La Résurrection de Rocambole – Tome III – Rédemption – La Vengeance de Vasilika

Chapitre 27

 

Pourquoi Vasilika avait-elle besoin d’un maçon ? C’est ceque nous allons voir par les quelques mots qu’elle échangea avecl’Italien Beruto.

– Madame, demanda le valet de chambre, est-ce que vousvoulez faire murer la porte de ce caveau ?

– Non, dit la comtesse.

– Excusez-moi, je l’avais cru…

– Au contraire, reprit Vasilika, j’y veux faire percer unefenêtre.

Beruto regarda la belle Russe avec un étonnement croissant, etil sembla même se demander si elle n’avait pas perdu l’esprit.Vasilika poursuivit :

– Tu vois cette voûte ?

– Oui, madame.

– En quelques coups de marteau, un maçon en détachera deuxpierres.

– Mais, madame, nous sommes à plus de trente pieds sousterre, reprit Beruto.

– Eh bien ?

– Sur quoi donc prendra jour la fenêtre que vous voulezpercer ?

Vasilika ne répondit pas. Seulement elle eut un geste impérieuxet dit :

– Va me chercher un maçon.

Beruto reprit la lampe qui se trouvait placée dans un coin ducaveau.

– Non, dit Vasilika, laisse-la ici.

– Est-ce que madame va rester ?

– Oui, j’attends le maçon. Donne-lui ce qu’il voudra.Seulement, il est inutile qu’il connaisse le chemin exact de cecaveau.

– Je lui banderai les yeux.

– J’allais te l’enjoindre. Va !

Et Vasilika s’assit sur une espèce de banc, sur lequel setrouvait placée la lampe. Beruto remonta à tâtons l’escalier dusouterrain. L’Italien avait coutume de ne pas discuter les volontéssouvent étranges de sa maîtresse. Cependant, cette fois, il étaitsi fort intrigué, que Vasilika l’entendit qui murmurait en s’enallant :

– Je crois que madame a un grain de folie.

Un sourire vint aux lèvres de Vasilika. Puis elle se prit àcontempler Yvan, couché dans un coin du caveau et gardantl’immobilité de la mort.

– Ah ! murmura-t-elle après un long silence, c’est unepassion bien voluptueuse, la vengeance, puisqu’elle donne tantd’imagination…

Un quart d’heure s’écoula. Beruto revint. Il avait été servi àsouhait. Il avait rencontré Noël, bayant aux corneilles dans la rueCassette et nous savons comment il l’avait embauché. Noël avait unbandeau sur les yeux. Mais dans l’escalier souterrain, peut-êtrel’avait-il un peu dérangé. Vasilika dégrafa un long manteau qui luicouvrait les épaules. En même temps, elle fit un signe à Beruto.Celui-ci prit le corps d’Yvan, le traîna dans cet angle obscur oùse trouvait le squelette, et la comtesse le couvrit du manteau. Enmême temps, sur un autre signe d’elle, l’Italien se plaça devant lesquelette. Alors Vasilika détacha elle-même le bandeau qui couvraitle visage du faux maçon. Celui-ci sut se faire une mine hébétée etcraintive, et regarda la belle Russe avec une sorte de stupeur etd’effroi.

– Mon ami, lui dit Vasilika, rassurez-vous.

Sa voix avait retrouvé son timbre enchanteur et pleind’harmonie. Noël répondit :

– Qu’est-ce que vous voulez donc que je fasse,madame ?

– Rien que de fort simple : montez sur ce banc etprenez votre marteau. En même temps, elle poussa le banc vers lemur, ajoutant :

– Faites-moi un trou là-dedans.

– Mais, dit Noël, c’est de la pierre de taille, ça.

– Non, pas partout.

Et Vasilika monta sur le banc auprès de lui.

– Tenez, là, dit-elle, c’est du plâtre. On a figuré desjoints de pierre, mais c’est une simple cloison.

