Cousin de Lavarède !

Chapitre 15L’AUSTRALIE OCCIDENTALE

– James Parker, squatter andsurveyor du district de Youle ; c’est moi-même.

– De plus, mon geôlier ?

– Oh non, Monseigneur, pas geôlier ;seulement administrateur des plaisirs de Votre Altesse.

– Et vous me conduisez à Youle ?

– Dans la province dont je suis lepremier magistrat, le surveyor. Pays superbe, bordant legrand désert de Victoria, mais assez fertile encore, abrité qu’ilest des vents du nord par le mont Youle. Vous vous y plairez, ets’il vous convient de vous intéresser à mon élevage de bestiaux,cela en vaut la peine… Je suis certainement le plus riche squatterde l’ouest Australien.

– Éloigné de la côte votredistrict ?

– À peine 450 milles. J’ai franchi ladistance en dix jours, au reçu du télégramme qui m’invitait à venirvous chercher à l’embouchure de la rivière Gardner. Il faudra noushâter au retour, car les pluies ont commencé, et nous allons entrerdans la période des inondations. Vous ne savez ce que c’est. – Desmilliers de lieues carrées transformées en lac, d’où émergentseulement les collines et la cime des forêts. C’estmerveilleusement beau à la fin de mars. Puis mai et juin arrivent,les eaux s’écoulent ou s’évaporent ; des végétationsluxuriantes, pâturages, arbres, taillis, couvent la terre jusqu’enaoût. Alors la sécheresse se fait sentir, les feuilles tombent, lesherbages s’appauvrissent, et la contrée devient un désert assezsemblable au Sahara africain. Ici, chaque saison a un aspect siparticulier que l’on se croirait transporté dans des régionsdifférentes, Ah ! Altesse ! vous l’aimerez notreWestland, vous l’aimerez.

Ces répliques étaient échangées entre RobertLavarède et James Parker, premier magistrat du district de Youle,situé dans l’État de Victoria (ouest-australien). Tous deux àcheval, suivis à peu de distance par Astéras, Lotia, Radjpoor,Maïva et Niari qu’escortait un groupe de cavaliers armés, ilsremontaient la rive gauche de la rivière Gardner, qui va se jeter àla mer sur la côte occidentale de la grande île océanienne, par 30degrés de latitude et 113° 23’de longitude.

C’est en cet endroit, qu’après avoir traverséla mer Rouge et l’océan Indien, le Rob-Roy, croiseur dedeuxième classe de la marine britannique, avait remis sesprisonniers au digne squatter Parker.

Celui-ci, gros, large d’épaules, la figurecolorée, était le type accompli de ces Australiens pour lesquelsl’Australie seule existe. Content de lui, gentleman-farmer etfonctionnaire, réunissant dans ses mains épaisses et larges lafortune et l’autorité, le nouveau geôlier de Lavarède bavardaitvolontiers, à la condition toutefois de faire les demandes et lesréponses, car la moindre interruption lui apparaissait comme uneatteinte à sa dignité.

Toutefois, Robert lui ayant été annoncé commeun prince illustre, dernier survivant de l’antique race des roisd’Égypte, le squatter était flatté, lui qui descendait probablementd’un convict – forçat – colon primitif de la vastepossession anglaise, il était flatté, disons-nous, de voyager avecun grand personnage. Il en témoignait par une condescendanceparticulière, permettant à son compagnon de placer de temps à autreune courte phrase. Jamais de mémoire d’homme, il n’avait laissépersonne parler autant.

Donc Lavarède et sa suite – amis et ennemis –avaient passé des flancs du Rob-Roy sur la terreaustralienne, troqué leurs gardiens de la marine anglaise contredes employés de James Parker, qui les occupait tantôt à garder sestroupeaux, tantôt à assurer l’ordre dans le district. À la foisbouviers et gendarmes, ces gaillards étaient robustes, bien armés,bons tireurs et cavaliers à rendre des points aux Gauchos del’Amérique méridionale.

Comme on l’a vu par la conversation quiprécède, M. Parker avait pris livraison du Thanis malgré lui,à l’endroit où la rivière Gardner se perd dans l’Océan, et suivantla rive gauche du cours d’eau, il se dirigeait vers l’est.

