XLI
3septembre.
Chrysanthème est venue aujourd’hui pour lapremière fois me voir à bord, chaperonnée par madame Prune etsuivie de ma plus jeune belle-sœur, mademoiselle La Neige. Cesdames avaient l’air très posé, très comme il faut.
Dans ma chambre, il y a un grand Bouddha surson trône, et devant lui un plateau de laque où mon matelot fidèlerassemble les menues pièces d’argent qu’il trouve errantes dans meshabits. Madame Prune, qui a l’esprit tourné au mysticisme, s’estcrue là devant un autel véritable ; le plus gravement dumonde, elle a adressé au dieu une courte prière ; puis, tirantson porte-monnaie (qui était, suivant l’usage, derrière son dos,attaché à sa ceinture bouffante avec sa blague et sa petite pipe),elle a déposé dans le plateau une pieuse offrande, en faisant larévérence.
Maintien très digne durant toute la visite.Mais au moment du départ, Chrysanthème, qui ne voulait pas s’enaller sans avoir vu Yves, l’a demandé avec une persistance déguiséetrès particulière. Et Yves, que j’ai fait venir, s’est montré biendoux pour elle, – tellement que j’en ai conçu cette fois un peu desérieux ennui ; je me suis demandé si ce dénouement assezpitoyable, vaguement redouté jusqu’ici, n’allait pas bientôt seproduire…