Noël prit un marteau et frappa. Le mur rendit un son creux. Ilfrappa plus fort ; quelques fragments de plâtre sedétachèrent. Cependant il lui fallut travailler une grande heurepour percer un trou. Ce trou percé, Beruto, qui suivait la besogneavec une curiosité croissante, vit quelque chose de noir derrière.La cloison qu’on venait de percer séparait le caveau d’un autre.Voilà tout. L’autre caveau était pareillement plongé dans lesténèbres. Le trou percé était assez grand pour laisser passer lecorps d’un homme. Noël se tourna vers la comtesse et parut attendrede nouveaux ordres. Mais Vasilika lui dit :

– C’est bien, mon garçon, nous n’avons plus besoin detoi.

Et comme un nouvel étonnement se peignait sur le visage du fauxmaçon :

– Qu’as-tu promis à ce brave homme ? dit-elle àBeruto.

– Deux louis.

– En voilà cinq, dit la comtesse qui mit un billet debanque dans la main de Noël.

Celui-ci joua un ébahissement si profond, il eut une joie sicomplète, que la belle Russe ne put s’empêcher de sourire.

– À présent, dit-elle, tu peux t’en aller.

Noël se laissa rajuster le bandeau de bonne grâce et Beruto leprit de nouveau par la main, lui disant :

– Viens, mon garçon.

Cependant Rocambole, en quittant Noël une heure auparavant, nes’était pas éloigné. Il était simplement allé s’établir dans cettechambre d’hôtel garni où nous l’avons déjà vu, lorsqu’il s’occupaitde tirer Antoinette de Saint-Lazare, au coin du faubourgSaint-Honoré et de la rue de la Pépinière. Il avait été convenuavec Noël que si ce dernier avait besoin de lui, il l’enverraitchercher par le caniche, ce singulier messager. En effet, lecaniche, une heure après, grimpa lestement l’escalier et gratta àla porte. Rocambole sortit et regarda l’intelligent animal. Lechien remuait la queue et faisait mine de redescendrel’escalier.

– C’est bien, dit Rocambole ; je te suis.

Une fois dans la rue, le chien piqua tout droit vers le faubourgSaint-Germain. Rocambole comprit que Noël était sur la traced’Yvan.

Trois quarts d’heure après, toujours guidé par le chien, ilarrivait rue Cassette. Mais Noël n’y était pas. Noël était encoreoccupé à la mystérieuse besogne que lui avait donnée Vasilika.Seulement, sur un signe de Rocambole, le chien prit sa piste ets’arrêta à la porte du vieil hôtel. Rocambole regarda cette maisonvermoulue, puis un souvenir rapide traversa son cerveau.

– Hé ! hé ! dit-il, je connais cela.

Il alla faire le guet à l’autre extrémité de la rue, dans lerenfoncement d’une porte. Un quart d’heure après Noël reparut.Beruto s’était contenté de lui ôter son bandeau et de luientrebâiller la porte de l’hôtel. Mais il n’était pas sorti dans larue. Rocambole siffla, Noël se dirigea sur lui.

– Eh bien ! fit le maître.

– Je viens de voir des choses auxquelles je ne comprendsrien.

– Voyons ?

– Un homme est sorti de cette maison, est venu à moi et m’adit qu’il avait besoin d’un maçon.

Et Noël raconta que dans l’escalier, il s’était heurtévolontairement au mur, ce qui avait un peu déplacé son bandeau etlui avait permis de voir, d’abord Vasilika qu’il avait fort bienreconnue, puis un homme endormi et comme frappé de léthargie, qu’onavait poussé dans un coin sur lequel la comtesse avait jeté sonmanteau. Enfin le squelette devant lequel Beruto s’était placé.

– Et, lui dit Rocambole, tu ne sais pas pourquoi tu aspercé ce mur ?

– Non.

– Qu’y a-t-il derrière ?

– Je ne sais pas.

– Tu n’as pas reconnu cette maison dans laquelle tu esentré ?

– Non, dit encore Noël.

Rocambole fit appel à ses souvenirs.

– Après ça, dit-il, je crois que tu n’étais pas encore dansla bande des Valets de cœur.

– Quand ?

– Lorsque le baronnet sir Williams et moi, nous fîmes unedescente dans ce vieil hôtel.

Et Rocambole prenant Noël par le bras :

– Viens, dit-il, entrons dans ce bouchon qui est là, rue duVieux-Colombier. Nous verrons entrer et sortir les gens de cettemaison, et je te conterai une bien étrange histoire.

Noël le suivit.

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