Maman Léo – Les Habits Noirs – Tome V

Chapitre 36La récompense d’Échalot

 

Maman Léo parlait avec fièvre, et, comme ilarrive dans le trouble mental où elle était, elle parlait pourelle-même bien plus que pour le bon garçon qui l’écoutait de toutesses oreilles, dévorant chaque mot et se cassant la tête à ychercher un sens.

Maman Léo ne se rendait pas compte, de cefait, qu’elle sous-entendait nombre d’événements dont Échalotn’avait pas la connaissance. Elle était si pleine de son sujet,qu’il lui semblait impossible de n’être pas comprise.

Nous serons bien forcés de dire aux lecteursbrièvement ce que, dans sa préoccupation, maman Léo jugeait inutiled’expliquer.

Elle revenait de la maison de santé duDr Samuel, où elle avait reconduit Valentine.

Là elle avait revu encore une fois cetteétrange parodie de la famille : les Habits Noirs entourant lelit de la prétendue folle.

Valentine était rentrée à la brune, sous soncostume d’emprunt, sans éveiller aucun soupçon apparent ; nulne s’était aperçu de sa longue absence, excepté Victoire, la femmede chambre, qui était nécessairement complice.

C’était comme dans les contes de fées où lesprincesses ont des anneaux qui les rendent invisibles.

Maman Léo ne péchait pas par excès de défianceni de prudence, elle appartenait à un monde où l’on entrevolontiers dans le merveilleux, mais ceci dépassait tellement lesbornes du vraisemblable que maman Léo se refusait à y croire.

Au salon, tout en rendant compte de samission, elle ne put retenir une parole trahissant le doute qui latourmentait.

Elle se vit aussitôt entourée de souriresbienveillants et approbateurs.

On échangea des regards d’intelligence et lecolonel secoua sa tête blêmie en murmurant :

– Mme Samayoux n’est pas decelles qu’on peut tromper.

M. de Saint-Louis ajouta :

– Si Dieu mettait sur mon front la couronne demes pères, sans écarter systématiquement la noblesse et labourgeoisie, je m’entourerais de gens du peuple.

Le colonel eut sa toux qui faisait mal ;il avait terriblement baissé depuis la veille : quand ilouvrait la bouche, on était obligé de faire un grand silence poursaisir les mots qui venaient littéralement expirer sur seslèvres.

Mais il avait gardé toute la sérénité de sonregard.

– Ne vous inquiétez pas, bonne dame, dit-il enadressant à la veuve un geste d’amicale protection, nous nejouerons pas à cache-cache avec vous. J’ai bien de l’âge et c’estlourd à porter. La coquetterie que j’aurais, ce serait d’atteindremes cent ans, et j’y touche. Pour prix d’une si longue vie, bienmodeste à la vérité et bien paisible, mais qui n’est pas sanscontenir quelques bonnes actions dont le souvenir embellit mesderniers jours, j’ai l’expérience et j’ai aussi la confiance de mesamis… Venez çà, chère madame, car il me fatigue d’élever lavoix.

Maman Léo s’approcha et le colonel poursuivitavec une bonté croissante :

– Ce que nous voulions tous, c’était le salutde ce jeune homme, Maurice Pagès, puisqu’à son existence estattachée celle de Valentine, notre chère enfant. Il fallait leconvertir à nos projets de fuite. Je connais si bien le cœurhumain ! Nous aurions eu beau supplier notre bien-aiméefillette, elle se serait entêtée dans son refus, tandis que lapensée d’une escapade, d’une petite révolte, traversant cettepauvre chère cervelle ébranlée, a suffi pour la rendre complice denos efforts. Nous n’avons eu qu’à fermer les yeux, elle s’estcachée de nous pour obtenir votre concours, et elle a travaillépour nous, c’est-à-dire pour elle.

Maman Léo respirait comme si on l’eût soulagédu poids qui écrasait sa poitrine.

Ceci était manifestement la vérité, car tousles regards attendris confirmaient le dire du colonel, et lamarquise elle-même murmura en essuyant une larme :

– Le bon ami a de l’esprit plein lecœur !

Désormais maman Léo était aux trois quartstrompée.

