LA DERNIÈRE ÉNIGME AGATHA CHRISTIE

— Appelle Afflick, dit ensuite la jeune femme.

À nouveau, Giles se dirigea vers le téléphone, feuilleta l’annuaire et forma le numéro. Ce fut un peu plus long, mais il obtint finalement la communication.

— Mr. Afflick ? Ici Giles Reed. Je…

Il fut brusquement interrompu par un flot de paroles à l’autre bout du fil. Au bout d’un moment, il parvint tout de même à placer quelques mots.

— Mais non ! Nous n’avons rien fait de tel… Oui… Oui, certainement… Je n’ignore pas que vous êtes un homme très pris, et je n’aurais jamais songé… Bon. Mais, dites-moi, qui vous a appelé ? Un homme ?… Non, je vous répète que ce n’était pas moi… Non, non… je comprends parfaitement… D’accord, je veux bien reconnaître que c’est assez extraordinaire…

La conversation terminée, il revint prendre place devant le guéridon.

— Eh bien, voilà. Un individu qui s’est fait passer pour moi a appelé Afflick et lui a demandé de nous rendre visite cet après-midi pour traiter une affaire urgente dans laquelle une importante somme d’argent était en jeu.

— Il est possible, dit Gwenda après un moment de silence, que le mystérieux correspondant soit précisément Fane ou Afflick. Ne comprends-tu pas, Giles ? N’importe lequel des deux a pu tuer Lily Kimble et venir ensuite ici pour se créer une sorte d’alibi.

— Un alibi, intervint doucement Miss Marple, sûrement pas.

— Je ne veux pas dire exactement un alibi, mais plutôt un prétexte pour être absent de son bureau. Ce qui paraît certain, c’est que l’un d’eux dit la vérité et que l’autre ment. Malheureusement, il nous est impossible de déterminer celui qui a appelé l’autre, afin de faire tomber les soupçons sur lui. Mais, de toute évidence, ce ne peut être que Fane ou Afflick… Je mise sur Afflick.

— Et moi sur Fane, déclara Giles.

Tous deux levèrent les yeux sur Miss Marple. La vieille demoiselle hocha doucement la tête.

— Il existe une troisième possibilité, affirma-t-elle.

— Bien sûr, Erskine.

Déjà, Giles se dirigeait pour la troisième fois vers le téléphone.

— Que vas-tu faire ? demanda Gwenda.

— Demander la communication avec le Northumberland.

— Oh ! Giles, tu ne penses vraiment pas…

— Il nous faut savoir. Si Erskine est chez lui, il ne peut évidemment pas avoir tué Lily Kimble cet après-midi. Nous éliminons, naturellement, l’avion particulier ou d’autres balivernes du même ordre.

Un instant plus tard, la communication était établie.

Giles s’éclaircit nerveusement la gorge.

— Allô ! Major Erskine ? Ici Reed… Oui, Giles Reed, de Dillmouth.

Il jeta à Gwenda un coup d’œil angoissé qui signifiait clairement : « Qu’est-ce que je fais maintenant ? »

La jeune femme se leva et se saisit du combiné.

— Major Erskine ? Mrs. Reed à l’appareil. Nous avons entendu parler d’une maison : Linscott Brake. Est-elle… je veux dire… la connaissez-vous ? Je crois qu’elle n’est pas très loin de chez vous.

— Linscott Brake ? répéta la voix d’Erskine. Non, il ne me semble pas en avoir jamais entendu parler. De quelle localité dépend-elle ?

— Je ne sais pas exactement, car l’adresse est affreusement gribouillée, comme il arrive souvent avec ces agences immobilières. Mais, on signale que la propriété en question se trouve à une quinzaine de milles de Daith. Aussi avons-nous pensé…

— Je suis désolé, Mrs. Reed, mais je ne vois pas du tout… Qui l’habite actuellement ?

— Elle est vide, parait-il. Mais peu importe, parce que nous nous sommes presque décidés pour une autre… Veuillez m’excuser. J’imagine que vous étiez occupé ?

— Pas le moins du monde. Enfin… simplement des tâches domestiques. Ma femme est absente, et la bonne est allée rendre visite à sa mère. De sorte que je dois m’occuper du train-train quotidien. Et j’avoue que cela ne me convient guère. J’aime mieux le jardinage.

— Je préférerais souvent, moi aussi, m’occuper de jardinage que de travaux domestiques. J’espère que Mrs. Erskine n’est pas souffrante ?

— Oh non. Elle a simplement été appelée auprès d’une de ses sœurs. Elle sera de retour demain.

— Eh bien, je vous souhaite une bonne nuit. Et excusez-nous de vous avoir dérangé.

Gwenda reposa le récepteur et revint s’asseoir.

— Erskine n’est donc pour rien dans l’affaire, dit-elle d’un air triomphant. Sa femme est absente, et il s’occupe du ménage. Cela ne nous laisse donc que les deux autres suspects. N’est-ce pas, Miss Marple ?

Miss Marple, cependant, avait l’air grave.

— Je crois, mes enfants, dit-elle au bout d’un moment, que vous n’avez pas encore suffisamment réfléchi à cette affaire… Mon Dieu, mon Dieu, je suis vraiment très ennuyée. Si seulement je savais exactement quoi faire…

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