Depuis deux jours déjà durait le voyage. Larivière devenait de plus en plus étroite. Au sol bas et plat de lacôte, avait succédé une région légèrement montueuse, dont lesroches de quartzite, de gneiss, de schistes argileux, affleuraientla surface et s’effritaient en fine poussière sous le sabot deschevaux.

À l’horizon, noyé dans la brume, un massif demontagnes apparaissait.

– Les collines Marshall, avait répondu lesurveyor à une question de Robert. Pas bien hautes, 6 à 700 mètres,pas davantage ; mais cela suffit pour former un rebord qui, entemps d’inondation, transforme le pays situé sur l’autre versant enune immense cuvette, où les eaux s’accumulent, roulent en toussens, impuissantes qu’elles sont à se frayer un chemin vers la mer.Nous y serons demain soir, avait-il ajouté, et nous devrons poussernos montures ensuite, car des nuages commencent à se montrer auciel. Il y a dix mois que nous n’en avions vu, Monsieur ; dixmois, hein ! cela enfonce les plus beaux ciels du monde.

– Mais en quoi ces nuages nousobligent-ils à nous hâter ?

– En quoi, vous le demandez ? Il estvrai que, n’étant pas du pays, vous êtes excusable. Eh bien donc,ces nuées annoncent que la saison des pluies est proche. Dansquelques jours, – combien ? on ne sait jamais – les cataractescélestes fondront sur la terre, et il sera bon de ne pas sepromener en plaine.

– Si je comprends bien… la pluie tombe àce point qu’elle est dangereuse pour le voyageur ?

– Dangereuse, dites mortelle, Monsieur.Du jour au lendemain, des fleuves naissent, débordent, couvrent laplaine de dix pieds d’eau. Vous pensez bien que l’Australie nerenfermant pas de hautes montagnes, il n’y a point deglaciers ; partant la plupart de nos rivières coulentseulement pendant la saison humide, mais à ce moment-là, elles serattrapent, elles s’en donnent pour toute l’année.

Et dans sa mémoire, prodigieusement bourrée desouvenirs locaux, le squatter puisait des anecdotes, racontait lesépisodes des explorations entreprises par Forrest, Giles, Brown,Warburton, Gosse, Stuart, Bucke, MacKinley, à travers le continentaustralien, qui atteint la dimension des quatre cinquièmes del’Europe, et est certainement le coin du monde le moins connu, denos jours, en dépit des travaux des hardis pionniers dont il citaitles noms.

Au soir, on reçut l’hospitalité dans uneferme, hospitalité primitive comme les gens qui habitaient en cetendroit. Lavarède, fatigué, avait pu se procurer de la paille ets’était confectionné, sous un hangar, une couche moelleuse surlaquelle il dormait à poings fermés.

Alors le fermier, sa femme, leurs quatorzeenfants, auxquels le vaniteux Parker n’avait pu se tenir de confierle titre attribué au jeune homme, vinrent le voir dormir. Puis,pénétrés de respect pour eux-mêmes, depuis que leur toit abritaitun si grand personnage, ils firent part de l’honneur inespéré dontils jouissaient à leurs serviteurs.

Ceux-ci, à leur tour, voulurent considérerl’auguste physionomie du fils de rois dont la race remontait àplusieurs milliers d’années ; Européens, indigènes noirs à latignasse crépue, au front fuyant, à la bouche énorme se pressèrentdevant le hangar. De la différence de leurs idiomes naquit la plusréjouissante des confusions, et par la suite, un noir Zaké,originaire d’une tribu de l’intérieur, affirma avoir vu un hommeblanc qui avait atteint l’âge respectable de 6,000 ans. Sur quoi,les sorciers de sa tribu s’empressèrent d’expliquer que cet hommeavait dû recourir à un philtre ; ils retrouvèrent le secret dela préparation merveilleuse et en vendirent avec la même impudeurque nos marchands d’eau à faire repousser les cheveux sur lescrânes chauves, démontrant ainsi que, sous tous les climats, sousles épidermes les plus différemment colorés, se cache toujours lemême homme avide, prompt au mensonge et à l’exploitation de sessemblables.

Bien entendu, le Français ne se douta de rien.Au jour, il se leva frais et dispos, et profita de la paresse deses gardiens pour échanger quelques paroles avec Astéras ; –satisfaction qui lui était refusée le reste du jour, car Sir JamesParker, en homme de bonne compagnie qu’il se piquait d’être,pensait que lui seul était digne de converser avec le princeThanis, dont il éloignait sévèrement les autres voyageurs.

