Prime jeunesse

XXXIX

Dans une brasserie du quartier où mescamarades m’entraînaient cependant parfois, je rencontrai, ennovembre, une fille déjà trop mûre pour mon âge, mais encoredélicieusement jolie, qui se figura m’aimer avec tendresse pendantdeux ou trois mois. Comme élégance, elle était à peu près ce qui sefaisait de mieux au boulevard Saint-Michel. Et puis, de quel mondeétait-elle donc tombée, pour être si peu vulgaire ?

Nous nous consacrions les journées du jeudi,quelquefois même les soirées, quand je pouvais échapper àl’« Union des Poètes ». Amie de hasard, elle m’aidaittout de même un peu, ainsi que le petit cahier clandestin, à moinssouffrir de mon intime solitude ; les choses ne se gâtaiententre nous que lorsqu’elle voulait affecter des alluresmaternelles ; alors, non, cela n’allait plus ; aprèsavoir joué les amoureuses, vouloir jouer les mamans, c’était à mesyeux une révoltante profanation du rôle ; sa manie dem’interroger sur ma famille me déplaisait beaucoup aussi, et je luirépondais alors durement : « De famille, je t’ai déjà ditque je n’en ai pas ; je suis seul au monde,là ! »

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