Sherlock Holmes

Sherlock Holmes

de Sir Arthur Conan Doyle

 

ACTE PREMIER

DÉCOR : Un salon dans la maison des Murray, vieille demeure triste et en mauvais état,dans un lointain quartier de Londres. Cependant, la pièce est vaste et conserve un certain aspect de grandeur. Un escalier au fond de la pièce conduit au premier étage,dont on entrevoit le palier. À droite, une porte donnant dans le vestibule. Une large fenêtre occupe la plus grande partie du côté droit.

Le mobilier, qui a été riche, est d’ancienne mode et fané; un piano. À gauche du spectateur, un meuble, genre secrétaire, ou armoire à une porte, dans le compartiment inférieur duquel se trouve un coffre-fort avec des combinaisons de lettres. Lampes allumées.

SCÈNE I

MADGE MURRAY, BENJAMIN

Mme Murray est une belle personne brune d’une trentaine d’années, au visage et aux yeux durs. Elle est habillée avec recherche.

Benjamin entre, portant un plateau sur lequel est un journal. C’est un maître d’hôtel, tenue irréprochable.

BENJAMIN. – C’est à la troisième page, madame, en haut de la deuxième colonne.

MADGE. – Merci !

BENJAMIN, pendant queMadge prend le journal. – Je demande pardon à Madame, mais lafemme de chambre voudrait lui dire quelques mots.

Madge a pris le journal et s’est assisesur un fauteuil, puis a commencé à lire.

MADGE, les yeux fixés surle journal. – Je n’ai pas le temps pour le moment.

BENJAMIN. – Bien, madame.

MADGE, sans lever lesyeux du journal. – Laquelle des deux femmes de chambreest-ce ?

BENJAMIN,s’arrêtant. – Thérèse, madame.

MADGE, paraissantsurprise. – Thérèse ?

BENJAMIN. – Oui, madame.

MADGE. – Avez-vous idée de cequ’elle veut me dire ?

BENJAMIN. – Pas du tout,madame.

MADGE. – Eh bien !qu’elle vous le communique. Je ne la verrai que quand je saurai cequ’elle désire.

BENJAMIN. – Je ferai lacommission, madame. Il sort, en fermant soigneusementla porte derrière lui.

Madge, une fois seule,examine avec attention le journal. Elle s’approche d’une deslampes pour pouvoir lire plus facilement.

Benjamin rentre doucement. Il reste unmoment à la porte et observe Madge occupée à sa lecture. Celle-cil’a terminée et se lève avec irritation. Jetant violemment sonjournal sur le piano, elle se dirige vers le meuble quicontient le coffre-fort. Après avoir ouvert la porte de bois,elle fixe ardemment les yeux sur les rouleaux des lettres,puis elle referme brusquement la porte. À ce moment,elle voit Benjamin et se calme immédiatement. Celui-ci prend lamine d’un homme qui vient seulement d’entrer dans lapièce.

BENJAMIN. – Je ne peux pasfaire entendre raison à Thérèse. Elle insiste pour parler àmadame.

MADGE. – Eh bien !qu’elle attende à demain.

BENJAMIN. – C’est ce que jelui ai dit, mais elle m’a répondu qu’elle ne sera plus icidemain.

MADGE, étonnée. –Qu’est-ce que cela signifie ?

BENJAMIN. – Je demande pardonà madame; mais il me semble qu’elle a l’air un peu étrange depuisquelque temps.

MADGE. – C’est bon !Dites-lui de venir.

Benjamin s’incline et va poursortir.

MADGE, le rappelant.– Ah ! Benjamin ! Le maître d’hôtel s’arrête.Qu’est-ce qui vous a donc fait croire en m’apportant ce journal,que je prenais un intérêt quelconque à cette annonce de mariagequ’il contient ?

BENJAMIN, avecdéférence. – J’avais entendu madame causer avec monsieur despersonnes que ce mariage concerne. C’est ce qui m’avait fait croireque cela pouvait l’intéresser.

MADGE. – Benjamin, vous êtesintelligent, et j’aime cette qualité chez mes serviteurs…Souvenez-vous cependant que s’il est bon, pour un maître d’hôtel,d’avoir de l’esprit, il peut être mauvais d’en avoir trop.

BENJAMIN. – Je me le tiendraipour dit, madame.

MADGE. – Maintenantenvoyez-moi Thérèse !

BENJAMIN. – Bien, madame.

Il sort.

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