C’est ainsi que l’ancien caissier apprit queMaïva commençait l’étude des consonnes. Ses progrès étaient plusrapides maintenant, et l’astronome croyait pouvoir affirmerqu’avant deux mois elle serait en état de parler. L’espérance deson ami faisait plaisir à Robert. Lui, qui au fond de lui-même,songeait constamment à l’inflexible Lotia, il lui était doux derecevoir les confidences du savant, qui, pour rendre la voix à unepetite muette aux grands yeux noirs, oubliait l’astronomie.

Sir Parker mit fin au tête à tête des deuxFrançais. Il s’excusa, avec les grâces d’un éléphant joueur deflûte, d’avoir prolongé son sommeil plus longtemps que Son Altesse,avala un grand verre d’eau-de-vie obtenue par la macération du boisde l’eucalyptus à manne sucrée, et se déclara prêt à se mettre enroute, « aux ordres de monseigneur Thanis ».

Maudissant in petto l’importun,Robert donna le signal du départ. On prit congé des fermiers, et autrot allongé des chevaux la troupe s’éloigna.

Vers midi, on atteignit le lac de Caw-Cowing,dont on suivit la rive pendant quelques kilomètres, puis à traversune forêt de red cedars – cèdres rouges – de Tristanias,de Mellas Azédarack, dans le tronc desquels les indigènes creusentleurs canots, on gravit les pentes insensibles des montsMarshall.

Au soir, on campa sur le sommet de la chaîne,au milieu d’un plateau couvert d’une herbe rare, dure, à l’odeurâcre que les chevaux refusèrent de brouter.

– C’est l’herbe du porc-épic,expliqua Sir James Parker, ainsi nommée parce que les troupeaux larefusent. Par opposition, les pâturages des vallées sont désignéssous l’appellation d’herbe du kangourou. Un conseilmaintenant, dormons et partons de grand matin. Il importe de faireles étapes doubles, car le ciel devient de plus en plusmenaçant.

L’ancien caissier leva le nez en l’air. Desnuages peu nombreux encore, ainsi que des flocons de légèresfumées, glissaient lentement, poussés par un faible vent d’ouest.Certes, ces buées ne semblaient point annoncer une tempêteprochaine.

– Que craignez-vous donc, questionna-t-ilen abaissant son regard sur l’Australien ?

– The cataract, répondit cedernier, employant le mot local qui désigne les grandes pluies.

– Ces petites nuées-là, allonsdonc !

– C’est comme je vous le dis,Monseigneur. L’Australie est un pays qui ne ressemble à aucunautre ; sa faune, sa flore ne se retrouvent nulle partailleurs, et sa climatologie est tout aussi étrange. Vous croyezces nuages sans importance. Eh bien, si une seule goutte d’eau s’enéchappe, vous changerez d’avis. À peine la pluie a-t-elle humectéla terre, que les nuées s’accumulent, deviennent noires, opaques,interceptant presque la clarté du jour, et l’averse diluviennecommence. Puissions-nous être à mon exploitation de Youle avant cemoment !

Le ton dont le surveyor prononça cesparoles impressionna Lavarède.

Il comprenait qu’il se trouvait en face d’unpéril inconnu. Aussi, se conformant aux instructions de son guide,se glissa-t-il, aussitôt après avoir soupé, sous la tente de feutredressée pour lui. Dès l’aube, il fut debout. Déjà Parker faisaitseller les montures, tout en examinant la voûte céleste d’un airsoucieux.

– Vous êtes inquiet, interrogea le jeunehomme ?

Le squatter hocha la tête :

– Oui et non. Pourtant, il me semble queles vapeurs ont bien augmenté cette nuit.

C’était vrai. De lourds cumulus erraient enmasses compactes dans l’atmosphère, et les rayons du soleil n’enperçaient qu’avec peine l’écran mobile.

– Hâtons-nous ! Hâtons-nous, fit SirJames en se mettant en selle.

Bientôt on dévala les rampes du mont Marshall.En avant, on apercevait une plaine basse, unie, couverte d’herbes.De loin en loin, des bouquets de bluegum, gommiers au feuillagevert-bleu, et, partageant l’immense prairie, une ligne deXanthonéa, dont les longues feuilles étroites retombaient ainsi queles rameaux de saules pleureurs, se continuait jusque par delàl’horizon. Des manguiers se distinguaient en taches plus sombresdans ces verdures tendres.

