XXIV
4août.
La Triomphante, qui était sur rade,presque au pied des collines où ma maison est perchée, entreaujourd’hui au bassin, pour réparer ses flancs éraillés pendant lelong blocus de Formose.
Et me voici fort loin de chez moi, àprésent ; obligé de traverser en canot toute la baie pouraller retrouver Chrysanthème, car ce bassin est situé sur la riveopposée à Diou-djen-dji. Il est creusé dans une petite vallée,étroite et profonde ; toute sorte de verdures se penchentau-dessus, des bambous, des camélias, des arbres quelconques ;notre mâture, nos vergues, vues du pont, ont l’air d’êtreaccrochées dans les branches.
Cette situation d’un navire qui ne flotte plusdonne à l’équipage la facilité de sortir clandestinement àn’importe quelle heure de la nuit, et nos matelots ont lié desrelations avec toutes les petites filles des villages qui sontsuspendus dans la montagne au-dessus de nous.
Ce séjour, cette liberté trop grandem’inquiètent pour mon pauvre Yves, – auquel ce pays de plaisirtourne un peu la tête.
D’ailleurs, de plus en plus, je le croisamoureux de Chrysanthème.
C’est grand dommage vraiment que cesentiment-là ne me soit pas venu plutôt à moi, puisque j’ai tantfait que de l’épouser…