Il ne faut pas que le lecteur s’irrite contrela simplicité de cette vaillante femme, qui était en ce momentl’unique champion d’une cause presque perdue.

Les plus habiles auraient fait comme elle, etpeut-être moins bien qu’elle, car le jeu de l’homme qui tenait leprincipal rôle dans cette comédie atteignait à la perfection.

D’autres n’auraient pas gardé le doute quitourmentait encore la conscience de maman Léo.

La famille quitta le salon pour rentrer dansla chambre de Valentine : le cercle de Mme lamarquise d’Ornans s’établit selon la coutume autour du foyer, et lecolonel alla s’asseoir tout seul auprès du lit.

Pendant que Valentine et lui s’entretenaienttous les deux à voix basse, la marquise se chargea d’annoncerofficiellement à maman Léo que le grand jour était fixé aulendemain.

– Mieux que personne, chère madame, luidit-elle, vous savez que la santé de notre Valentine ne sera pas unobstacle ; son expédition d’aujourd’hui, qui nous remplit dejoie, en est la preuve. Voici une heure à peine, j’étais aussiignorante que vous, et votre surprise ne pourra dépasser lamienne : tout est prêt, le providentiel dévouement de notreami le colonel Bozzo avait pris ses mesures d’avance ; rien nelui a coûté, et Dieu savait ce qu’il faisait quand il a mis unegrande fortune à la disposition de cet admirable cœur. Ce ne serapas une évasion comme les autres, il n’y aura aucun danger, aucuneviolence ; l’argent répandu à pleines mains a su aplanirtoutes les difficultés. Seulement, nous avons encore besoin devous, et M. de la Périère va vous expliquer ce que nousattendons de votre affection pour le jeune Maurice Pagès.

M. de la Périère prit alors laparole. C’était un homme discret et sachant exprimer toutes lesnuances du langage ; il fit comprendre à la veuve que toutesles personnes présentes étaient assises sur un degré de l’échellesociale qui n’admettait point certaines relations, et qu’elleseule, Mme Samayoux, était bien placée pour choisirla cheville ouvrière de toute l’opération : c’est-à-direl’homme qui, pour un prix fait, consentirait à remplacer Mauricedans sa prison.

Nous verrons tout à l’heure le détail de cettepartie de l’entreprise qui était, comme tout le reste,admirablement combinée.

– En un mot, comme en mille, s’écriaM. de Saint-Louis, quand le baron eut achevé, dès qu’ils’agit d’arriver à l’action, dès qu’on cherche le point laborieux,utile et brave d’une entreprise quelconque, il faut toujourss’adresser au peuple.

Maman Léo n’avait pas encore eu le temps derépondre, lorsque le colonel Bozzo, qui était auprès du lit deValentine se leva.

– Voilà donc qui est entendu, ma mignonnechérie, dit-il, nous avons fini avec nos petites ruses, et nousmarchons désormais d’accord. Il faut cela, croyez-le bien, si noustardions d’un jour à jouer notre va-tout, je ne répondrais plus dela partie… Viens me donner le bras, Francesca, je vais céder maplace à cette bonne Mme Samayoux pour que notreValentine lui donne ses dernières instructions. Tout dépend d’ellesdeux ; je n’y mets point de solennité intempestive, je dis leschoses comme elles sont : la vie du lieutenant Maurice Pagèsest désormais entre leurs mains.

Il s’éloigna, presque porté par la comtesseCorona, à laquelle vint s’adjoindre M. de la Périère.Samuel glissa à l’oreille de M. de Saint-Louis :

– Je déchire mon diplôme si cet homme n’estpas à bout, tout à fait à bout. Il n’y a plus d’huile dans lalampe, chacune des minutes qu’il vit encore est un miracle dudiable.

Maman Léo s’assit dans le fauteuil que venaitde quitter le colonel, au chevet du lit de Valentine.

– Que faut-il faire ? demanda-t-elle.

– Il faut trouver l’homme, réponditValentine.

– As-tu confiance ? demanda encore laveuve.

La jeune fille frissonna entre ses draps.

– Je ne sais, murmura-t-elle, je n’auraisjamais cru qu’il fût possible de tant souffrir sans mourir.

Il y eut un silence.

La veuve était retombée tout au fond de sesterreurs.

Valentine reprit :

– Il faut trouver l’homme. Choisis bien. Tu esnotre vraie mère, et je trouve tout simple que tu meures avecnous.

Maman Léo prit la main, qui pendait hors dulit, et l’appuya contre ses lèvres.

– C’est vrai, murmura-t-elle, je suis ta mère.J’ai prié Dieu, qui m’a exaucée ; ma tendresse pour toi est lamême que ma tendresse pour lui… mais, je t’en prie, parle-moi…explique-moi.

Valentine eut un sourire navré.

– Demain, dit-elle, j’attendrai dans lavoiture à la porte de la prison, et puis nous ne nous quitteronsplus tous les trois. Voilà tout ce que je sais, le reste est dansla main de Dieu… Va-t’en, trouve l’homme, et à demain !

C’était en sortant de cette entrevue que mamanLéo était rentrée dans la baraque. L’homme était trouvé, car ladompteuse avait songé à Échalot tout de suite.

Elle arrivait avec le trouble poignant que lesdernières paroles de Valentine avaient fait naître en elle. Elle nes’occupait point de la question de savoir si Échalot accepterait,elle était tout entière au travail impossible de sa pensée quicherchait une lueur au milieu de cette profonde nuit.

Elle n’avait pas même l’idée de fournir uneexplication quelconque, elle allait son chemin, fuyant le troublede ses souvenirs, s’accrochant à toute espérance qui essayait denaître.

– Oui, oui, reprit-elle sans remarquer ledésarroi croissant du pauvre garçon qui l’écoutait ; pourarmé, il sera armé, j’en réponds, et si l’on se tape,saquédié ! j’en veux deux ou trois pour ma part.

– Si l’on se tape, répéta Échalot, j’en serai,pas vrai, patronne ?

– Non, tu n’en seras pas, répondit la veuve,tu auras autre chose à faire, mais laisse-moi finir. Elle n’a pasvoulu de mon argent, et quoique je te remercie tout de même, ceschiffons-là ne serviront à rien. Ça ne m’aurait pas étonnée, carelle en a plus que moi à présent, de l’argent, mais on n’a pasvoulu du sien non plus, et cependant ça a dû coûter bien cher pourmarchander tant de monde !

M. de la Périère m’a détaillé toutcela : on les a achetés tous, à moitié s’entend, tu vas voir,depuis le concierge jusqu’au porte-clefs, en passant par ceux qu’onpourrait rencontrer par hasard dans les corridors. Ah ! c’estmené grandement, on n’a pas liardé… mais voilà ce qui teregarde : il faut un homme, un homme qui n’est jamais allédevant la justice, car un repris risquerait trop gros, et deshommes pareils, on n’en trouverait pas à l’estaminet de l’Épi-Scié.Te souviens-tu que tu m’avais dit une fois : « J’iraidans le cachot du lieutenant Pagès, et pendant qu’il s’échappera jeresterai à sa place ! »

– Oui, je m’en souviens, répondit Échalot.

– Nous avions ri, reprit la veuve, moi lapremière, quoique j’avais envie de pleurer, nous avions bien ri,car tu ne lui ressembles guère, dis donc ? Eh bien ! onavait eu tort de rire, l’enflé, car c’est comme ça que ça sejouera.

– Vrai, madame Léocadie, s’écria Échalot, jeserais assez chanceux pour vous témoigner mes sentiments au milieudes périls !

– Non, répondit la veuve, c’est justement cequ’on va t’expliquer : tu ne courras aucun danger, puisque tun’es recherché, comme ils disent en justice, pour aucun autre crimeou délit.

Échalot contenait du mieux qu’il pouvait latendre exaltation qui lui montait au cerveau.

– Ah ! fit-il avec une chaleur trèscomique et très éloquente, ne me parlez pas comme ça, patronne, sivous voulez m’exciter mon tempérament. C’est le danger quim’attire ! Quand il est question de vous être agréable, jegrille de braver la mort pour vous.

Les souverains ont une façon particulièred’aimer. Sans comparer Échalot au regrettable prince Albert, quifit si longtemps le bonheur de notre alliée et voisine la reineVictoria, nous pouvons affirmer du moins que ce bon garçon avaitquelques-unes des qualités nécessaires à un prince époux. Maman Léole regarda avec bonté.