Parker montra les arbres à soncompagnon :

– Ils indiquent le lit desséché de larivière Seabrook. Absorbée par la terre pendant la saison sèche,cette rivière coule sous le sol, et fournit ainsi aux plantesl’humidité dont elles ont besoin.

Longeant la barrière verdoyante, la caravanes’engagea dans la plaine. Fréquemment le squatter regardait leciel, mais maintenant les nuages semblaient demeurer stationnaires,et Sir James, après chaque observation, éperonnait son cheval enmurmurant :

– Oui, nous arriverons peut-être.

On passa la nuit près du lac Seabrook,profonde dépression alimentée par la rivière du même nom.

À l’aube, un brouillard épais environnait lecampement.

– Mauvais signe, déclara lesurveyor tout en activant la levée du camp. Talonnant samonture, il prit la tête de la caravane, et forçant le train,entraîna les voyageurs et l’escorte à travers la prairie.

Peu à peu, la brume se dissipait, mais quandelle se fut résolue en impalpables vapeurs, les cavaliersconstatèrent que le ciel était couvert de nuages. Plus un coin debleu, plus un interstice par où pût filtrer un rayon de soleil.Partout, à perte de vue, le dôme du firmament était uniformémentgris.

Les chevaux avançaient avec peine. Auxherbages avait succédé un terrain rocailleux portant des buissonsépineux, des gommiers rabougris. C’était « le bush »,ainsi que le dénomment les Anglais.

Soudain, sans que rien fît prévoir sa venue,une rafale passa, soulevant une nuée de poussière. Les coursierseurent un hennissement d’effroi ; le squatter, tout pâle, sedressa sur ses étriers, et désignant des hauteurs qui seprofilaient à la gauche du chemin parcouru par lacaravane :

– Au galop, vers le mont Jackson.

Les hommes de l’escorte répétèrent :

– Au galop !

On eût cru que les animaux eux-mêmes avaientcompris l’ordre du chef. Tous bondirent en avant dans un élanaffolé. Alors commença une course échevelée, incompréhensible pourles Européens. Leurs montures emportées dans un galop furieux,franchissaient les buissons, les crevasses, les blocs de rochers.Un instinct mystérieux les avertissait du danger imminent, et lesflancs battant sous leur respiration précipitée, la sueurruisselant écumeuse sur leurs croupes, elles allaient toujours.

De nouvelles rafales s’élevèrent, plusrapprochées, plus brutales encore. La poudre soulevée ne retombaitplus. Elle flottait dans l’air, remplissant les yeux, les narinesdes voyageurs, apportant jusqu’au fond des poumons, une sensationde gêne et de brûlure.

Dans ce brouillard, on apercevait sur lesflancs de la colonne, des silhouettes étranges, sautant, courant àqui mieux mieux vers le mont Jackson. Kangourous, sarigues,wallabis, opossums, emeus ou casoars, terrifiés par l’approche dela tempête, gagnaient la colline ainsi que les membres de lacaravane.

On en était à 400 mètres, quand des gouttes depluie, larges, espacées, fouettèrent le sol.

– En avant ! rugit une dernière foissir Parker.

Si terrifiante était son intonation, que sansréfléchir, tous enfoncèrent leurs éperons dans le flanc de leurschevaux. Les braves animaux hennirent de douleur, et redoublantd’efforts, atteignirent le premier gradin de l’éminence, au momentoù, ainsi que d’une digue effondrée, une pluie torrentielle,invraisemblable, auprès de laquelle nos averses les plus abondantesne sont que faible rosée, s’abattait sur la campagne.

En dix secondes, tous furent trempés.Ruisselants, aveuglés par cette trombe d’eau, ils se laissaientguider par leurs montures qui, haletantes, les naseaux fumants,galopaient, malgré la pente rapide, dans les traces du cheval dusquatter.

Presque au sommet de l’éminence, une grottes’ouvrait. Parker sauta à terre, et conduisant son cheval par labride, il pénétra dans l’excavation. Tous l’imitèrent en hâte,n’ayant qu’une pensée : se soustraire à la douche glacée quitombait du ciel. Après avoir parcouru un couloir sombre, ils setrouvèrent dans une vaste caverne circulaire, dont la voûte, percéede crevasses, laissait filtrer la lumière… et aussi la pluie ;car sous les ouvertures des flaques boueuses se marquaientdéjà.

