Sherlock Holmes

SCÈNE V

ORLEBAR, puis ALICE

Orlebar va à la table et arrange la mèchede la lampe. Il prend deux chaises et les places de chaque côté dela table. En faisant ce dernier mouvement, il s’arrête, comme s’ilavait entendu un bruit au dehors. Mais il semble se rassurer etcontinue sa besogne. Il s’assoit sur une des chaises, enréfléchissant, tire de sa poche un cigare, et, en continuant àméditer, le tient un moment à la main sans l’allumer. Puis il vafrotter une allumette sur sa boîte… mais se ravise. À ce moment, laporte s’ouvre, Orlebar se lève, et reste stupéfait en voyant entrerAlice Brent.

ORLEBAR. – Vous ? …Qu’est-ce que vous venez faire ici ?

ALICE, sans répondre à laquestion. – C’est donc vrai ?

ORLEBAR. – Comment avez-voustrouvé le chemin de cette maison ?

ALICE. – Je vous ai suividans un cab.

ORLEBAR. – Et vous avezaverti la police peut-être ?

ALICE. – Non ! j’avaispeur de voir arriver celui que vous attendez. Je le guettais.

ORLEBAR. – Pour leprévenir ?

ALICE. – Pour leprévenir ? Oui !…

ORLEBAR. – Alors, vous avezbien fait de monter.

ALICE. – Je suis montée pouravoir la certitude de…

ORLEBAR. – De quoi ?

ALICE. – Qu’il ne va pas sepasser autre chose que ce que je sais…

ORLEBAR. – Vous savez doncqu’il va se passer quelque chose ?… Ainsi, nous continuons àavoir des espions dans la maison !

ALICE. – Je sais que votreprojet est de duper, de voler l’homme qui va venir !S’avançant vers lui. Mais je demande maintenant si vous neméditez pas autre chose ?

ORLEBAR. – Et quepourriez-vous faire, si c’était vrai, ma belle ?

ALICE. – Vous acheter !Des hommes comme vous sont toujours à vendre !

ORLEBAR. – Ça dépend du prix.Quel est le vôtre ?

ALICE. – Le paquet de lettresque vous convoitez, le vrai ! Toutes les preuves, tous lesdocuments que vous avez voulu m’arracher, je vous lesdonne !

ORLEBAR. – Vous les avez survous ?

ALICE. – Non, mais enquelques minutes, je peux me les procurer,

ORLEBAR, avec un légerdésappointement. – Ah ?… Il va à la table. Etc’est pour M. Sherlock Holmes que vous consentez à un telsacrifice. Vous le croyez donc votre ami ?

ALICE. – Je n’ai pas pensé àcela. Je ne pense qu’à le sauver, car je devine que vous avez unautre projet.

ORLEBAR, jouant lanaïveté. – Un autre projet ?… Lequel ?… Vous voyezbien que je suis seul ici… M. Sherlock Holmes et moi, nousallons tranquillement causer affaires… Quel mauvais desseinaurais-je contre lui ?

ALICE. – Où sont allés leshommes qui étaient avec vous tout à l’heure !

ORLEBAR. – Quelshommes ?

ALICE. – Trois individus demauvaise mine que j’ai vu entrer par la porte de la rue.

ORLEBAR,négligemment. – Ah ! Je sais de qui vousparlez !… ils sont montés par un autre escalier… Ce sont deslocataires qui allaient dans le bâtiment du fond de la cour…Tenez ! Vous pouvez les voir par cette fenêtre !

Elle se dirige rapidement vers la fenêtre.Elle a un mouvement d’hésitation envoyant Orlebar marcher de soncôté, mais elle le surmonte vite et jette un regard par la croisée.La saleté des carreaux l’empêche de voir au dehors.

ALICE, se retournant etmontrant la porte. – Je voudrais jeter un coup d’œil dans cecorridor, si vous le permettez…

ORLEBAR, d’un tonmenaçant. – Ah ! voilà ! c’est que… justement… je nepermets pas !

ALICE. – Vous ne comptez pasme garder ici malgré moi ?

ORLEBAR. – Non !Non ! Soyez tranquille, je ne vous garderai pas…ici !

ALICE. – Où sont ceshommes ?… car je ne crois pas à votre explication !

ORLEBAR. – Puisque vous tenezà les voir, on va vous faire ce plaisir-là. Il va à la porte etsiffle doucement.

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