Prime jeunesse

XXVII

Dès que le grand soleil matinal eut reparudans ma chambre si simple et blanche, je désirai follement larevoir, ainsi qu’il arrive toujours pour toute créature qui en rêvevous a donné une pareille illusion voluptueuse, et, ayant passé àma ceinture mon perpétuel et inutile petit revolver, je m’acheminaide bonne heure vers la forêt.

Approchant du carrefour indiqué, à l’ombred’énormes chênes verts, je ne tardai pas à apercevoir trois ouquatre roulottes dételées, et des chevaux qui paissaient l’herberase ; par terre, flambait un feu de branches mortes dont lafumée sentait le sauvage, et une vieille femme à tête de sorcièrecuisinait là quelque chose dans une marmite. Sans doute les hommesde la petite tribu étaient déjà partis en maraude, car il nerestait autour des voitures que des enfants aux longs yeux d’ombre,– comme les siens, – et elle-même, la Gitane d’hier et de cettenuit, tressait des paniers, assise avec une grâce de jeune déessesur le vieux sol charmant feutré de lichen, de mousse et degraminées fines. Alors je passai très près, trop près d’elle ;un élan m’entraînait à tout simplement lui dire : « Mevoici, tu vois, je suis venu à ton appel souverain de la nuitdernière ; tu penses bien que tout m’est égal à présent dansle monde, hormis toi… » Mais bien entendu, je m’éloignai sanslui avoir rien dit, m’étant seulement grisé de son imperceptible eténigmatique sourire, où il y avait à la fois du consentement et del’ironie.

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