Tel quel, l’abri n’était pas à dédaigner. Leschevaux furent entravés dans un coin, et à l’autre extrémité de lagrotte, les hommes du surveyor allumèrent, non sans peine,un feu autour duquel tous les voyageurs se groupèrent pour seréchauffer.

Un vacarme épouvantable se faisait entendre àl’entrée :

– Qu’est-ce là, demanda Robert ?

– Ça, fit en riant sir Parker, c’estnotre garde-manger.

Et comme le jeune homme le considérait avecsurprise, ne saisissant pas le sens de ses paroles.

– Je veux dire que les animaux de laplaine ont fui, comme nous, vers le mont Jackson. Vous avez dû lesapercevoir en route ?

– En effet.

– Notre présence les gêne. N’osantenvahir la caverne, ils se sont entassés dans le couloir qui ydonne accès.

– Mais pourquoi les désigniez-vous tout àl’heure sous cette appellation le« garde-manger » ?

– Vous ne devinez pas ?

– Ma foi non.

– C’est pourtant clair. L’inondation vanous bloquer ici, jusqu’au moment où l’on enverra de ma fermed’Youle des embarcations à notre recherche.

– Eh bien ?

– Eh bien, nous n’avons pas deprovisions.

– Je comprends. Ces animaux serviront ànotre nourriture.

– Tout simplement. Dans les intervallesdes averses, ils se répandront sur les pentes de la hauteur, pourbrouter, se sustenter. L’inondation les empêchera de s’éloigner, etnous les retrouverons toujours.

– Mais la plaine ne va pas être inondéesi vite que cela ?

– Elle l’est déjà !

– Déjà ? Il pleut depuis deux heuresà peine.

– C’est suffisant. Au reste, venez vousen rendre compte, Monseigneur.

Le squatter entraîna Robert vers l’entrée dela caverne. Passant au milieu des animaux sauvages, tellementbouleversés par le déchaînement de la tempête qu’ils ne songeaientpas à s’effrayer du voisinage de l’homme, tous deux parvinrent àl’ouverture.

La pluie effrayante, torrentielle, éclairéepar les zig-zags flamboyants des éclairs, limitait la vue àquelques pas.

– Impossible d’apercevoir la campagne,murmura Lavarède.

– Attendez un instant.

Sir James avait à peine achevé sa phrase,qu’un coup de vent formidable s’abattit sur la montagne, avec leretentissement d’une explosion d’artillerie.

Sous l’irrésistible poussée des couchesatmosphériques, la pluie fut comme volatilisée. Au loin, la plaineapparut. Mais l’eau déjà avait recouvert les herbes et lesbuissons. C’était un lac désormais d’où le mont Jackson émergeaitainsi qu’un îlot.

Le vent cessa de souffler, l’averse repritviolente, voilant de nouveau l’horizon. Le Français demeurait à lamême place, anéanti devant cette nature australienne, soudaine,excessive, antithèse de celle de l’ancien monde.

Soudain il prêta l’oreille. À travers lefracas de la tourmente, le grondement de la chute de l’eau, il luiavait semblé entendre comme un aboiement. Il se retourna vers songuide pour l’interroger. Il le vit soucieux, les sourcils froncés.Il fut frappé également de l’agitation des animaux groupés derrièrelui. Tous frissonnaient, cherchant à se glisser aux derniersrangs.

De nouveau, l’aboi retentit plusrapproché.

– Les dingos, gronda sir JamesParker.

– Les dingos… Qu’est-ce encore ?

– Des chiens sauvages, nombreux, féroces,coureurs infatigables, nageurs intrépides. Leur instinct lesconduit vers notre asile.

– Eh bien, on les recevra.

– Soyez-en sûr ; mais avec cesanimaux-là, on n’est jamais certain du lendemain, et je ne vouscache pas que j’aimerais mieux avoir affaire à une tribud’Australiens indigènes qu’à ces loups du bush.

– Ils sont donc terribles ?

– Vous ne le verrez que trop tôt,Monseigneur. En attendant, il faut nous préparer à soutenir un rudeassaut.

Et laissant son compagnon, le squatter rentradans la caverne, en criant à pleins poumons :

– Alerte, les dingos !

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