Sherlock Holmes

SCÈNE VIII

LES MÊMES, ALICE BRENT, puis FLETCHER, FITTON, et JARVIS

HOLMES. – Expliquez-moi doncla présence ici de cette jeune fille !

ORLEBAR. – Puisque vousvoulez des explications, vous allez en avoir ! Il siffledans le petit sifflet d’argent qui pend à sa montre.

HOLMES, déliantrapidement Alice. – Vous n’êtes pas blessée, missBrent ?

Entrent Fletcher et Fitton. Ils s’arrêtentun moment près de la porte, surveillant Holmes.

ALICE. – Non, monsieurHolmes, rassurez-vous !… Mais prenez garde… Elle luidésigne du geste les hommes qui viennent d’entrer.

HOLMES, se tournantseulement vers eux. – Ah ! bonsoir, Fitton !…Enchanté de vous rencontrer… Vous aussi, Fletcher ! … Je voisque ce n’est pas à M. Orlebar seul que j’ai affaire !

ORLEBAR. – Vous êtes dans levrai, monsieur Holmes !

HOLMES. – Mais je devineaisément quel est le véritable chef et l’instigateur de cettepetite conspiration ! Se tournant vers Alice. J’espère quevous vous sentez un peu plus à votre aise, miss Brent, car il vanous falloir sortir d’ici.

ALICE. – Oh ! oui,oui ! Partons !

FLETCHER, qui estdescendu devant la table. – Désolé de vous retenir encore,monsieur Holmes… mais j’ai, moi aussi, une affaire dont jedésirerais causer avec vous.

Jarvis vient d’entrer à son tour, etdescend du côté droit près d’Holmes. Alice est appuyée contre latable.

HOLMES. – Je serai toujoursheureux de m’entretenir avec vous, Fletcher. Et je ne manquerai pasde venir vous voir demain matin, dans votre cellule, à la prison oùje vais vous envoyer.

FLETCHER. – Je regrette, maisil m’est impossible d’attendre jusque-là. L’affaire en questiondoit être réglée ce soir.

HOLMES. – C’est bien,Fletcher ! Réglons-la donc !

À ce moment Alice voit Jarvis qui approcheà pas de loup derrière Holmes auquel elle désigne le bandit. Holmesse retourne, mais Jarvis l’a déjà saisi par les bras. Un très courtcorps à corps à la suite duquel Holmes repousse violemment sonagresseur qui tombe. Mais il a eu le temps de saisir le revolver deHolmes dans la poche de ce dernier. Orlebar est descendu d’un pasavec les autres hommes, pour aider leur associé.

FLETCHER, à voix basse àJarvis, pendant que celui-ci se relève. – Tu as sonrevolver ?

JARVIS. – Le voici.

HOLMES, reconnaissant sonadversaire dans l’obscurité. – Mais c’est ce bon Jarvis !… Vous manquiez en effet à cette petite fête ! … Ilrepousse la lampe, prend son cigare qu’il a laissé sur la table, etse remet à fumer tranquillement. Je ne regrette qu’une chose,c’est que l’organisateur de cette agréable réunion n’ait pas jugé àpropos de l’honorer de sa présence… Mais je suis tranquille !À lui aussi, demain, au même endroit, je pourrai en faire mescompliments !

FLETCHER. – Malgré sonabsence, monsieur Holmes, il m’a justement chargé de le rappeler àvotre souvenir, en vous souhaitant toutes sortes d’agréments dansle voyage qu’il va avoir le plaisir de vous faciliter !

HOLMES, tout enfumant. – En vérité, c’est tout à fait aimable de sapart !

FLETCHER. – Pour ne rien vouscacher, monsieur Holmes, notre mission consiste à vous attachertout d’abord à cette poutre que vous voyez.

HOLMES. – Pas possible !… Eh bien, Fletcher, je n’ai pas dans l’idée que vous y parveniezaussi facilement que vous semblez le supposer.

FLETCHER. – Nous sommesquatre et vous êtes seul !… Réfléchissez que votre résistancene servira qu’à vous faire casser quelque chose !

ALICE, effrayée. –Oh ! monsieur Holmes…

ORLEBAR, durement àAlice. – Éloignez-vous de cet homme, si vous ne voulez pasêtre blessée aussi !

HOLMES, saisissant lamain d’Alice. – Miss Brent, ne bougez pas.

Alice se rapproche d’Holmes.

ORLEBAR, à Alice. –Vous ne voulez pas venir ?