– J’entr’aperçois l’état critique de ton cœur,bonhomme, dit-elle, et je ne m’en trouve pas offensée de ce que tuas eu l’audace d’un pareil amour. Ne tremble pas comme unjocrisse ; c’est un petit bout de conversation particulièreque je mélange instantanément ici à notre grande affaire. Bois uncoup pour que la joie ne te flanque pas une indisposition au momentd’avoir besoin de toute ta bonne santé.

Elle remplit elle-même avec une gracieusecondescendance le verre d’Échalot, dont toute la personne était àpeindre.

Ses pauvres joues avaient pâli, sous le coupde l’indescriptible émotion qui l’écrasait ; ses jambestremblaient, ses yeux remplis de larmes exprimaient le douteenfantin de ceux à qui on annonce trop brusquement un bonheurimpossible.

Maman Léo trinqua et reprit :

– Il ne faut pas pousser trop loin lamodestie, qui est plutôt l’apanage particulier de mon sexe ;j’ai distingué ton talent dans la mécanique destinée aux deuxfrères siamois factices et dans les poils de vache pour la perruquede feu M. Daniel. D’un autre côté, tu as gagné qu’ont’applique le prix Montyon par ta conduite désintéressée envers lejeune Saladin. Ça m’a disposée en ta faveur. N’ayant pas eu lachance, en tuant mon premier sans préméditation, je m’étaisconfinée dans le veuvage, dont la liberté ne me gênait pas ;mais on n’a plus vingt-cinq ans, pas vrai ? et c’est fini derire avec les exercices gymnastiques, pouvant occasionner desaccidents funestes après le plaisir.

Elle donna ici un soupir à la mémoire deJean-Paul Samayoux et continua.

– C’est sûr que ton extérieur m’aurait arrêtéeà l’âge de faire florès dans la société ; maisactuellement, je m’en bats l’œil, étant déterminée à mener uneexistence tranquille, soit en province, soit à l’étranger, si onréchappe à la chose de demain.

– Vous disiez qu’il n’y avait pas depéril ? voulut interrompre Échalot.

– En prison, répondit la veuve ; maisailleurs…

– Alors, je ne veux pas aller en prison !s’écria Échalot.

– Tu ne veux pas !

Échalot plia les genoux.

– À la bonne heure ! fit la veuve ;je disais donc que je veux me payer un intérieur légitime avec unmari obéissant et des enfants qu’il élèvera plus tard soigneusementpar son caractère casanier dans la baraque.

Elle but. Ce tableau évoqué du bonheurconjugal avait mis le comble au transport d’Échalot. Ses mainsétaient jointes dévotement et personne n’aurait pu garder sonsérieux en voyant l’auréole que l’extase dessinait autour de sonfront.

– En foi de quoi, je te permets d’y prétendre,acheva maman Léo en reposant son verre vide sur la table, et de mefréquenter consécutivement pour le bon motif.

Mais au moment où Échalot, retrouvant enfin laparole, voulut entonner le Cantique des Cantiques, ellel’interrompit brusquement.

– C’est bon, l’enflé, dit-elle, tu mechanteras ça une autre fois. Tape dans ma main, la chose est dite.Reparlons d’affaires : c’est donc convenu que tu y vas de taliberté momentanément pour évader Maurice ?

– C’est convenu, patronne, et il ne manquequ’une chose à ma félicité, c’est de ne pas y risquer mesjours.

– Sois calme et comprends bien ton rôle. Il ya dans tout ça, et tu dois bien le voir, des tas de manivelles queje ne comprends pas, mais celle-là du moins est claire et nette.C’est fondé sur la connaissance qu’on a de la fidélité desdomestiques du gouvernement. Les Habits Noirs sont fins comme dessinges et ils connaissent toutes ces farces-là sur le bout dudoigt. Quand je t’ai dit qu’ils avaient acheté à moitié lesemployés de la prison, ça signifie qu’il y a deux, trois, quatre,peut-être une demi-douzaine de ces braves-là qui ont consenti àrisquer leur place pour une jolie petite position de rentier ;mais ils n’ont voulu risquer que cela, et il a fallu s’arranger demanière à les laisser, quand la besogne sera faite, dans lasituation où j’étais après le désagrément de feu Jean-PaulSamayoux. Saisis-tu ?

