Sherlock Holmes

SCÈNE IV

LES MÊMES, BENJAMIN

Il entre rapidement. Ses vêtements sontcouverts de charbon et déchirés en plusieurs endroits. Son désordrene doit rien avoir de comique. Il a au front, au-dessus de latempe, une blessure saignante. Holmes qui commençait à ôter sa robede chambre, en rattache la cordelière.

BENJAMIN, très maître delui, les pieds sur ta même ligne, les mains au corps, attitudemilitaire. – Rien de nouveau depuis votre départ, monsieur…sauf ce matin, un peu après neuf heures…

HOLMES, l’arrêtant.– Une minute ! Se tournant vers Thérèse et lui montrant laporte à droite. Mademoiselle, voulez-vous me faire le plaisird’entrer dans cette chambre, et de vous y reposer un instant.

THÉRÈSE, que le récit deBenjamin semble intéresser. – Mais je ne suis pasfatiguée…

HOLMES. – Alors,promenez-vous de long en large. Je viendrai vous chercher quandj’aurai besoin de vous.

THÉRÈSE. – Ah ! bien,monsieur.

Elle sort. Holmes ferme la porte derrièreelle, puis il se tourne vers Watson, et pendant tout le reste de lascène, il demeure l’oreille au guet, épiant tous les bruits quipeuvent venir du dehors.

HOLMES. – Donnez donc un coupd’œil à cette blessure, Watson.

BENJAMIN. – Ce n’est rien,monsieur.

HOLMES. – Regardez tout demême, cher ami !

WATSON, examinant lablessure de Benjamin. – Un mauvais coup… mais heureusement peudangereux.

HOLMES. – Bon ! …Alors ? Pendant que Benjamin parle, Holmes jette de tempsen temps un coup d’œil sur la porte par laquelle Thérèse estsortie, mais sans que ce jeu de scène détourne son attention durécit du maître d’hôtel.

BENJAMIN. – Orlebar et safemme sont sortis… Je les ai vus prendre une voiture presque devantla porte… Elle, est revenue deux heures après toute seule. Quelquesinstants plus tard, un vieux bonhomme avec l’accent étranger asonné et l’a demandée… Elle l’a reçu et s’est enfermée avec luidans la bibliothèque où ils se sont mis à mijoter quelque choseensemble… Je les ai observés par la fente que j’avais pratiquée àla porte… Ils étaient occupés à confectionner un paquet en touspoints semblable à la liasse de lettres qui est entre les mains demiss Brent. Il faut vous attendre, de ce côté, à quelque piège,monsieur ! … Merci, monsieur le docteur.

HOLMES. – Piège dans lequelnous essaierons de prendre ceux qui veulent nous le tendre, monbrave Forman… Et Orlebar, à quel moment est-il rentré ?

BENJAMIN. – Dansl’après-midi, vers trois heures.

HOLMES. – Semblait-il irritécontre vous ?

BENJAMIN. – Il faisait cequ’il pouvait pour ne pas en avoir l’air, mais, au fond, je suissûr qu’il l’était.

HOLMES, après une secondede réflexion. – Il a dû avoir une consultation au dehors, avecquelque conseiller… Et sa femme, quel sentiment voustémoignait-elle ?

BENJAMIN. – Maintenant quej’y songe, je me rappelle qu’en entrant elle m’a lancé un mauvaisregard.

HOLMES. – C’est qu’elle étaitprésente à la consultation… On a dû les engager à se débarrasser devous. Orlebar vous a envoyé à la cave sous un prétextequelconque ! Et vous avez été attaqué dans l’obscurité pardeux hommes, peut-être trois… Vous avez reçu sur la tête un coupd’un de ces boudins remplis de sable qui sont l’arme favorite desmalfaiteurs d’aujourd’hui… Vous avez eu la chance de trouver àvotre portée pour vous défendre un de ces morceaux de bois quiservent à mettre les tonneaux de bière sur chantiers… Mouvementd’étonnement de Benjamin. Oui, vous avez encore une échardecoin de votre ongle… Et vous êtes parvenu à vous échapper dansobscurité, en vous faufilant à travers les tas de charbon…

BENJAMIN, avecadmiration. – C’est exactement ce qui s’est passé,monsieur.

WATSON. – Quelhomme !

HOLMES,réfléchissant. – Sûrement, ils se sont adjoints unassocié… Un homme dangereux à ce que je vois… Non seulement c’estlui qui a ourdi contre vous ce petit complot, mais la confection dece second paquet dont vous me parlez est certainement due à soninspiration… Il est probable que d’ici peu de temps je recevrai uneproposition d’Orlebar pour me vendre les fameuses lettres, pas lesvraies bien entendu… Il prétendra que miss Brent a changé d’avis etse décide à les négocier. Un rendez-vous me sera offert pour encauser, dans lequel il s’efforcera de me faire payer le plus cherpossible son petit travail de faussaire… Après quoi…

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