XVII
Toujours ce bruit de cigales, strident,immense, éternel, qui sort nuit et jour de ces campagnesjaponaises. Il est partout et sans cesse, à n’importe quelle heurebrûlante de la journée, à n’importe quelle heure fraîche de lanuit. Au milieu de la rade, dès notre arrivée, nous l’avionsentendu qui nous venait à la fois des deux rives, des deuxmurailles de vertes montagnes. Il est obsédant, infatigable ;il est comme la manifestation, le bruit même de la vie spéciale àcette région de la terre. Il est la voix de l’été dans cesîles ; il est un chant de fête inconscient, toujours égal àlui-même, et ayant constamment l’air de s’enfler, de s’élever, dansune plus grande exaltation du bonheur de vivre.
Il est, pour moi, le bruit caractéristique dece pays, – avec le cri de cette espèce de gerfaut qui, lui aussi,avait salué notre entrée au Japon. Au-dessus des vallées et desbaies profondes, ces oiseaux planent, en poussant de temps à autreleurs trois : « Han ! han ! han ! »d’un timbre triste, comme au comble de l’étonnement pénible, de ladouleur. – Et les montagnes répètent leur cri.