ALICE. – Non !

FLETCHER. – Vous avez tort,miss ! Dans la bagarre, on ne mesure pas ses coups… Cet hommepeut être tué…

ALICE. – Eh bien ! Vousme tuerez aussi !

À ce moment, Holmes se retournebrusquement vers elle et la regarde un instant, les yeux dans lesyeux.

HOLMES, d’une voix basseet profonde, le regard de nouveau fixé sur le groupe des quatrehommes. – Vous ne pensez pas ce que vous venez de dire, missBrent !

ALICE. – Si fait ! Je lepense !

HOLMES, secouant latête. – Non, non ! Ce n’est pas possible ! À unautre moment, ailleurs qu’ici, vous ne vous risqueriez pas à lerépéter ?…

ALICE. – Je le répéteraipartout, et toujours !

FLETCHER,s’avançant. – Ainsi, vous supposez avoir raison denous ?

HOLMES. – Avec une facilitéenfantine, mon bon Fletcher ! Vraiment, messieurs, vousm’étonnez en vous croyant si sûrs de vous ! … Alors que vousn’avez même pas pris la peine de jeter un coup d’œil à cettefenêtre !… Avant d’être certains que je ne m’en servirais paspour vous échapper, il fallait d’abord remplacer les barreaux qui ymanquent.

ORLEBAR. – Qu’ils soient aucomplet ou non, je voudrais voir comment vous ferez pour sortir parlà !

HOLMES. – Il y a tant demoyens, que je n’ai que l’embarras du choix !

FLETCHER,s’avançant. – Eh bien ! Je n’ai qu’un mot à vousdire ! Faites-le vite.

HOLMES, s’avançant derrièrela table. – Mon choix est fait, Fletcher ! Et levoici !

En disant ce mot, il saisit la lourdechaise de chêne, sur laquelle il était assis, et la laisse retomberde tout son haut sur la lampe qui se brise en mille miettes.L’obscurité se fait instantanément sur toute la scène. Toutelumière doit être supprimée à la rampe, sur le théâtre, auxlustres, dans la salle. C’est la nuit complète, absolue. Seule,l’extrémité incandescente du cigare de Holmes demeure visiblederrière la table contre laquelle il s’appuie. On voit ce boutrouge virer, remuer, volter, en se dirigeant vers la fenêtre degauche.

FLETCHER, d’une voixsourde. – Attendez !… Son cigare nous le livre !

JARVIS. – Voyez sa lueurrouge !

FLETCHER. – Guidons-nous surelle.

ORLEBAR. – Attention !Il va du côté de la fenêtre !

Jarvis se dirige vivement vers la fenêtre.On entend dans l’obscurité le bruit de plusieurs carreaux qui sebrisent. Fletcher et Fitton pousseur un cri de rage.

ORLEBAR. – Ne le laissez pasfiler ! Chacun parlant en même temps. Sautez-luidessus ! … Dépêchez-vous donc !

Ils se dirigent tous du côté de la fenêtreoù sont immobilisés Sherlock Holmes et son cigare.

FLETCHER. – Où as-tu mis talampe, Fitton ? … Ta lampe de sûreté ?

JARVIS. – Dans la caissecontre le mur…

FITTON. – Attends ! Jevais la prendre.

Fitton se dirige vers la caisse derrièrelaquelle est cachée la lampe de sûreté, la renverse d’un coup depied, et, la lampe en main, revient vivement retrouver sescompagnons groupés autour de la fenêtre. Lumière à la rampe. Holmeset Alice Brent sont à la porte du fond qu’ils ont ouverte, Aliceest déjà dans le corridor et Sherlock Holmes à côté d’elle, la maindroite sur la porte.

HOLMES, désignant lafenêtre. – Vous trouverez mon cigare dans une des fentes decette fenêtre… Messieurs, je vous souhaite le bonsoir !

En effet, le cigare, dont la pointe rougecontinue à briller, est fiché dans une des crevasses de la fenêtre.Les quatre hommes se précipitent du côté de Sherlock Holmes enjurant. Celui-ci sort rapidement et ferme la porte derrière lui. Onentend le bruit des verrous et des barres de sûreté qui sereferment vivement, comme dans la scène où Fletcher les a faitmanœuvrer devant Moriarty. Fletcher, Jarvis et Fitton se ruent surla porte, et font de vains efforts pour l’ouvrir.

ORLEBAR, le poing tenduavec un cri de rage. – Il nous échappe !

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