Barnabé Rudge – Tome II

Chapitre 6

 

Ne sachant où aller après, et effarouchés parla foule de gens qui étaient déjà sur pied, ils s’assirent àl’écart dans une des retraites du pont pour se reposer. Ilss’aperçurent bientôt que le courant d’activité générale se portaittout entier d’un côté, et qu’il y avait un nombre infini depersonnes qui traversaient la Tamise de la rive de Middlesex àcelle de Surrey, avec une précipitation extraordinaire et dans unétat d’excitation évident. Elles étaient, le plus souvent, réuniespar petits pelotons de deux ou trois, ou même d’une demi-douzaine,se parlaient peu, quelquefois observaient un silence absolu, etsuivaient leur route d’un pas pressé, comme des gens absorbés parun but unique et commun.

Barnabé et sa mère furent surpris de voirpresque tous les hommes de ce grand rassemblement, qui passaientdevant eux sans discontinuer, porter une cocarde bleue à leurchapeau, et ceux qui n’avaient pas cette décoration, passantsinoffensifs, se montrer inquiets et chercher timidement à éviterl’attention et les attaques des autres, auxquels ils laissaient lehaut du pavé, par voie de conciliation. C’était d’ailleurs asseznaturel, vu l’infériorité de leur nombre : car ceux quiportaient des cocardes bleues étaient à ceux qui n’en portaient pasdans la proportion de quarante ou cinquante au moins contre un.Cependant on ne voyait point de querelles. Les cocardes bleues sepressaient comme des essaims, cherchant à se passer l’une l’autre,et se hâtant de tout leur pouvoir au milieu de la multitude,échangeant seulement un regard, et encore pas toujours, avec lespassants qui n’appartenaient pas à leur association.

Au commencement, le courant populaire s’étaitborné à occuper les deux trottoirs ; un petit nombre detraînards seulement se rencontraient sur la chaussée. Mais, au boutd’une demi-heure environ, le passage fut complètement bloqué par lafoule qui, serrée et compacte à présent, embarrassée dans lescharrettes et les voitures qu’elle rencontrait, ne pouvait plusavancer que lentement, et quelquefois même se voyait obligée defaire des haltes, de huit ou dix minutes.

Au bout de deux heures environ, le nombre despassants commença à diminuer sensiblement ; on les vit, petità petit, s’éclaircir, débarrasser le pont, disparaître, saufquelques traînards à cocardes, qui, se sentant en retard, le visagepoudreux et échauffé, pressaient le pas pour ne point arriver troptard, ou s’arrêtaient à demander le chemin qu’avaient pris leursamis, et se hâtaient, après s’être renseignés, de marcher danscette direction avec une satisfaction visible. Au milieu de cettesolitude relative, qui lui semblait si étrange et si nouvelle aprèsla foule qui l’avait précédée, la veuve eut, pour la première fois,l’occasion de s’informer à un vieillard, qui était venu s’asseoirprès d’eux, de ce que signifiait ce concours extraordinaire degens.

« Mais d’où donc venez-vous ?répondit-il, si vous n’avez pas entendu parler de la GrandeAssociation de lord Georges Gordon. C’est aujourd’hui qu’ilprésente à la Chambre la pétition contre les catholiques. Que Dieul’assiste !

– Eh bien ! qu’est-ce que tous cesgens-là ont à voir là dedans ? demanda-t-elle.

– Ce qu’ils ont à voir là dedans ?Comme vous y allez ! Vous ne savez donc pas que Sa Seigneuriea déclaré qu’elle ne présenterait rien à la Chambre s’il n’y avaitpas, pour soutenir la pétition, quarante mille hommes au moins à laporte, et des gaillards solides ? Jugez de la foule qu’il va yavoir.

– Quelle foule, en effet ! ditBarnabé. Entendez-vous, mère ?

– Ils vont, à ce qu’on dit, reprit levieillard, passer une revue de plus de cent mille hommes. Ah !vous n’avez qu’à laisser faire lord Georges. Il connaît bien sonpouvoir. Il y a de puissants visages à ces trois fenêtres là-bas(et il montrait la chambre des Communes qui dominait la rivière),qui vont devenir pâles comme la mort en voyant ce soir lord Georgesmonter à la tribune : et ils n’auront pas tort. Eh !eh ! laissez faire Sa Seigneurie, c’est un malin. »

Et là-dessus, marmottant, riant dans sa barbe,et remuant son index d’un air significatif, il se leva à l’aide deson bâton, et s’en alla comme un château branlant.

« Mère, dit Barnabé, quelle brave fouledont il parle là. Allons !

– Pas pour la rejoindre, toujours,cria-t-elle.

– Si, si, répondit-il en tirant lesmanches de sa veste. Pourquoi pas ? Allons !

– Vous ne savez pas, dit-elle avecinstance, le mal que ces gens-là peuvent faire, où ils peuvent vousconduire, ni quelles sont leurs intentions. Pour l’amour demoi…

– C’est justement pour l’amour de vous,cria-t-il en lui tapotant les mains. C’est bien cela, pour l’amourde vous, mère. Vous vous rappelez bien ce que l’aveugle nous disaitde l’or. Voilà une brave foule ! Allons ! ou plutôt,attendez que je sois revenu ; attendez-moi là. »

Avec toute l’énergie de sa crainte maternelle,elle essaya, mais en vain, de le détourner de son idée. Il étaitbaissé à boucler son soulier, quand un fiacre passa rapidementdevant eux, et, de l’intérieur, une voix ordonna au cocher des’arrêter.

« Jeune homme ! dit la voix.

– Qu’est-ce qu’on me veut ? criaBarnabé en levant les yeux.

– Est-ce que vous ne voulez pas portercette décoration ? reprit l’étranger en lui tendant unecocarde bleue.

– Au nom du ciel, n’en faites rien ;ne la lui donnez pas, s’écria la veuve.

– Parlez pour vous, bonne femme, ditl’autre froidement. Laissez le jeune homme faire ce qu’il luiplaît. Il est assez grand pour se décider tout seul ; il n’aplus besoin de s’accrocher aux cordons de votre tablier. Il saitbien, sans que vous ayez besoin de le lui dire, s’il veut ou nonporter le signe d’un fidèle Anglais. »

Barnabé, tremblant d’impatience, se mit àcrier : « Oui, oui, je veux le porter. » Il avaitdéjà répété ce cri plus de vingt fois, quand l’homme lui jeta unecocarde en lui disant : « Dépêchez-vous de vous rendreaux Champs de Saint-Georges. » Puis il ordonna aucocher de prendre le trot et les laissa là.

Barnabé, les mains tremblantes d’émotion,était en train d’attacher de son mieux ce signe de ralliement à sonchapeau, répondant avec vivacité aux larmes et aux instances de samère, lorsque deux gentlemen qui passaient de l’autre côté jetèrentles yeux sur eux, et, voyant Barnabé occupé à s’embellir de cetornement, se dirent quelques mots à l’oreille et revinrent surleurs pas, à leur rencontre.

« Qu’est-ce que vous faites donc là àvous reposer ? dit l’un d’eux, habillé tout en noir, avec degrands cheveux clairsemés sur sa tête, et une canne à la main.Pourquoi n’avez-vous pas suivi les autres ?

– J’y vais, monsieur, répliqua Barnabéfinissant sa besogne et mettant son chapeau d’un air crâne ;j’y cours à l’instant.

– Dites donc milord et non pas monsieur,jeune homme, si vous voulez bien, quand Sa Seigneurie vous faitl’honneur de vous adresser la parole, dit le second gentleman avecun air de doux reproche ; si vous n’avez pas reconnu lordGeorges Gordon tout de suite, il est grand temps maintenant.

– Non, non, Gashford, dit lord Georges,pendant que Barnabé se découvrait et lui faisait un beau salut. Çane fait pas grand’chose dans un jour comme celui-ci, que toutAnglais fidèle se rappellera avec orgueil et plaisir ;couvrez-vous, l’ami, et suivez-nous, car vous êtes en arrière etvous allez arriver trop tard. Voilà qu’il est dix heures passées.Vous ne saviez donc pas que le rassemblement se faisait à dixheures précises ?

Barnabé secoua la tête en les regardant l’unaprès l’autre, comme s’il ne se doutait pas de ce qu’on voulait luidire.

« Vous auriez dû le savoir, l’ami, ditGashford. C’était bien convenu. D’où venez-vous donc, que vous êtessi mal informé ?

– Il n’est pas dans le cas de vousrépondre, monsieur, dit la veuve. Cela ne sert à rien del’interroger. Nous ne faisons que d’arriver de bien loin dans laprovince, et nous ne savons rien de tout cela.

– Il paraît que la cause a poussé loinses racines, et qu’elle étend déjà ses branches de tous côtés, ditlord Georges à son secrétaire. Bonne nouvelle, et que Dieu soitloué !

– Ainsi soit-il ! cria Gashford d’unair solennel.

– Vous ne m’avez pas comprise, milord,dit la veuve. Pardon, vous vous méprenez cruellement sur ce quej’ai voulu dire. Nous n’entendons rien à tout ce qui se passe, etnous n’avons ni l’intention ni le droit d’y prendre avec vous lamoindre part. Ce jeune homme est mon fils, mon pauvre fils, infirmed’esprit, et qui m’est plus cher que la vie. Au nom du ciel,milord, allez-vous-en sans lui ; épargnez-lui la tentation devous suivre dans quelque danger.

– Ma bonne femme, dit Gashford, commentest-il possible ? Je ne vous comprends pas. Qu’est-ce que vousnous parlez de tentation et de danger ? Est-ce que vous prenezmilord pour le lion de l’Écriture, qui chercha quelqu’un àdévorer ? Que le bon Dieu vous bénisse !

– Non, non, milord ; pardonnez-moi,reprit la veuve éplorée, lui mettant les deux mains sur lapoitrine, sans savoir ce qu’elle faisait ni ce qu’elle disait, dansle trouble de son ardente prière ; mais j’ai des raisons devous supplier de céder à mes larmes, aux larmes d’une mère. Au nomdu ciel ! laissez-moi mon fils. Il n’est pas dans son bonsens ; il ne sait pas ce qu’il fait, je vous le jure.

– Voyez, dit lord Georges, reculantdevant les mains de la veuve et rougissant tout à coup, voyez unpeu la perversité de ce siècle ! On traite de folie le zèle deceux qui veulent servir fidèlement la bonne cause. Avez-vous bienle cœur de parler comme cela de votre propre fils, mèredénaturée ?

– Vous m’étonnez, dit Gashford à laveuve, avec une espèce de sévérité sans aigreur ; voilà untriste échantillon de la dépravation des femmes !

– Il n’en a toujours pas l’air, dit lordGeorges jetant un coup d’œil sur Barnabé, et demandant tout bas àson secrétaire s’il était vrai que le gars avait l’esprit dérangé.Et, quand ce serait, nous ne devons pas nous arrêter à unebagatelle comme ce prétendu dérangement d’esprit. Qui de nous (etil rougit encore) échapperait à ce reproche, si c’était un casd’exclusion ?

– Pas un de nous, répliqua le secrétaire.Dans un cas comme celui-ci, plus il y a de zèle, de fidélité, debonne volonté, plus la vocation est écrite là-haut, et plus sainteest la folie. Quant à ce jeune homme, milord, ajouta-t-il enretroussant légèrement sa lèvre, pendant qu’il regardait Barnabé,qui était là debout, à tourner dans les mains son chapeau, et àleur faire signe en cachette de partir, soyez sûr qu’il a toute saraison, et qu’il est aussi sain d’esprit que pas un.

– Ah çà ! désirez-vous faire partiede la Grande Association ? dit lord Georges ens’adressant à lui ; avez-vous l’intention d’être un desnôtres ?

– Oui ! oui ! dit Barnabé,l’œil étincelant. Certainement que j’en ai l’intention. Je le luidisais à elle-même, pas plus tard que tout à l’heure.

– Je vois ce que c’est, répliqua lordGeorges en jetant à la malheureuse mère un regard dereproche ; je m’en doutais. Eh bien ! vous n’avez qu’à mesuivre, moi et ce gentleman, et vous allez accomplir votredésir. »

Barnabé déposa sur la joue de sa mère untendre baiser, et lui disant d’avoir bon courage, que leur fortuneétait faite, il marcha derrière eux. Elle aussi, la pauvre femme,elle se mit à les suivre, en proie à une terreur et à un chagrininexprimables.

