Sherlock Holmes

SCÈNE VII

ORLEBAR, SHERLOCK HOLMES

HOLMES, il entre de sonpas ordinaire comme s’il se trouvait dans l’endroit le pluspaisible du monde. Il regarde autour de lui, et avec le petit riresec qui lui est coutumier. – C’est étrange que tous lesbandits choisissent le même endroit pour s’y livrer à leurs petitesopérations !… J’espérais pourtant, après cette longuepromenade en voiture, que vous alliez me faire voir quelque chosede nouveau !

ORLEBAR. – Vous êtes déjàvenu ici, monsieur Holmes ?…

HOLMES. – Plusieursfois !… Tenez ! À la place où vous êtes, j’ai poignardéun de vos confrères au moment où il essayait de s’évader par cettefenêtre ! … Corbett, le faussaire…

ORLEBAR. – Corbett ?…Connais pas !

HOLMES. – Tant pis, car ilest trop tard pour faire sa connaissance ! …

ORLEBAR. – Ce que vous meracontez est tout à fait intéressant, mais les temps ont changédepuis lors…

HOLMES. – De vous à moi,monsieur Orlebar, il ne court pas des bruits bien rassurants surcette demeure… On dit qu’il s’y fait parfois une vilaine besogne… Àma connaissance, plusieurs meurtres d’un caractère assez étrange yauraient été commis… Et j’ai toujours eu le soupçon… Ils’arrête et renifle doucement. Parfaitement !… Çasent le gaz ! Il va à la fenêtre et passe la main le long desrainures. Allons ! mon flair ne me trompait pas !…C’est bien ce que je pensais !

ORLEBAR. – Quoi donc ?…

HOLMES. – On a peur descourants d’air ici !

ORLEBAR. – Qu’est-ce que vousvoulez dire ?…

HOLMES. – Oh ! Rien quipuisse vous intéresser vous et moi, cher monsieur…

ORLEBAR. – Ma foi, monsieurHolmes, puisque vos remarques ne nous concernent pas, si nous nousoccupions de l’affaire qui nous réunit… Mon temps est limité.

HOLMES. – Vous avezraison !

Orlebar tire de sa poche le paquet delettres qu’il jette entre eux, sur la table. Holmes examine le sol,à la lueur de l’allumette, avec laquelle il est en train d’allumerun cigare, sans que ce mouvement soit remarqué parOrlebar.

ORLEBAR. – Eh bien !Dans ce cas, voici le paquet qui fait l’objet de notre rendez-vous…Je ne l’ai pas encore ouvert, mais miss Brent m’a dit qu’ilcontenait tout ce que vous désiriez…

HOLMES. – Dans ce cas, il estinutile de l’ouvrir.

ORLEBAR. – Pardon ! Jetiens à vous donner toute garantie !…

HOLMES. – L’affirmation demiss Brent me satisfait complètement. C’est une jeune fille à quil’on peut se fier.

ORLEBAR. – Venons-en donc aufait. Et voyons quelle somme vous êtes prêt à me donner en échangede ces papiers ?

HOLMES. – Mille livressterling.

ORLEBAR. – Oh ! … Noussommes loin du compte !

HOLMES. – Que demandez-vousdonc ?

ORLEBAR. – Cinq millelivres.

HOLMES. – Alors, vous avezraison, monsieur Orlebar, nous sommes loin du compte !

ORLEBAR. – Je regrettevivement de vous avoir occasionné ce dérangement.

HOLMES. – Ne regrettezrien !…

ORLEBAR. – Vous savez que lafamille a offert quatre mille livres rien que pour leslettres ?

HOLMES. – Pourquoin’avez-vous pas accepté ?

ORLEBAR. – Parce que je suissûr d’obtenir davantage. Vous pensez bien que ceux qui offrentquatre mille livres en donneront cinq !

HOLMES. – Vous vous trompez.Ils ne vous donneront rien du tout.

ORLEBAR. – Comment lesavez-vous ?…

HOLMES. – Parce que ceux queces documents intéressent ont remis entre mes mains le soin decette négociation.

ORLEBAR. – Voyons !Triplez votre offre et c’est fait.

HOLMES. – Monsieur Orlebar,mon temps est limité comme le vôtre… J’ai apporté sur moi la sommede mille livres qui est le maximum de ce que je peux vous offrir…Si vous êtes disposé à accepter ce chiffre, ayez la complaisance dele dire… Sinon, permettez-moi de vous souhaiter lebonsoir !

ORLEBAR, après untemps. – Eh bien, soit. Jetant le paquet sur latable. J’en passe par où vous voulez !…

Holmes se rassied et sort de sa poche unlarge portefeuille d’où il tire une forte liasse de bank-notes. Ilen extrait tranquillement dix billets de cent livres qu’il compte,et laisse le reste de la liasse sur la table en y appuyantsimplement son coude, tandis qu’il compte de nouveau les premières.Orlebar le regarde avec des yeux brillants de convoitise.

ORLEBAR. – Je croyais quevous disiez avoir apporté juste mille livres !… Je vois quevous avez un peu plus.

HOLMES. – Il faut toujoursprendre ses précautions, vous savez…

Il tend le paquet de bank-notes qu’ilvient de compter à Orlebar qui les prend, tout en continuant àavoir les yeux fixés ardemment sur la liasse restée à côté deHolmes. Celui-ci dépose sur le rebord de la table le cigare qu’ilest en train de fumer et prend le paquet de lettres qu’il met, dela main droite, dans sa poche, en même temps qu’il fait un geste dela main gauche pour atteindre les autres billets. Orlebar, d’unmouvement rapide, les saisit avant lui, et, dès qu’il les tient,fait un bond en arrière. Holmes se relève vivement.

HOLMES. – Enfin ! Jevous tiens… Et je vous ai amené au point où je voulais ! …Vous avez été, pendant des années, si avisé et si malin qu’il étaitimpossible de vous mettre la main au collet ! … Mais cettepetite défaillance d’aujourd’hui vous coûtera cher ! … Demain,vous serez emprisonné comme voleur !

ORLEBAR, ricanant.-Emprisonné ?… Et c’est vous, sans doute, qui vous chargerezde ce soin ?… Mais êtes-vous sûr de pouvoir vous en aller siaisément d’ici vous-même, monsieur Holmes ?

HOLMES. – Oui, j’en suissûr.

ORLEBAR. – Vous changerezpeut-être d’idée tout à l’heure.

HOLMES. – Aisément oumalaisément, j’en sortirai, et mon premier soin sera de vous fairearrêter.

ORLEBAR. – Me fairearrêter ? … Ah ! Ah ! … Et pour vol !… En touscas il vous faudrait un témoin de ce vol… Et vous n’en avezpas !

HOLMES. – À votre tour enêtes-vous sûr ?… Mais dites-moi donc ? … Est-il dans voshabitudes de fermer les portes de vos appartements avec un couteaucomme celui-ci ?

Il désigne du geste la porte du placard dedroite. Un léger gémissement se fait entendre de ce côté. Holmesl’écoute avec attention, puis se dirige rapidement vers la porte,arrache le couteau de la planche, et le jette sur le parquet.Orlebar suit son mouvement, et veut l’empêcher d’ouvrir.

ORLEBAR. – Éloignez-vous decette porte !

Mais Holmes a eu le temps d’ouvrir, etAlice Brent paraît.

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