Contes merveilleux – Tome II

Chapitre 23Le Puits enchanté

Une veuve, qui s’était remariée, avait deuxfilles très belles dont l’une était travailleuse, et l’autre plutôtparesseuse. Elle avait pour préférée cette dernière parce quec’était sa propre fille. Quant à l’autre fillette, elle n’était pasbeaucoup appréciée : on la faisait travailler dur toute lajournée et on la traitait comme une servante.

La pauvre fillette devait chaque jour serendre au bord du puits et filer jusqu’à ce qu’elle en ait le boutdes doigts en sang. Un jour, alors que la bobine était toutetachée, la fillette se pencha au-dessus du puits pour la nettoyer.Mais la bobine lui glissa des mains et tomba tout au fond. Ellecourut en pleurant chez sa belle-mère et lui raconta son malheur,mais la marâtre, impitoyable, la réprimanda violemment et luidit : « Tu as laissé tomber la bobine au fond du puits,alors tu devras aller la reprendre ! » La fillette,bouleversée, retourna au puits sans savoir comment elle allait s’yprendre. Son cœur en détresse lui commanda de sauter ; cequ’elle fit. En atteignant le fond du puits, elle perditconnaissance.

Lorsqu’elle reprit ses esprits, un soleilradieux brillait au-dessus d’elle, et un champ merveilleux remplide millier de fleurs l’entourait. La fillette se mit à marcher etarriva près d’un four dans lequel beaucoup de pains cuisaient. Lespains lui crièrent : « Hé, sors-nous du four, sors-nousdu four, nous allons brûler ! Nous cuisons depuis bien troplongtemps déjà. » La fillette s’approcha du four, et en sortittoutes les miches les unes après les autres. Elle poursuivit saroute et arriva près d’un pommier qui ployait sous le poids de sesfruits. L’arbre lui cria : « Hé ! Secoue-moi,secoue-moi, mes pommes vont se gâter ! Elles sont mûres depuisbien trop longtemps déjà. » La fillette secoua le pommier etles pommes tombèrent sur le sol comme une pluie. Lorsqu’elle leseut rassemblées en un tas, elle reprit son chemin.

Finalement, elle parvint à une petite maisonet y aperçut une vieille femme. Quand elle vit que la vieille avaitde très longues dents, elle s’effraya et voulut s’enfuit à toutesjambes, mais la vieille femme lui dit : « N’aie pas peurchère enfant, reste avec moi. Si tu tiens ma maison en ordre, alorstu ne manqueras de rien. Tu dois seulement t’assurer de bien fairemon lit et de secouer assidûment mon oreiller à la fenêtre, desorte que les plumes s’en échappent et qu’ainsi il puisse neigersur la Terre. Car c’est moi qui fait la neige : je suis laDame Neige. » Elle la persuada si bien que la fillette secalma, consentit et se rendit à son service. Jour après jour, lajeune fille secoua fidèlement l’oreiller pour que des flocons deneige s’en échappent et elle fit tout ce qu’il fallait poursatisfaire la vieille dame. La vie était douce auprès d’elle :jamais de réprimandes et chaque jour de bons repas.

Alors qu’elle servait la Dame Neige depuis unbon moment déjà, la fillette en vint à se sentir triste. Au début,elle ne sut pas exactement ce qui pouvait la rendre ainsi, maiselle finit par comprendre qu’elle avait le mal du pays : bienqu’ici elle fut traitée mille fois mieux qu’à la maison, sonchez-soi lui manquait. Un jour, elle alla voir la vieille dame etlui dit : « J’ai le mal du pays, et même si tout va trèsbien ici, je ne peux rester plus longtemps. Je dois retourner parmiles miens. » La Dame Neige répondit : « Je suisheureuse que tu veuilles retourner chez-toi. Et comme tu m’asservie si fidèlement, je vais te raccompagner. » Elle prit lafillette par la main et la conduisit devant un grand portail. Aumoment même où la fillette franchissait le seuil, une pluie d’ors’abattit sur elle ; tout cet or se fixa sur ses vêtements etil en tomba tant qu’elle en fut complètement recouverte. Puis, leportail se referma, et la fillette se retrouva sur la Terre, nonloin de sa demeure.

Quand elle entra dans la court, le coq, qui setenait sur le rebord du puits, se mit à crier :« Cocorico ! Notre précieuse jeune fille est deretour ! » La fillette entra dans la maison et, parcequ’elle était toute recouverte d’or, fut bien accueillie par samère et sa sœur. Elle leur raconta alors tout ce qu’elle avaitvécu. Lorsque la mère entendit comment elle avait reçu tant derichesse, elle voulut que sa première fille, celle qui étaitparesseuse, aille se procurer le même bonheur. Celle-ci duts’asseoir auprès du puits et se mettre à filer. Trop paresseuse,elle ne fila pas : pour qu’il y ait du sang sur la bobine,elle se mit plutôt les mains dans les églantiers et se piqua lesdoigts. Elle lança ensuite la bobine au fond du puits et s’y jetaelle-même.

Elle se réveilla elle aussi au milieu dumagnifique champ fleuri. Elle emprunta le même chemin que sa sœur,et lorsqu’elle arriva près du four, les pains lui crièrent :« Hé, sors-nous du four, sors-nous du four, nous allonsbrûler ! Nous cuisons depuis bien trop longtemps déjà. »Mais la paresseuse leur répondit : « Je n’ai pas envie deme salir ! » Et elle passa son chemin. Elle arrivabientôt près du pommier qui lui cria : « Hé !Secoue-moi, secoue-moi, mes pommes vont se gâter ! Elles sontmûres depuis bien trop longtemps déjà. » Mais elle luirépondit : « Pas question ! Je pourrais en recevoirune sur la tête. » Et elle passa son chemin.

Lorsqu’elle parvint à la maison de Dame Neige,elle ne s’effraya pas, sachant déjà que la vieille dame avait detrès longues dents, et elle se fit aussitôt engager. Le premierjour, elle accomplit toutes les taches qui lui étaient assignées,car elle pensait à sa récompense. Mais le deuxième jour, ellerecommença à être un peu paresseuse, et un peu plus le troisième.Finalement, elle ne voulut même plus se lever le matin et ne secouaplus l’oreiller comme elle avait convenu de le faire.

Dame Neige en eut bientôt assez et décida dela congédier. La paresseuse s’en réjouit, songeant à la pluie d’orqui l’attendait. Mais lorsqu’elle traversa le seuil du grandportail, ce ne fut point de l’or qu’elle reçut, mais plutôt unplein chaudron de poix gluante et collante. « Voilà tarécompense pour ta paresse et tes mauvais services ! »,lui dit la vieille dame en claquant la porte.

La paresseuse se retrouva chez-elle, toutecouverte de cette poix, et quand le coq l’aperçut, il se mit àcrier : « Cocorico ! Notre poisseuse jeune fille estde retour ! » La fillette eut beau se laver et se laverencore, la poix resta coller sur elle jusqu’à la fin de sesjours.

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