Ils marchèrent rapidement le long deBridge-Road, dont toutes les boutiques étaient fermées ; caren voyant passer cette cohue, et dans la crainte de leur retour,les gens n’étaient pas rassurés pour leurs marchandises et lesvitres de leurs fenêtres ; on pouvait apercevoir à l’étagesupérieur de leurs maisons tous les habitants réunis à leurscroisées, regardant en bas dans la rue avec des visages alarmés, oùse peignaient diversement l’intérêt, l’attente et l’indignation.Les uns applaudissaient, les autres sifflaient. Mais sans faireattention à ces manifestations, et tout entier au bruit du vasterassemblement voisin, qui retentissait à ses oreilles comme lemugissement de la mer, lord Georges Gordon hâta le pas et se trouvabientôt dans les Champs de Saint-Georges.

C’étaient réellement des champs à cetteépoque, et même très étendus. On y voyait rassemblée une multitudeimmense, portant des drapeaux de toute forme et de toute grandeur,mais tous d’une couleur uniforme, tous bleus, comme les cocardes.Il y avait des pelotons qui faisaient des évolutions militaires,d’autres en ligne, en carré, en cercle. Un grand nombre desdétachements qui marchaient sur le champ de parade et de ceux quirestaient stationnaires, chantaient des psaumes et des hymnes. Quelque fût le premier qui en avait eu l’idée, elle n’était pasmauvaise : car le son de ces milliers de voix élevées dans lesairs était fait pour remuer l’âme la plus insensible, et ne pouvaitmanquer de produire un effet merveilleux sur les enthousiastes debonne foi dans leur égarement.

On avait posté en avant du rassemblement dessentinelles pour annoncer l’arrivée du chef. Quand celles-ci sefurent repliées pour passer le mot d’ordre, il circula en un momentdans toute la troupe, et il y eut alors un moment de profond etmorne silence, pendant lequel les masses se tinrent si tranquilleset si immobiles, qu’on ne voyait plus, partout où pouvaient seporter les yeux, d’autre mouvement que celui des bannièresflottantes. Puis tout à coup éclata un hourra terrible, puis unsecond, puis un autre. L’air en était ébranlé et déchiré comme parun coup de canon.

« Gashford, cria lord Georges, serrant lebras de son secrétaire tout contre le sien, et parlant avec uneémotion qui se trahissait également par l’altération de sa voix etde ses traits, je sens maintenant que je suis prédestiné ; jele vois, je le sais. Je suis le chef d’une armée. Ils mesommeraient en ce moment, d’une commune voix, de les conduire à lamort, que je le ferais ; oui ! dussé-je tomber le premiermoi-même.

– En effet, c’est un fier et grandspectacle, dit le secrétaire ; une noble journée pourl’Angleterre et pour la grande cause du monde. Recevez, milord,l’hommage d’un humble mais dévoué serviteur…

– Qu’allez-vous faire ? lui cria sonmaître en le prenant par les deux mains, car il avait fait mine des’agenouiller à ses pieds ; cher Gashford, n’allez pas memettre hors d’état de remplir les devoirs qui m’attendent dans ceglorieux jour. » Et en disant ces mots le pauvre gentlemanavait des larmes dans les yeux. « Passons à travers leursrangs ; il nous faut trouver une place dans quelque divisionpour notre nouvelle recrue. Donnez-moi la main. »

Gashford glissa sa froide, son insidieusemain, dans l’étreinte fanatique de son maître, et alors, la maindans la main, toujours suivis de Barnabé et de sa mère, ils semêlèrent à la foule.

L’Association, pendant ce temps-là,s’était remise à chanter, et, à mesure que leur chef passait dansles rangs, tous élevaient leurs voix à qui mieux mieux. Parmi cesligueurs, coalisés pour défendre jusqu’à la mort la religion deleur pays, il y en avait beaucoup qui n’avaient pas même entendu nipsaume ni cantique de leur vie. Mais comme c’étaient de fameuxlurons, pour la plupart, cela ne les empêchait pas d’avoir de bonspoumons, et, comme ils aimaient naturellement à chanter, ilsbraillaient toutes les ribauderies et toutes les sottises qui leurpassaient par la tête, sachant bien que cela se perdrait dans lechœur général des voix, et ne s’inquiétant guère d’ailleurs qu’ons’en aperçût ou non. Il y eut bien de ces gaudrioles chantéesjusque sous le nez de lord Georges Gordon ; mais sans faireattention à leurs flonflons, il continua sa marche avec sa roideurhabituelle et sa majesté solennelle, charmé, édifié de la piété deses partisans.

