentestâches. Ils tirèrent et le sort désigna la saucisse pour aller aubois, le souriceau pour la cuisine et l’oiselet pour puiserl’eau.

Qu’arrivera-t-il ? La petite saucisses’en alla de bon matin dans la forêt pour ramasser le bois,l’oiselet alluma le feu à la maison, et le souriceau prépara lamarmite et surveilla la cuisson ; puis tous deux attendirentle retour de leur compagne. Mais elle resta si longtemps en routequ’ils finirent par s’inquiéter vraiment, trouvant que cela neprésageait rien de bon. L’oiselet s’envola pour aller un peu à sarencontre, et voilà que, sans aller bien loin, il rencontra unchien qui avait trouvé la saucisse à son goût et, la voyant enliberté, l’avait croquée d’un coup. L’oiselet pouvait bien s’enprendre au chien, l’accuser de vol et d’assassinat, qu’est-ce quecela changeait ? Le chien, lui, se contenta d’affirmer qu’ilavait trouvé des messages compromettants sur la saucisse, et qu’àcause de cela il avait bien fallu qu’il lui ôtât la vie.

Affligé de ce deuil et tout triste dans soncœur, l’oiselet ramassa le bois et rapporta la charge à la maison,où il fait le récit de ce qu’il avait vu et entendu. Le souriceauet l’oiselet étaient en grand chagrin, mais ils finirent pardécider de faire contre mauvaise fortune bon cœur et de resterensemble. L’oiselet, donc, dressa la table et le souriceau préparala cuisine ; au moment de servir et voulant imiter la saucisseet faire pour le mieux, il se plongea dans la marmite afin deparfumer le plat et relever son goût ; mais, hélas ! iln’alla pas bien loin : à peine entré, il était cuit et devaitlaisser là son poil, et sa peau, et ses os et sa vie, s’il fauttout dire.

Quand l’oiselet s’en vint pour chercher lamarmite, il n’y avait plus trace de cuisinière dans lamaison ! Il chercha, fouilla, alla jusqu’à retourner tout lebois, mais il n’y avait plus de cuisinière dans la cuisine. Etvoilà que, dans son émoi, il ne vit pas que le feu avait pris dansle bois qu’il venait de retourner ; quand il s’en aperçut,c’était déjà un commencement d’incendie. Et il mit tant de hâte àcourir puiser de l’eau pour l’éteindre, qu’il laissa échapper leseau et fut entraîné derrière lui au fond du puis, d’où il lui fûtimpossible de ressortir, et dans lequel il finit par se noyer.

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