Contes merveilleux – Tome II

Chapitre 41Le Renard et le cheval

Un paysan avait un vieux cheval fidèle, maissi vieux qu’il n’était plus bon à rien ; alors son maître, quine voulait plus nourrir cette bouche inutile, lui parla commececi :

– Il est clair que je ne peux plus meservir de toi, et bien que j’aie pour toi les meilleurs sentiments,je ne pourrai te garder et continuer à te nourrir que si tu temontres assez fort pour m’amener un lion ici. Fn attendant, tu vassortir immédiatement de l’écurie ! Le pauvre cheval s’en allatristement à travers les prés, se dirigeant vers la forêt, où ilpourrait au moins trouver un abri contre le mauvais temps. Sur sonchemin, il rencontra le renard qui lui demanda pourquoi il avaitainsi la tête basse, le pas lent et l’air si abandonné.

– Hélas ! dit le cheval, lésine etloyauté ne sauraient partager le même toit ! Mon maître a viteoublié les nombreuses années pendant lesquelles j’ai trimé pourlui, et parce que je ne puis plus guère labourer, maintenant quej’ai vieilli, il me chasse et ne veut plus me nourrir.

– Comme cela, sans la moindreconsolation ? s’informa le renard.

– Piètre consolation que la sienne !Il m’a dit que si je me montrais assez fort pour lui amener unlion, il me garderait ; mais il sait fort bien que j’en suisincapable.

– Attends, dit le renard, je vais teprêter assistance. Couche-toi là par terre et fais le mort. Nebouge plus. Le cheval se soumit au désir du renard, qui trottinajusqu’à la tanière du lion, qu’il connaissait et savait touteproche.

– il y a là-bas un cheval mort,annonça-t-il au lion. Viens, sors avec moi, je vais t’y conduire ettu pourras faire bombance ! Le lion suivit le renard, etlorsqu’ils furent près du cheval mort, le renard lui dit :

– Écoute, tu ne seras jamais asseztranquille par ici pour prendre tout ton temps. Tu ne sais pas ceque nous allons faire ? En me servant des crins de sa queue,je vais l’attacher solidement derrière toi et tu n’auras plus qu’àle traîner dans ta tanière, où tu pourras le dévorer tout à loisir.Le lion trouva l’idée excellente et se prêta de bon gré à lamanœuvre, se tenant bien tranquille pour que le renard pûtl’attacher au cheval en serrant solidement ses nœuds. Mais lerenard, pendant ce temps, se servait de la queue du cheval pourlier étroitement les pattes du lion, bouclant, serrant etresserrant ses liens les uns sur les autres, de telle manière qu’ilne pût ni les rompre, ni les défaire en y mettant toute sa force.L’opération terminée, il se pencha vers le cheval et lui frappa surl’épaule en lui disant – « Hue, mon Bijou ! Hue,tire-le ! » Le vieux cheval se redressa brusquement ettraîna derrière lui le lion rugissant, rugissant si fort que tousles oiseaux de la forêt s’envolèrent à la fois, complètementterrorisés. Le cheval, lui, laissa le lion rugir autant qu’il levoulait, sans cesser pour autant de le tirer à travers champsjusqu’à la porte de la maison de son maître. Revenant à demeilleurs sentiments en voyant la chose, son maître lui ditalors : « Je te garde et tu auras la belle vie. » Etdepuis ce jour-là jusqu’à sa mort, il eut toujours son content àmanger, et le meilleur fourrage.

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