Ramuntcho

XXIV

Cependant Franchita s’étonnait de l’attitudeinexpliquée de son fils, qui, semblait-il, ne voyait plus jamaisGracieuse et qui pourtant n’en parlait même pas. Alors, tandis ques’amassait en elle-même la tristesse de ce départ si prochain pourle service militaire, elle observait, avec son mutisme et sapatience de paysanne.

Un soir donc, un des derniers soirs, comme ilpartait, mystérieux et empressé, bien avant l’heure de lacontrebande nocturne elle se dressa devant lui, le regard dans lesien : « Où vas-tu, mon fils ? »

Et le voyant détourner la tête, rouge etembarrassé, elle acquit la soudaine certitude : « C’estbon, maintenant je sais… Oh ! je sais !… »

Elle était plus émue que lui encore, à ladécouverte de ce grand secret… Que ce ne fût pas Gracieuse, que cefût une autre fille, l’idée ne lui en était même pas venue, elleétait pour cela trop clairvoyante. Et ses scrupules de chrétiennes’éveillaient, sa conscience s’épouvantait du mal qu’ils avaient pufaire tous deux, – en même temps que montait du fond de son cœur unsentiment dont elle avait honte comme d’un crime, une espèce dejoie sauvage… Car enfin…, si leur union charnelle était accomplie,l’avenir de son fils s’assurait tel qu’elle l’avait rêvé pour lui…Elle connaissait bien assez son Ramuntcho, du reste pour savoirqu’il ne changerait pas et que Gracieuse ne serait jamaisabandonnée.

Le silence cependant se prolongeait entre eux,elle toujours devant lui, barrant le chemin :

« Et qu’avez-vous fait ensemble ? sedécida-t-elle demander. Dis-moi la vérité, Raymond, qu’avez vousfait de mal ?…

– De mal ?… Oh ! mais rien, ma mère,rien de mal, je vous le jure… »

Il répondait cela sans aucune irritationd’être interrogé, et en soutenant le regard de sa mère avec de bonsyeux de franchise. C’était vrai, d’ailleurs, et elle le crut.

Mais, comme elle restait encore en face delui, la main sur le loquet de la porte, il reprit, avec une sourdeviolence :

« Vous n’allez pas m’empêcher d’y aller,au moins, quand je pars dans trois jours ! »

Alors, devant cette jeune volonté en révolte,la mère, enfermant en elle-même le tumulte de ses penséescontradictoires, baissa la tête et, sans un mot, s’écarta pour lelaisser passer.

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