Sherlock Holmes

SCÈNE III

LES MÊMES, MORIARTY

Moriarty est entré inopinément par laporte qui est à côté de son bureau.

MORIARTY. – Monsieur Orlebar,je prends votre affaire en mains.

Tous se retournent avec surprise.

ORLEBAR. – Mais…

BRIBB, bas. –Tais-toi… C’est le patron. Regarde Bassik… Il montre Bassik quis’incline respectueusement. Moi qui ne l’avait jamaisvu ! … En voilà une veine !

MORIARTY, d’un tonbref. – Avant tout, la première chose à faire est de vousdébarrasser immédiatement de votre maître d’hôtel… Non pas de lerenvoyer… Entendez-moi ! Articulant d’une façonsignificative. De vous débarrasser de lui… ÀBassik. Fletcher se chargera de cela aujourd’hui même, àla nuit. Donnez-lui deux hommes, pour l’aider… Monsieur Orlebarenverra son maître d’hôtel à la cave, sous un prétexte quelconque;nos trois gaillards y seront. Mouvement de Madge. Soyeztranquille, madame, il n’en résultera pour vous aucun inconvénient.Nous faisons ces choses-là en douceur, sans le moindre bruit, engens du monde… À Bassik. Séraphin est-il occupé ?

BASSIK. – Il devait partirdemain pour New-York avec le faux testament du milliardaireClipton.

MORIARTY. – Clipton va mieux;j’ai reçu tout à l’heure une dépêche me l’annonçant. Séraphin neprendra que le steamer de la semaine prochaine et il accompagneraFletcher.

BASSIK. – Bien, monsieur.

MORIARTY. – Pensons à quelquechose de plus sérieux ? Avez-vous vu ces lettres, cesphotographies, ces papiers dont vous parlez ? Connaissez-vousleur apparence extérieure, le volume qu’ils représentent ?

MADGE. – Oh ! oui,monsieur, je les ai examinés souvent ! Maniés même !

MORIARTY. – Pourriez-vous mefaire confectionner un paquet de ces différents objets, quiressemblerait exactement à celui que Sherlock Holmes a tenu dansses mains hier soir ?

MADGE. – C’estfacile !

MORIARTY. – Je vous enverraiquelqu’un pour vous aider, un gaillard fort habile, qui agirad’après vos instructions… Bassik ! Ce vieil artiste suédois.C’est l’homme qu’il nous faut.

BASSIK. – Leufner ?

MORIARTY. – Oui, envoyezLeufner chez Mme Orlebar, ce matin à onze heures avec vosinstructions. Il regarde sa montre. Il est dix heures unquart… Cela vous donne trois quarts d’heure pour rentrer chez vous…Il me faudra ce faux paquet ce soir à dix heures. Vous avez donctoute la journée pour le fabriquer à votre aise.

MADGE. – Il sera prêt,monsieur !

MORIARTY. – C’est bien…Bassik, expédiez un mot à Jarvis pour lui dire que j’aurai besoince soir à Stepney, de la Chambre du Sommeil.

BASSIK. – Celle des deux quidonne sur la rivière…

MORIARTY. – Que Fletcher soitlà-bas à sept heures un quart, avec ses hommes… Monsieur Orlebar,je désire aussi que vous écriviez à monsieur Sherlock Holmes unelettre dont on vous dictera les termes. Votre assistance me seraégalement nécessaire un instant ce soir. Se tournant versBribb. Venez me prendre ici à onze heures tous les deux.

ORLEBAR. – Tout cela est trèsbien, monsieur, mais vous ne parlez pas des conditions danslesquelles nous allons traiter. Je ne suis pas sûr que noustombions d’accord.

MORIARTY. – Moi, j’en suissûr, car vous n’avez pas le choix !

ORLEBAR, aveccolère. – Pas le choix ?

Madge se lève pour le calmer. Fittonlaisse tomber son mouchoir. Bassik s’avance prêt às’interposer.

MORIARTY,brièvement. – Non, vous ne l’avez pas. D’ailleurs, j’ail’habitude en affaire d’agir toujours selon mon bon plaisir.

ORLEBAR. – Et vous ne medemandez pas si c’est le mien.

Bassik devant la colère d’Orlebar fait unmouvement pour se mettre entre lui et Moriarty.

MORIARTY, avec unsang-froid absolu. – Je me charge de reprendre à miss Brentles lettres qui sont en sa possession, et je saurai les négocierpour une somme dix fois plus forte que celle que vous pourriez entirer… Vous aurez de plus ce soir l’occasion de vendre un bon prixSherlock Holmes le faux paquet que je vais faire confectionner.L’argent provenant de ces deux opérations sera divisé entre nous dela façon suivante. Vous prendrez tout… Je ne prendrai rien.

ORLEBAR, surpris. –Rien !

MORIARTY. – Je n’ai pasl’habitude de répéter mes phrases deux fois.

BASSIK. – Mais, monsieur,nous ne pouvons pas traiter sans savoir qui ces lettres visent.M. Orlebar ne nous en a pas encore informés.

MORIARTY. – M. Orlebar aprudemment agi en ne livrant pas tout son secret. À l’heure qu’ilest, il n’aura plus certainement les mêmes scrupules.

MADGE, allant àMoriarty. – Monsieur le professeur, nous préférerions nedonner ce renseignement qu’à vous seul…

Elle désigne Bassik. Moriarty fait unsigne à celui-ci qui se retire au fond à côté de Fitton. Moriartytend une carte et un crayon à Madge qui écrit un nom et le passe àMoriarty. Celui-ci l’examine avec surprise.

MORIARTY, surpris. –Pas possible ! Vous êtes certaine du nom que vous venezd’écrire là ?

ORLEBAR. – Absolument !…

MORIARTY. – Vous savez alorsque c’est une fortune que vous avez entre les mains ?

MADGE. – Nous nous en doutonsbien… Il n’est pas trop tôt que nous soyons un peu à notreaise.

MORIARTY. – Il estvraisemblable que si j’avais connu ce nom plus tôt, je ne vousaurais pas fait les conditions que nous venons de stipuler.

ORLEBAR. – Qu’à cela netienne… Vous pouvez revenir sur le marché !

MORIARTY. – Jamais. Ce n’estpas dans les usages de ma maison. D’ailleurs je me considèresuffisamment rémunéré si grâce à vous je puis écarterdéfinitivement de mon chemin le caillou qui me gêne. Mais voicil’heure du courrier… Monsieur Orlebar, madame je vous salue…

Il salue et met en mouvement le levier quiouvre la porte. Bassik fait signe à Fitton de reconduire lesvisiteurs. Tous les deux s’inclinent et sortent suivis par Bribb etFitton. Jeu de scène des verrous qui se ferment derrièreeux.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer