Prime jeunesse

XLIV

Trop livré à moi-même, je ne travaillaisvraiment pas assez ; cela ne me venait que par grands à-coups,en même temps que des terreurs de manquer la Marine et de sombrerdans un lamentable avenir ; mais ces beaux zèles étaient sansdurée.

Quand le printemps arriva peu à peu, répandantsur Paris sa tiédeur et sa lumière nouvelle, un de mes camarades mepersuada d’aller passer un dimanche avec lui dans les bois desalentours. Je me méfiais de ces bois-là, et combien j’avaisraison ! Trop d’arbres du Nord, des bouleaux, des sapins quime donnaient froid à regarder. Ensuite il y manquait ce charmeintime du sol qui pour moi passe avant tout, ce charme des vieuxsols primitifs et jamais dérangés depuis que le monde est monde,comme en certains coins de la Limoise ou de Fontbruant ; il ymanquait ces petites plantes exquises qui ne se risquent à pousserqu’après des siècles de tranquillité et de silence. Sur cette terred’ici, tant de fois piétinée, retournée, dénivelée par les hommes,ne croissaient guère que ces plantes communes et de vulgaireaspect, – plantes d’avant-garde, dirai-je, – que la nature se hâted’envoyer en attendant mieux, pour tapisser coûte que coûte lesremblais qui n’ont pas de passé. Et puis, pas de vrais hameaux,mais des villas pour boutiquiers, des guinguettes ; pas depaysans non plus, mais des gens de banlieue. On ne m’y reprit pointle dimanche suivant, à cette campagne parisienne ; je luipréférais encore les Champs-Élysées ou le jardin des Tuileries.

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