L’Espion X. 323 – Volume I – L’Homme sans visage

Chapitre 7AUPRÈS DE LA MARGELLE

 

Cependant, au bout d’un instant, pendantlequel mes yeux s’accoutumèrent à l’obscurité, il me sembladiscerner une solution de continuité dans la muraille végétale.

Un sentier, ou plus exactement une piste,véritable passée de fauves, existait.

Avant de m’y engager, je jetai un regard enarrière, et tout à coup, je me morigénai vertement.

En effet, entre l’angle de la baraque et lemur limitant la courette, perpendiculairement à la rue, je venaisde découvrir un étroit passage qu’utilisaient sans doute leshabitués du Puits du Maure, peu soucieux d’affronter les regardsd’une nombreuse assemblée.

C’était certainement par là que le comte deHolsbein, que X. 323 se glisseraient dans le petit maquismadrilène. Plus habiles que moi, ils n’éveilleraient ainsil’attention de personne.

Comme la plupart des hommes, je répugne à mecritiquer. Aussi me déclarai-je d’un ton léger :

– Bah ! cela n’a aucuneimportance.

Et pour couper court aux velléités de critiquedu Mentor intérieur qui morigène le Télémaque que je suis tropsouvent, je m’engageai bravement dans la sente.

C’est à tâtons que je poursuivis ma route, nonsans subir d’inévitables contacts épineux, qui m’avertissaient troptard d’une intense pullulation de ronces.

Et puis, de nouveau, une légère clarté diffuseme fit penser une seconde que, trompé par les ténèbres, j’étaisrevenu à la cour de la Taberna. Par bonheur, je me trompais.

Je débouchais dans une petite clairière, aucentre de laquelle une saillie de forme géométrique trouait lesol.

– La margelle du Puits du Maure, meconfiai-je avec une joie que tout reporter comprendra.

J’allais toucher ce puits, après quoi jecourais depuis le matin.

La difficulté vaincue, voilà le secret dubonheur humain.

Car, au demeurant, ce vieux puits ressemblaità tous les vieux puits quelconques. Il ne présentait rien deremarquable.

Même en me penchant sur la margelle, j’aperçusl’eau miroitante à une dizaine de mètres de moi… profondeur moyennepour les réservoirs de ce genre… Et mes yeux, qui eussent souhaitédu merveilleux, découvrirent, fichés dans la paroi intérieure, lasuccession des crampons de fer, de ce que l’on est convenud’appeler l’échelle des puisatiers, parce qu’elle sert àces ouvriers à gagner le fond, quand ils ont à procéder à uncurage, ou à une réparation.

Ce dernier détail me jeta un« froid ! » Partir pour une légende et ramper enpleine banalité, rien n’est plus déconcertant !

Si j’étais là, c’était pour l’Angleterre. Pourl’Europe aussi, naturellement ; mais je suis Anglais avantd’être Européen, n’est-ce pas ? Et ma première pensée va à machère Great Britain.

J’ai eu une si jolie et si bonne petite maman…Elle dort à présent dans la terre anglaise, et, rien que pour cela,cette terre me serait plus chère que toutes les autres.

X. 323, le comte de Holsbein, vont serencontrer ici, selon toute probabilité.

Il convient donc de me dissimuler pour éviterdes explications embarrassantes.

Une cachette alors… Où cela ?

Voici des broussailles qui feront mon affaire,à cinq ou six mètres du puits tout au plus, en bordure de lapériphérie de la clairière.

Un effort encore. Je fais corps avecla broussaille… Corpsmême un peu plus que mon épiderme nele souhaiterait. En diverses parties de mon personnage, en dépit dela protection de mes vêtements, des épines indiscrètes me causentdes chatouillements plutôt désagréables.

Je suis très mal, mais ma cachetteest sûre, de sorte qu’au point de vue de mon expédition, je suistrès bien.

Les voilà les propositions contradictoireségalement vraies.

Que dura mon attente ?

Quelles réflexions m’aidèrent à passer letemps. De cela, je n’ai point conservé la mémoire.

Je me souviens seulement qu’à un certainmoment, ayant levé la tête vers le ciel, je supposai qu’une étoilescintillant juste au-dessus de moi, pouvait peut-être, à cetteminute précise, attirer également le regard bleu de miss Niète, etque je m’absorbai dans la solution d’un problème que ni lacosmographie ni la trigonométrie n’ont jamais songé à discuter.

Je cherchai à calculer la parallaxeformée avec deux regards de tendres engagés, se rejoignantsur une même étoile.

Pénétré par l’inquiétude, et puis, latempérature assez basse refroidissant peut-être mon ardeur, j’enétais à me demander si j’agissais sagement en prolongeant mafaction, quand un froissement de feuilles me fit me renfoncer dansma cachette.

Quelqu’un venait à travers le bois.

Pas un instant, je ne doutai que ce fût l’undes deux champions du duel mondial, dont je devais êtrel’historiographe.

Mais lequel ?

X. 323 cherchant à surprendre le comte, oubien ce dernier ayant réussi à dépister X. 323.

Ma curiosité anxieuse ne devait pas être miseà une longue épreuve.

Une forme humaine parut à l’orée du sentierque j’avais suivi moi-même.

Je crois bien que je proférai un juronintérieur, que ma correction me fait réprouver en temps normal.Aussi ne vous le répéterai-je pas.

L’homme que j’avais sous les yeux était lecomte de Holsbein Litzberg !

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