La Résurrection de Rocambole – Tome III – Rédemption – La Vengeance de Vasilika

Chapitre 29

 

Noël et Rocambole avaient calculé – ce qui était fort simple, dureste – que la comtesse Vasilika mettrait bien une heure pour alleraux Champs-Élysées et en revenir, en admettant qu’elle revînt. Uneheure, c’était plus qu’il ne leur en fallait. Ils allèrent doncsonner à la porte de l’hôtel. Mais au premier coup de sonnette, laporte ne s’ouvrit point. Noël sonna une seconde fois ; mêmesilence. Puis une troisième. Cette fois, ce fut un guichet quis’ouvrit dans le panneau de la porte. Beruto montra son visage defouine :

– Qu’est-ce que c’est ? dit-il.

Il ne vit d’abord que la face brute et niaise du fauxLimousin.

– Ah ! c’est toi, mon garçon ? dit-il. « Queveux-tu ?

Rocambole s’était effacé derrière Noël.

– Monsieur, dit celui-ci, excusez-moi si je reviens. Maisc’est qu’il m’est arrivé un grand malheur.

– Plaît-il ?

– Votre dame m’a donné un billet de banque, n’est-cepas ?

– Oui, mon garçon.

– Eh bien ! figurez-vous que je l’ai perdu.

– Où donc cela ?

– Je crois bien que c’est dans l’escalier ou dans votrecour.

– Repasse dans une heure. Je vais le chercher, si je letrouve, je te le rendrai.

Et Beruto referma le guichet. Mais cela ne faisait pas l’affairede Noël. Il regarda Rocambole. Rocambole fronçait le sourcil etparaissait évoquer un souvenir lointain. Il entraîna Noël àquelques pas.

– Est-ce là, dit-il, l’homme qui t’a bandé lesyeux ?

– Oui, maître.

– Par conséquent, c’est le serviteur de Vasilika ?

– Naturellement.

– Un homme petit, aux épaules larges, avec des cheveuxnoirs et une barbe noire ?

– C’est bien ça.

– Je l’ai reconnu à la voix.

– Vous le connaissez ?

– Oui, dit Rocambole.

Et il prit Noël par le bras.

– Allons-nous-en ! dit-il.

– Comment ! vous renoncez à pénétrer dans lamaison ?

– Tu vois bien qu’il ne veut pas ouvrir.

– Si je sonnais encore ?

– Non, il t’a dit de revenir dans une heure.

– Je reviendrai ?

– Oui, avec moi.

Tandis que Noël et Rocambole s’éloignaient, Beruto se trouvaitderrière le guichet. L’Italien était tout pâle et le retour subitdu maçon l’avait fortement ému. Beruto était certain d’avoir vuNoël serrer le billet de banque dans un coin de son mouchoir,auquel il avait fait un nœud et qu’il avait remis dans sa poche.Pourquoi donc était-il revenu ? Beruto était hardi avec lesfaibles, mais il était lâche aussitôt qu’il flairait un ennemi. EtBeruto avait entendu parler d’un homme qui, dit-on, était terribleet qui recherchait Yvan Potenieff. Cet homme, c’était Rocambole. Lapeur s’était donc emparée de Beruto. Il s’était réfugié dans lefond de l’hôtel après quelques minutes d’hésitation et s’y étaitbarricadé. Mais sa précipitation avait été si grande, et il avaitrepoussé le guichet si vivement, que le pêne n’avait pas mordu dansla gâche et que le guichet, mal refermé, se rouvrit quand il futparti. Beruto se dit :

– Madame a un passe-partout. Je n’attends personne qu’elle.Si le maçon dont je commence à me méfier revient, il pourra biensonner jusqu’à demain.

En effet, le maçon revint, c’est-à-dire Noël, et avec NoëlRocambole. Noël allait tirer de nouveau la chaînette quicorrespondait à la sonnette. Rocambole le retint. Il venaitd’apercevoir le guichet entrouvert. Or, à quelque heure du jour quece soit, nous l’avons dit déjà, la rue Cassette est déserte commeune de ces allées dans lesquelles on ne rencontre par-ci par-làqu’un fossoyeur ou quelque parent qui vient prier sur une tombefraîche. Si MM. les voleurs ne se donnent pas le plaisir d’ycrocheter les portes en plein jour, c’est par pure délicatesse.Personne ne s’y opposerait. Rocambole poussa donc le guichet. Puisil passa son bras au travers et saisit l’espagnolette, qui servaità manœuvrer la barre de fer maîtresse qui maintenait les deuxbattants de la porte cochère. La barre tourna, les deux battants sedisjoignirent, et la porte s’ouvrit sans bruit.

– Voilà qui est beaucoup plus commode, dit Rocambole.

Et il poussa Noël, et tous deux entrèrent. La rue Cassettecontinuait à jouir du calme le plus complet. Une fois entrés, ilsrefermèrent la porte et le guichet. Beruto, qui s’était barricadédans la salle basse où Vasilika avait déjeuné avec Yvan, n’entenditrien. Mais il avait laissé ouverte la porte du vestibule.

– C’est incroyable ! dit Rocambole, comme je mereconnais. Attends !…

Et il entra. Beruto entendit seulement alors le bruit de leurspas. Il crut que c’était Vasilika qui revenait, courut à la portede la salle basse, l’ouvrit et se trouva face à face avec Noël.Noël était armé de son marteau de maçon. Beruto jeta un cri.

– Au secours ! au voleur ! dit-il.

Mais Rocambole écartant Noël le saisit à la gorge et luidit :

– Tais-toi !

En même temps, il le traîna vers la partie du vestibule qui setrouvait en pleine lumière :

– Regarde-moi bien, lui dit-il ; mereconnais-tu ?

Beruto jeta un nouveau cri.

– Cent dix-sept ! dit-il.

– Parbleu ! oui, c’est moi, dit Rocambole en lelâchant. Tu ne pouvais faire moins pour ton ancien compagnon dechaîne, au bagne de Toulon, que le reconnaître.

Et se retournant vers Noël :

– Tu ne le reconnaissais donc pas, toi ?

– Ma foi ! non, répondit Noël. Je suis même sûr de nel’avoir jamais vu.

– Oh ! c’est juste, dit Rocambole. Tu n’es venu àToulon qu’un an après que j’y suis rentré. Ce gaillard-là finissaitson temps et il était parti quand tu es arrivé.

« Nous avons été accouplés six mois. Beruto était touttremblant.

– Mon bonhomme, lui dit le maître, c’est moi qu’onnomme Rocambole.

– Vous !

– Et je te donne à choisir : ou devenir mon esclave,ou servir de fourreau à ce joli outil.

En même temps, il fit briller un poignard aux yeux deBeruto.

– Je vous obéirai, murmura l’ancien forçat.

Un coup de sonnette se fit entendre.

– Ciel ! dit l’Italien, c’est madame !

– La comtesse Vasilika ?

– Oui.

– Il faut que tu nous caches, dit vivement Rocambole.

Un trait de lumière éclaira l’esprit de Beruto.

– Tenez, dit-il, mettez-vous là.

Et il fit entrer Rocambole et Noël dans la salle basse et lesplaça l’un à côté de l’autre, sur cette portion du plancher quiétait mobile. Puis il courut au mur et pressa un ressort. Leplancher bascula et Rocambole et Noël disparurent subitement.

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