XXVI
Quand la belle nuit d’étoiles fut tout à faitvenue, retiré dans ma chambrette blanche, je restai longtemps,longtemps à ma fenêtre ouverte, accoudé sur l’appui qui était ences pierres massives des maisons de jadis.
Un peu de fraîcheur bienfaisante commençait àmonter du jardin bas et des sources, on sentait une odeur de lichenet de branches moussues qui était comme l’haleine des boisendormis ; les hiboux s’appelaient par de douces petites notesde flûte et, de temps à autre, du fond de la forêt, arrivait ensourdine le cri glapissant des renards dont la voix ressemble àcelle des chacals.
Ah ! comme je me rappelle encore cettechaude nuit où commença mon envoûtement !… La forêt, la forêt,elle était maintenant animée pour moi par une présence dont jerestais uniquement préoccupé. Tout près d’ici sans doute, à uncarrefour que l’on venait de m’indiquer, la Gitane s’endormait àcette heure, – sur la mousse, ou bien dans sa roulotte denomade ? seule, ou entre les bras fauves de quelqu’un de satribu ?…
Sur la fin de cette même nuit, un rêveenchanta mon sommeil. Je me croyais au milieu de boisinextricables, dans l’obscurité, me frayant à grand peine unpassage parmi des broussailles et des roseaux, et j’avaisconscience que des êtres imprécis suivaient la même direction quemoi à travers le fouillis des branches.
Ces compagnons de ma difficile route peu à peus’indiquèrent comme des bohémiens en fuite et bientôt je la devinaielle-même, la belle Gitane, se débattant à mes côtés contre leslianes qui de plus en plus enlaçaient nos pieds. Quand enfin nousfûmes tombés ensemble dans les joncs enchevêtrés, je la pris dansmes bras et, à son contact intime, je me sentis faiblir tout à faitpar une sorte de petite mort délicieuse…