– Ah ! je crois bien ! s’écriaÉchalot ; le contentement me débouche et je crois que je vasavoir de l’esprit maintenant : il faut que tous ceux-làpuissent être comme vous, patronne : « C’est un malheur,mais il n’y a pas de notre faute. »

– Juste ! fit la dompteuse, et ce seradrôle tout à fait, il n’y aura pas de fenêtre à escalader, ni demuraille à percer, ni de geôlier à étouffer, il n’y aura qu’àentrer avec le permis de M. Perrin-Champein, le fin finaud,qui n’aura pas vu cette fois plus loin que le bout de son nezpointu. Personne ne nous aidera, c’est vrai, mais personne ne nousgênera, pas même le porte-clefs, qui fera les cent pas dans lecorridor et qui gagnera un millier d’écus de rente rien qu’à ne pasregarder par le trou de la serrure pendant que tu prendras leshabits du lieutenant et qu’il endossera ta toilette touteneuve.

– Soixante mille francs, murmura Échalot, rienque pour ça !

– Hé ! hé ! fit la veuve, c’est auplus juste prix, et d’autres gagneront la même somme pour moinsd’ouvrage encore ; il leur suffira de ne pas dire, en tevoyant repasser dans les couloirs : « Tiens, tiens, commele cavalier de Mme veuve Samayoux a maigri etgrandi dans l’espace de dix minutes ! » Échalot se mit àrire bonnement.

– Un quelqu’un, dit-il, fera sa fortune en nerelevant pas mon chapeau que j’aurai sur les yeux, un autre en nerabaissant pas les collets de ma lévite… À présent que je ne suisplus jaloux du lieutenant, si vous saviez comme ça me fait plaisirde penser qu’il s’échappera entre mes doublures !

La veuve riait aussi et disait :

– Avec de l’argent, c’est certain, on pourraitarriver comme ça jusque dans la chambre à coucher du gouvernement,l’emballer au fond d’un panier et le vendre à la halle, à moinsqu’on aimerait mieux le mettre au mont-de-piété.

Ils trinquèrent encore une fois, puis Échalotreprit :

– Voici donc qui est bon, madame Léocadie, jesuis au bloc à la place de notre lieutenant. Quand est-ce quej’aurai de vos nouvelles ?

Maman Léo ne répondit pas tout de suite.

Peu à peu un nuage sombre descendit sur sonfront.

– Garçon, dit-elle enfin, c’est peut-être bienla dernière fois que je rirai. Je ne peux pas te répondre au juste,vois-tu, parce qu’il y a un fossé à sauter qui est bien profond etbien large. On pourrait rester dedans.

– Et moi, commença Échalot d’un ton derévolte, je serais à l’abri !…

– La paix, l’enflé ! dit la veuve, qui seredressa, le bon Dieu est bon et c’est mon premier mot qui est levrai ; il n’y a pas de danger.

– Seulement, ajouta-t-elle en se levant,prends cet argent-là.

Elle lui mit entre les mains tout le paquet debillets de banque.

– Demain, de grand matin, continua-t-elle, tuporteras cela chez la personne qui garde ton petit Saladin, oubien, si tu n’as pas confiance entière dans cette personne, tuferas un trou quelque part et tu y cacheras le magot.

– Mais…, voulut objecter le pauvre diable, quise prit à trembler, qu’y a-t-il donc, patronne ?

– La paix ! interrompit encore mamanLéo ; tu me rendras la chose quand je te laredemanderai ; mais écoute bien, bonhomme, si je ne te laredemande pas avant huit jours d’ici, elle est à toi, je te faismon héritier.

Elle ferma la bouche d’Échalot, qui voulaitrépondre, en ajoutant d’un ton brusque et impérieux :

– Tu as entendu ma dernière volonté, mavieille, et j’espère que tu la respecteras. C’est mon testament…Maintenant, je vas me coucher ; à te revoir, demain matin, etbonne nuit !

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