Enfances célèbres

NOTICE SUR BENJAMIN FRANKLIN.

Benjamin Franklin est un des hommes qui ont leplus contribué à la civilisation et à l’émancipation de l’Amérique.Il naquit à Boston, dans la Nouvelle-Angleterre, en 1707, d’unefamille pauvre et nombreuse. Son père était un fabricant dechandelles ; ses frères étaient aussi de simplesartisans ; cependant le père, très-intelligent, s’apercevantdu goût prononcé que le petit Benjamin montrait pour l’étude, eutl’idée d’en faire un ecclésiastique et l’envoya dans uneécole ; mais trouvant cette éducation trop chère, il le mitbientôt dans une école plus petite où l’enfant apprenait seulementà écrire et à compter. Franklin acquit ainsi en peu de temps unebelle écriture ; il ne réussit point au calcul. Apprendre àlire et à écrire fut tout ce qu’il dut à d’autres qu’à lui-même. Àdix ans, son père, qui avait renoncé à en faire un ministre, lereprit chez lui et voulut l’employer à son métier, mais l’enfant,qui avait une imagination très-vive, ne put se soumettre à cetravail ; le spectacle de la mer l’enflammait, il rêvaitd’être marin ; il apprit de bonne heure à nager et à conduireune barque. Son père voulut réprimer ce penchant, et le mit enapprentissage chez un coutelier, mais il fut encore obligé de leretirer chez lui, et voyant la passion excessive de son fils pourl’étude et la lecture, il résolut d’en faire un imprimeur. Un deses enfants avait déjà cet état ; il plaça chez lui Benjamin àl’âge de douze ans, sous la condition d’y travailler comme simpleouvrier jusqu’à vingt et un ans, sans recevoir de gages que ladernière année.

Franklin devint bientôt très-habile dans cemétier qu’il aimait parce qu’il lui permettait de se procurer tousles ouvrages des grands poëtes, des grands historiens et des grandsphilosophes dont le génie l’attirait ; il se mit lui-même àécrire ; il composa de petites pièces, entre autres deuxchansons sur des aventures de marins que son frère imprima et luifit vendre par la ville. L’une de ces chansons eut un grand succès,ce qui flatta beaucoup l’enfant ; mais son père qui était unesprit éclairé, au-dessus de sa profession, lui fit comprendre queses vers étaient très-mauvais ; il s’essaya dans unelittérature plus sérieuse.

Son frère était l’imprimeur d’une des deuxgazettes qui paraissaient alors à Boston ; le jeune Benjaminfit pour cette feuille quelques articles qu’il ne signa point, maisqui réussirent fort. Il finit par faire connaître qu’il en étaitl’auteur, et tout le monde le loua, excepté son frère, qui étaitjaloux de lui et le maltraitait sans cesse ; bientôt leursdissentiments augmentèrent, Franklin quitta l’imprimerie de sonfrère ; celui ci le discrédita tellement à Boston qu’il ne puttrouver de travail chez aucun imprimeur. Il résolut de quittercette ville et de n’en rien dire à personne : il s’embarqua àla faveur d’un bon vent et arriva en trois jours à New-York,éloigné de trois cents milles de la maison paternelle ; ilavait alors dix-sept ans, il était sans aucune ressource et neconnaissait pas un individu auquel il pût s’adresser. Ne trouvantpas d’ouvrage à New-York, il se rendit à Philadelphie où il futplus heureux. Le gouverneur de la province s’intéressa à lui et luioffrit de l’envoyer à Londres chercher tous les matériaux d’uneimprimerie qu’il voulait établir.

Franklin accepta, mais ce voyage à Londres luicausa mille tribulations et peu de profit, son protecteur ne luiayant pas fourni l’argent nécessaire pour vivre à Londres, il futobligé d’entrer dans une imprimerie ; il s’y acquit uneréputation de courage et d’esprit qui le rendit le modèle de sescompagnons ; bientôt ayant pu se faire une petite pacotille,il revint à Philadelphie où il s’associa à l’un de ses camaradespour monter à leur compte une imprimerie. L’ami de Franklin avaitapporté les fonds, lui, fournit son labeur assidu et son expériencedéjà exercée. Il travaillait jour et nuit, il voulait parvenir à lafortune et surtout à la considération. Sa seule distraction étaitde réunir toutes les personnes distinguées et instruites de laprovince, avec lesquelles il dissertait de politique et dephysique.

