Contes merveilleux – Tome II

Chapitre 26Rumpelstiltskin

Il était une fois un pauvre meunier qui avaitune fille d’une grande beauté. Un roi s’arrêta un jour pourbavarder un peu et le meunier, pour se rendre intéressant, vantales qualités de sa fille :

– Ma fille sait filer de l’or avec de lapaille.

– Ça alors ! dit le roi, je sauraisapprécier un tel talent. Si ta fille est vraiment aussi habile quetu le dis, amène-la demain au château. Nous la mettrons àl’épreuve.

Le lendemain, la jeune fille se présenta auchâteau. Le roi la conduisit dans une pièce où il y avait de lapaille jusqu’au plafond. Puis il lui remit une quenouille et luidésigna un rouet.

– Mets-toi au travail, ordonna-t-il. Siavant l’aube tu n’arrives pas à transformer cette paille en or, tun’échapperas pas à la mort.

La pauvre jeune fille s’assit, ne sachant quoifaire. Sa vie était menacée, mais elle n’avait pas la moindre idéede la façon dont on pouvait transformer de la paille en or. Elleavait le cœur serré et, ayant de plus en plus peur, elle se mit àpleurer.

Soudain, la porte s’ouvrit et un petit lutinentra dans la pièce.

– Bonjour, jeune fille, la salua-t-il.Pourquoi pleures-tu à chaudes larmes ?

– Ah ! soupira la jeune fille, jedois filer de la paille pour en faire de l’or et je ne sais pas lefaire.

– Que me donnerais-tu si je le faisais àta place ? demanda le petit homme.

– Le collier que je porte au cou, proposala fille.

Le lutin prit son collier, puis il s’assit aurouet et le fit tourner – vrrr-vrrr-vrrr -, il tira trois fois etune quenouille fut pleine. Il en mit une autre et – vrrr-vrrr-vrrr– une deuxième fut remplie. Et ainsi de suite jusqu’au petit matin.À l’aube, toute la paille était filée et de l’or brillait surtoutes les bobines.

Le soleil était à peine levé que le roi étaitdéjà là, et il n’en revenait pas. Seulement, voyant tout cet or, ilse frotta les mains, car comme il était très avare, il en voulaitplus encore. Il fit amener la fille du meunier dans une autre pièceremplie de paille, beaucoup plus grande encore que la précédente,et il ordonna qu’elle la filât en une nuit si elle voulait avoir lavie sauve.

La jeune fille ne sut quoi faire et se mit àpleurer. Mais la porte s’ouvrit à nouveau et notre petit hommeentra et dit :

– Que me donneras-tu si je transformecette paille en or ?

– Ma bague, répondit la jeune fille, etelle enleva la bague de son doigt.

Le lutin prit la bague et se mit au travail.Le rouet commença à tourner et il tourna et tourna, jusqu’à l’aube.Et comme la veille, la paille avait disparu et le fil d’or brillaitsur les bobines.

Le roi fut fou de joie, mais il estima qu’iln’en avait pas assez ; il en voulait toujours plus, encore etencore. Et il fit donc amener la fille du meunier dans unetroisième pièce, plus grande encore que la précédente etordonna :

– Tu fileras cette paille cette nuit. Etsi tu réussis, je t’épouserai.

À peine la jeune fille fut-elle seule, que lepetit homme se montra pour la troisième fois et demanda ànouveau :

– Que me donneras-tu cette fois-ci, si jefile ta paille ?

– Que pourrais-je te donner ?répondit la jeune fille, je n’ai plus rien.

– Promets-moi donc de me donner tonpremier enfant quand tu seras reine.

« Qui sait comment les choses vont sepasser ? » se dit la fille du meunier. Et comme, de toutefaçon, elle n’avait pas d’autre solution, elle promit au petithomme ce qu’il souhaitait. Et ce dernier transforma donc, une foisencore, la paille en or.

À l’aube, ayant tout trouvé comme ill’espérait, le roi fit préparer un grand banquet de noces et labelle meunière devint reine.

Une année passa et la reine donna naissance àun ravissant petit garçon. Et soudain, le petit homme, entra danssa chambre et dit :

– Donne-moi ce que tu m’avais promis.

La reine fut horrifiée. Elle proposa au petithomme toute la richesse du royaume, pourvu qu’il lui laissât sonenfant. Mais le lutin ne voulut rien savoir.

– Non, non, dit-il, je préfère quelquechose de vivant à tous les trésors.

La reine se mit à pleurer et son chagrin finitpar émouvoir le petit homme.

– J’attendrai trois jours, consentit-il,et si, d’ici là, tu as trouvé comment je m’appelle, tu pourrasgarder ton enfant.

La reine réfléchit toute la nuit, se rappelanttous les noms qu’elle avait entendus. Elle dépêcha un messager pourqu’il questionne les gens dans tout le pays afin qu’elle apprennetous les noms qui existent.

Lorsque le lendemain matin le lutin arriva,elle cita tous les noms qu’elle connaissait, mais chaque fois lepetit homme hocha la tête :

– Ce n’est pas mon nom. Le lendemain, lareine envoya un émissaire jusque dans le pays voisin afin deconnaître les noms de ce pays. Elle cita ensuite au petit hommetous ces noms étranges et inhabituels :

– Ne t’appelles-tu pasMoustache-de-souris ? Ou Gigot-d’Agneau ? Ou peut-êtreTranche-de-Bœuf ?

– Ce n’est pas ça, répondit le lutin àchaque fois.

Le troisième jour, le messager de la reinerevint du voyage et claironna d’entrée :

– On ne peut plus trouver d’autres noms,pas un seul. Mais, lorsque je passais près d’une montagne àl’entrée d’une étrange forêt où les lapins et les renards sesaluent avec courtoisie, j’aperçus une petite maison. Et devantelle, un drôle de petit homme, un vrai lutin, sautillait àcloche-pied autour d’un feu en vociférant :

Par temps froid et par temps chaud,

Rumpelstiltskin n’est pas manchot,

Je sais tout faire, même la cuisine,

Et un petit prince j’aurai en prime.

Vous comprenez aisément que la reine seréjouit en apprenant ce nom.

Peu de temps après, le petit homme arriva auchâteau. Et il attaqua d’entrée :

– Alors, ma reine : quel est monnom ?

– Et si tu t’appelaisRumpelstiltskin ? dit alors la reine.

– Quel diable te l’a soufflé ? Queldiable te l’a soufflé ? brailla le petit homme.

Et il frappa le sol de son pied droit avectant d’énergie qu’il s’enfonça tout entier dans la terre. Puis, foude rage, il attrapa son pied gauche avec ses deux mains et –crac ! – il se déchira en deux.

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