Ils allaient donc toujours, toujours, tantôtsur le front de cette ligne, tantôt derrière celle-là, tournantautour de la circonférence de ce cercle, longeant les quatre côtésde ces carrés, et il y en avait sans fin à passer en revue, de cescercles, de ces carrés, de ces lignes. La chaleur du jour étaitarrivée à son apogée ; la réverbération du soleil sur la placedu rassemblement la rendait encore plus étouffante : ceux quiportaient les lourdes bannières commençaient à se sentir défaillir,et prêts à tomber de lassitude. La plupart des frères et amis ne segênaient pas pour ôter leurs cravates et déboutonner leurs habitset leurs gilets. Dans le centre, un certain nombre d’entre eux,accablés par l’excès de la chaleur rendue plus insupportable encorepar la multitude dont ils étaient entourés, se jetaient sur legazon, tout haletants, offrant d’un verre d’eau tout ce qu’ilsavaient d’argent. Et pourtant pas un homme ne quittait la place,pas même parmi ceux qui souffraient le plus ; et pourtant lordGeorges, tout ruisselant de sueur, continuait sa marche avecGashford ; et pourtant Barnabé et sa mère les suivaient deprès avec persévérance.

Ils étaient arrivés au bout d’une longue ligned’environ huit cents hommes sur une seule file et lord Georgesavait tourné la tête derrière lui, quand on entendit un cri dereconnaissance, à demi étouffé comme tous les cris que la voix faitentendre en plein air au milieu d’une foule ; et aussitôt unhomme sortit des rangs avec un grand éclat de rire, et posa salourde main sur l’épaule de Barnabé.

« Eh quoi ! s’écria-t-il, BarnabéRudge ? Voilà un siècle qu’on ne vous a vu. Où diableétiez-vous donc caché ? »

Dans ce moment-là, Barnabé pensait à touteautre chose ; l’odeur du gazon foulé aux pieds lui rappelaitses vieilles parties de cricket, du temps qu’il était petit garçonet qu’il allait jouer sur la pelouse de Chigwell. Surpris de cetteapostrophe soudaine et tapageuse, il fixa sur le personnage sesyeux effarouchés, sans pouvoir dire autre chose que « Est-cebien Hugh que je vois ? »

– Oui-da, Hugh en personne, répétal’autre ; Hugh du Maypole. Vous rappelez-vous mon chien ?Il vit toujours et il va bien vous reconnaître, je vous en réponds.Mais, Dieu me pardonne ! je crois que vous portez noscouleurs ? Tant mieux, ma foi, tant mieux ! Ha !ha !

– Vous connaissez ce jeune homme-là, à ceque je vois ? dit Lord Georges.

– Si je le connais, milord ! je leconnais aussi bien que ma main droite. Mon capitaine aussi leconnaît : nous le connaissons tous.

– Voulez-vous le prendre dans votredivision ?

– Il n’y a pas un garçon meilleur, niplus agile, ni plus décidé que Barnabé Rudge, dit Hugh ; jeparie avec qui voudra qu’on ne trouve pas son pareil. Il vamarcher, milord, entre Dennis et moi ; et c’est lui qui vaporter, ajouta-t-il en prenant un drapeau des mains d’un camaradefatigué, c’est lui qui va porter le plus gai drapeau de soie decette vaillante armée.

« Dieu du ciel ! non, cria la veuveeu s’élançant devant eux. Barnabé… milord… voyez… il faut qu’ilrevienne ; Barnabé, Barnabé.

– Comment, des femmes dans le camp !cria Hugh se jetant entre eux et les séparant. Holà !capitaine, à l’ordre !

– Qu’est-ce qu’il y a donc ? criaSimon Tappertit, qui accourut en toute hâte et tout échauffé. Vousappelez cela de l’ordre !

– Ma foi ! non, capitaine, réponditHugh, tenant toujours la veuve en respect avec ses mainsétendues ; c’est bien plutôt du désordre. Les dames ne sontbonnes ici qu’à détourner nos vaillants soldats de leurs devoirs.Elles auraient bientôt rempli la place, si on les laissait faire.Allons, vite !

– Serrez les rangs ! cria Simon àplein gosier ; en avant, marche ! »

La pauvre femme était tombée sur le gazon.Tout le camp était en mouvement. Barnabé était entraîné au cœurd’une masse épaisse de ligueurs ; elle ne le voyait plus.

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