Bientôt l’associé de Franklin le laissa seulmaître de leur imprimerie, sa fortune prit un accroissement rapide,il se maria avec miss Read qu’il avait longtemps aimée. Tous lesgrands hommes ont ainsi dans la vie une femme qui devient comme laboussole de leurs nobles actions. Franklin fonda un journal, créaplusieurs établissements utiles de librairie et d’instructionpopulaire ; il commença en 1732 à publier son Almanach duBonhomme Richard, où il présente les sages conseils et lesplus graves pensées sous une forme originale qui les imprimefacilement dans l’esprit. En 1736, Franklin fut nommé député àl’assemblée générale de la Pennsylvanie, et l’année d’après ildevint directeur des postes de Philadelphie ; il futtrès-utile à cette ville et à toute la province ; il arma unesorte de garde nationale de dix mille hommes pour la défendrecontre les Indiens qui la menaçaient. Il continua en même temps defonder des sociétés savantes, il fit des études spéciales surl’électricité et inventa le paratonnerre. Il créa un grandétablissement d’instruction publique qu’il soutint de son crédit,de sa fortune et même de son enseignement. Cet établissement estdevenu aujourd’hui le collége de Philadelphie. Il aida à fonder deshôpitaux et des asiles pour les pauvres ; en 1757, il futenvoyé à Londres chargé d’une mission politique ; il yséjourna jusqu’en 1762, se lia avec les hommes les plus savants del’époque et fut reçu membre de la Société royale de Londres et dediverses autres académies européennes.

Lorsque la guerre de l’indépendance éclata enAmérique, en 1775, Franklin prit une grande part aux résolutionsles plus fermes et les plus courageuses. Tandis que Washingtoncommandait les soldats de la liberté, Franklin fut chargé d’allerdemander le secours de la France contre l’Angleterre ; ilpartit en 1776. Il fut accueilli à Paris par le duc de laRochefoucauld, qui l’avait connu à Londres, et qui le présenta à lahaute société de Paris et à la cour. Franklin réussit par son grandesprit, ses manières simples et dignes, son noble visage et sesbeaux cheveux blancs ; il sut naître parmi la noblessefrançaise un vif enthousiasme pour la guerre de l’indépendance del’Amérique. M. de la Fayette partit à la tête desvolontaires ; le roi Louis XVI, entraîné par l’opinionpublique, conclut, en 1778, le traité d’alliance avec lesÉtats-Unis, reconnus comme puissance indépendante ; la mêmereconnaissance fut faite par la Suède et la Prusse. Ayant atteintce but qui assurait l’indépendance de sa patrie, Franklin restaencore plusieurs années en France comme ministre plénipotentiaire,il s’établit à Passy (dont une des rues porte aujourd’hui sonnom) ; c’est là qu’il écrivit plusieurs de ses ouvrages et fitde nouvelles expériences de physique ; il eut le bonheur derencontrer Voltaire à l’Académie des sciences, il lui présenta sonpetit-fils et lui demanda pour lui sa glorieuse bénédiction.Voltaire posa ses mains amaigries et tremblantes sur la tête del’enfant et s’écria : God and liberty ! Dieu etla liberté ! Voilà, ajouta-t-il, la devise qui convient aupetit-fils de Franklin. Les deux grands hommes en se quittants’embrassèrent les yeux mouillés de larmes.

Mais Franklin, se sentant affaibli par lesinfirmités de l’âge, quitta la France pour aller revoir sa chèreAmérique ; quand il arriva à Philadelphie, tous les habitantsde la ville et tous ceux des environs à une grande distanceaccoururent sur son passage et le saluèrent comme le libérateur dela patrie ; il fut deux fois élu président de l’Assemblée,mais en 1788 il fut contraint par la souffrance et l’âge de seretirer entièrement des affaires. Il trouva encore assez de forcepour travailler à fonder plusieurs institutions utiles ; ilécrivit contre la traite des esclaves ; rédigea ses Mémoiresoù sa vie honnête et glorieuse se déroule comme un beau fleuve quis’avance tranquillement vers la mort. La mort, Franklin l’attenditet la reçut avec résignation au milieu des utiles travaux quiremplirent ses dernières années ; il fut attaqué de la fièvreet d’un abcès dans la poitrine qui terminèrent sa vie le 17 avril1790, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Son testament, quirenfermait plusieurs fondations d’utilité publique, se terminaitpar cette phrase : « Je lègue à mon ami, l’ami du genrehumain, le général Washington, le bâton de pommier sauvage aveclequel j’ai l’habitude de me promener ; si ce bâton était unsceptre, il lui conviendrait de même. » Quel éloge éloquentdans ce peu de mots et quels deux grands hommes admirables queWashington et Franklin ! ils resteront éternellement comme lesmodèles du désintéressement, de l’honneur et dupatriotisme !

Plusieurs années avant sa mort, Franklin avaitcomposé lui-même son épitaphe, la voici :

ICI REPOSE

LIVRÉ AUX VERS

LE CORPS DE BENJAMIN FRANKLIN, IMPRIMEUR ;

COMME LA COUVERTURE D’UN VIEUX LIVRE,

DONT LES FEUILLETS SONT ARRACHÉS,

ET LA DORURE ET LE TITRE EFFACÉS.

MAIS POUR CELA L’OUVRAGE NE SERA PAS PERDU ;

CAR IL REPARAÎTRA,

COMME IL LE CROYAIT,

DANS UNE NOUVELLE ET MEILLEURE ÉDITION,

REVUE ET CORRIGÉE

PAR

L’AUTEUR.

Lorsque la mort de Franklin fut connue, uneconsternation générale se répandit en Amérique. En France, à lanouvelle de cet événement, l’Assemblée nationale ordonna un deuilpublic.

Auteurs::

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