Sherlock Holmes

SCÈNE VIII

SHERLOCK HOLMES, MORIARTY

Moriarty entre par la porte del’antichambre. Il marche d’un pas résolu, mais s’arrête sur leseuil, les yeux fixés sur Holmes. Il tient sa main droite derrièreson dos. Au moment où Moriarty fait un pas en avant, la main deHolmes se crispe involontairement dans la poche de sa robe dechambre.

MORIARTY, aveccalme. – C’est une dangereuse habitude de garder des armes àfeu dans la poche de sa robe de chambre.

HOLMES. – Dans trois minutes,on vous transportera à l’hôpital si vous continuez à garder votremain derrière le dos. Laissez votre revolver où il est, vousentendez.

MORIARTY. – Soit ! Jedésarme, mais c’est à la condition que vous m’imiterez. Lesdeux hommes très lentement remettent dans leurs poches lesrevolvers qu’ils en avaient brusquement tirés.

HOLMES. – Voilà ! … Ilfaut savoir faire des concessions aux gens qu’on reçoit.

MORIARTY. – Vous ne meconnaissez évidemment pas, monsieur Holmes ?

HOLMES, retirant sa pipede sa bouche et laissant échapper une bouffée de fumée. – Jevous demande pardon ! J’ai ce plaisir. Je dirais même quedepuis un instant, je vous attendais. Veuillez prendre une chaise,monsieur Moriarty… Si vous avez, comme il me semble, quelquecommunication à me faire, j’ai cinq minutes à vous accorder.

Un temps. Moriarty fait un mouvement avecsa main droite comme pour prendre quelque chose dans son pardessus,Il s’arrête brusquement en voyant Holmes l’ajuster avec sonrevolver, et sa main reste dans la position exacte où elle s’estarrêtée.

HOLMES. – Pardon ! Maispuis-je vous demander ce que vous alliez faire ?

MORIARTY. – Regarder l’heureà ma montre, puisque votre temps est si mesuré.

HOLMES. – Ne prenez pas cettepeine. Je vous dirai quand les cinq minutes seront écoulées.

Moriarty s’avance lentement jusqu’audossier de la chaise que lui a désigné Holmes, sur lequel ilcontinue à avoir les yeux fixés. Il ôte son chapeau et s’inclinedoucement pour le poser sur un tabouret. Holmes replace sonrevolver sur la table. Mais, à ce moment, Moriarty lève à nouveausa main droite. Holmes reprend tranquillement son revolver, prêt àtout événement. Moriarty en voyant le geste de son adversaire portela main à sa gorge. Il ôte un cache-nez de laine qui lui entoure lecou et le met dans son chapeau. Pendant ce temps, simultanément,Holmes regagne l’autre côté de la table qui se trouve ainsi entredeux, et pose son revolver sur cette table.

MORIARTY. – Vous devezprobablement avoir réfléchi à ce que je viens vous dire.

HOLMES. – Et vous avez sansdoute réfléchi à ce que je vais vous répondre.

MORIARTY. – M’est-il permisde vous demander, monsieur Sherlock Holmes, s’il entre dans vosintentions de continuer à vous occuper de moi encorelongtemps ?

HOLMES. – Mais jusqu’à ce queje sois arrivé au but que je poursuis, monsieur Moriarty.

MORIARTY. – Je regrette cettedétermination, et moins pour moi, laissez-moi vous le dire, quepour vous.

HOLMES. – Je partage vosregrets, professeur, mais à votre endroit seulement, et à cause dela position fâcheuse dans laquelle vous allez prochainement voustrouver.

MORIARTY. – Puis-je vousdemander à quelle position vous faites allusion ?

HOLMES. – Mais à cellequ’occupe généralement cinq ou six pieds du sol, au bout d’unecorde, l’homme que la loi condamne à être pendu !

Moriarty fait un pas vers Holmes. Ils’arrête immédiatement envoyant la main de celui-ci se poser surson revolver.

MORIARTY. – Et vous vousfigurez que je vous laisserai le loisir de contempler ceréjouissant spectacle ?

HOLMES. – Ceci me préoccupefort peu pourvu que le spectacle ait lieu…

À cette réponse, Moriarty fait unmouvement brusque. Holmes saisit son arme et le met en joue.Moriarty est maintenant tout près de la table qui, seule, le sépared’Holmes.

MORIARTY, aveccolère. – Savez-vous que vous avez une belle audace de mefaire en face un pareil aveu ? Mais cette audace vient devotre ignorance !… Avez-vous l’illusion de croire que jeserais ici si je n avais pris toutes mes mesures pour garantir masûreté…

HOLMES. – Non, professeur… Jene vous méconnais pas au point de vous supposer un tel courage.

MORIARTY. – Vous savez,n’est-ce pas, que votre ami le docteur et votre fidèle Benjamin neseront pas de retour avant quelque temps ?

HOLMES. – Je m’en doute.

MORIARTY. – Puisque leurabsence prolonge notre tête à tête, nous allons pouvoir traiter denos affaires en toute tranquillité, sans crainte d’êtredérangés !… Et d’abord, je désirerais appeler votre attentionsur quelques remarques que j’ai notées sur ce carnet… Il porterapidement la main à sa poche de côté.

HOLMES. – Bas lesmains ! Moriarty arrête brusquement son mouvement.Bas les mains, je vous dis !… Je vous dispense de me montrerle carnet auquel vous faites allusion !

Moriarty laisse retomber sa main sur songenou.

MORIARTY. – C’est dans le butde…

HOLMES. – C’est un but qui nem’intéresse pas.

MORIARTY, faisant unenouvelle tentative pour lever les mains. – Mais je voudraisvous montrer…

HOLMES. – Et moi je ne veuxpas voir ! Je vous répète que ce carnet m’est indifférent.Cependant… Il appuie de la main gauche sur la sonnetteélectrique en tenant toujours son revolver de la main droite.Je vais vous prouver encore mon souci d’être agréable à meshôtes…

Un silence.

MORIARTY. – Il me semble quevotre domestique ne répond pas vite à votre sonnette.

HOLMES. – Tranquillisez-vous,il finira bien par répondre.

MORIARTY. – Peut-êtretardera-t-il plus que vous ne le supposez. Moriarty a reprisson foulard qu’il remet à son cou essayant encore à l’abri de cemouvement, de porter la main droite à sa poche. Un geste de Holmesarmé de son revolver l’arrête.

HOLMES. – Je vais sonnerencore une fois. Il sonne.

MORIARTY,froidement. – Je crois être à peu près certain qu’il neviendra pas…

HOLMES, avecindignation. – Vous vous seriez attaqué à cetenfant ?

MORIARTY. – Quellesupposition ! … Mais il est peut-être retenu malgré nous…

HOLMES. – Cela peut en effetarriver à tout le monde… Qui sait si demain, monsieur Moriarty, lemême désagrément ne vous arrivera pas.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer