Cousin de Lavarède !

Chapitre 3UN RÉVEIL BIZARRE

Par le hublot d’une cabine, le soleil matinalentrait en gerbe d’or animée par la farandole des poussièresdansantes. L’ombre, un instant plus tôt maîtresse de l’étroitespace, s’évanouissait comme à regret, refoulée dans les angles parla lumière victorieuse. Sur des couchettes superposées, deux hommesdormaient. Celui d’en bas fit entendre un bâillement sonore ;celui d’en haut allongea un bras hésitant. Le premier se livra àson tour à ce mouvement naturel chez quiconque passe du sommeil àla veille ; leurs mains se rencontrèrent au bord de laplanchette séparative, plafond de l’un, plancher de l’autre.

Ce simple contact parut les galvaniser.

Tous deux se dressèrent sur leur séant ;ils eurent un même cri empreint d’inquiétude :

– Qu’est-ce que c’est que ça ?

Avec un touchant ensemble, encore qu’ils nepussent s’apercevoir, ils regardèrent autour d’eux :

– Ah ça ! murmura l’occupant de lacouchette inférieure, j’ai la berlue.

– Et moi le cauchemar, repartit aussitôtle personnage assis à l’étage supérieur.

– Cette voix, clama le premier. Astéras,est-ce toi ?

– C’est moi-même. Mais il me semblereconnaître l’organe de Robert Lavarède.

– En personne !

Ce disant, le jeune homme se leva. Lemouvement terminé, sa tête dépassa la cloison qui isolait lescouchettes, et il se trouva nez à nez avec le calculateur.

– Que fais-tu là-haut ?interrogea-t-il ?

– Je n’en sais rien, ma parole !

Un geste brusque de Robert lui coupa la voix.Le caissier de la maison Brice et Molbec se cramponnait à lacouchette comme un homme qui craint de tomber.

– Qu’est-ce, hasarda Ulysse ?

– Eh ! c’est le plancher quivacille.

– Le plancher ?

– On dirait le roulis. Sapristi, noussommes sur un navire !

– Sur un navire ? Rue de Lalande,cela ne se serait jamais vu !

– Et pourtant cette pièce ressemble à unecabine… Cette ouverture, qui livre passage au jour, est un hublot,ou bien je suis halluciné. Astéras, je t’en prie, quevois-tu ? Parle ; ne te semble-t-il pas que ceci est unvaisseau ?

Lentement le calculateur quitta sacouchette.

– Je ne saurais te renseigner.L’Observatoire et la marine n’ont rien de commun.

– Peu importe, tu sais comment estaménagé un steamer ?

– Pas du tout. À quoi cela meservirait-il pour étudier les étoiles ?

Robert haussa les épaules, et s’appuyant à lacloison gagna le hublot. Mais à peine eut-il jeté un regard audehors qu’il poussa un véritable rugissement :

– La mer !

– Où cela, bégaya l’astronome en selevant ?

– Partout. Je ne vois que l’étendueliquide. Pas une terre, pas un rocher.

À son tour, Astéras prit place auhublot :

– C’est vrai, fit-il. C’est bien l’Océan– et d’un ton inspiré : – Puissance insondable de lanature ! À l’endroit où s’élevait Paris, avec ses monumentsorgueilleux, son peuple spirituel, les vagues s’entrechoquent, etle ventre des Léviathans frôle les ruines de la ville qui fut leflambeau du monde !

– Sapristi ! grommela Lavarède,qu’est-ce que tu chantes là ?

– Le chant de mort de Lutèce.

– Quoi ? que veux-tu dire ?

– Qu’un phénomène plutonien a précipitéles flots de l’Atlantique sur la France, et que nous flottonsau-dessus de notre patrie soudainement immergée.

– Tu divagues !

– Alors que penses-tu donc ?

– Moi, rien. Seulement, à ton sens, cephénomène plutonien, qui inonda la vallée de la Seine, nous auraittransportés à bord d’un navire.

À cette question, le calculateur se grattal’oreille, geste qui, dans les sociétés savantes et même dans lesautres, est un indice d’embarras.

– En effet, déclara-t-il enfin, laprésence de ce navire…

– Et notre présence dans ses flancs,appuya Robert.

– Compliquent étrangement le problème.Toutefois la solution n’en est pas impossible. Un bouleversementcosmique développe une prodigieuse quantité d’électricité, d’où ilserait permis d’inférer que nous avons bénéficié d’une sorte dechoc en retour, analogue aux faits maintes fois observésaprès la chute de la foudre.

Le calculateur s’arrêta en voyant soncompagnon hausser nerveusement les épaules.

– Joli, ton « choc en retour »,ricana le jeune homme. Il nous enferme dans une cabine, nous couchesur le cadre…

– Alors, comment expliqueras-tu lachose ? demanda vivement Astéras blessé dans son amour-proprede savant, lequel serait le plus susceptible de tous, si chaquecorporation ne sacrifiait avec prodigalité à la vanité.

– Je ne l’explique pas ; mais commeje suppose que ce navire ne vogue pas tout seul, je vais demanderau premier matelot que je rencontrerai la clef du mystère.

– C’est vrai, tu m’ouvres une idée.

– Parbleu. Avec une clef !

Et bras dessus, bras dessous, se soutenantpour résister aux attaques sournoises du roulis, les jeunes gensquittèrent la cabine.

Filant le long des coursives, ils atteignirentun escalier accédant au pont.

Éblouis par le soleil, ils s’arrêtèrent uninstant, fermant les yeux sous l’averse lumineuse. Puis leurspaupières se rouvrirent.

– Ah ça ! quel est cepavillon ?

Cette exclamation était arrachée à Robert parla vue du drapeau flottant à l’arrière.

– Connais pas, susurra Astéras. Unétendard bleu avec un croissant et trois étoiles blancs. Mais j’ysonge, la figuration de ces astres semble indiquer…

– Indiquer quoi ?

– L’amour de l’astronomie. Donc…

– Ce navire serait un observatoireambulant. Bravo, doux rêveur ! Mais je me souviens que cepavillon est celui de l’Égypte…

– L’Égypte, si tu veux. C’est la terreantique des astronomes. La religion, 4.000 ans avant notre ère,était celle des astres. Osiris personnifiait le soleil, Isis, lalune ; Anubis, l’étoile du berger ; Horus, la révolutiondiurne. Pour ma part, je suis heureux de fouler le pont d’un bateauappartenant à cette grande nation.

– Mon bonheur est plus curieux. J’aibesoin de savoir pourquoi je le foule.

Sur ces mots, Robert retint par la manche unmatelot qui passait, et demanda :

– Mon ami, pourriez-vous m’apprendre parsuite de quelles circonstances je me trouve à bord de cevaisseau ?

L’homme s’inclina, les bras tendus en avant,les doigts écartés, dans l’attitude mystique des personnages gravéssur les murailles de l’ancienne Thèbes, capitale des Pharaons, maisil ne répondit pas.

Sans plus de succès, Lavarède répéta saquestion.

Cette fois, cependant, le matelot indiqua parsignes qu’il ne comprenait pas et s’esquiva prestement.

Du coup, le caissier de la maison Brice etMolbec s’emporta. Cela devenait exaspérant. Depuis la veille, – ilpensait n’avoir dormi qu’une nuit – sa patience était mise à troprude épreuve. Être enlevé en plein Paris, séquestré dans une prisonprivée, étaient déjà choses désagréables. Mais s’endormir à deuxpas de l’Observatoire et se réveiller en pleine mer, sans parvenirà comprendre de quelle façon on a changé d’élément ; non, celadépassait les bornes !

Pourtant une réflexion calma Robert, au moinsmomentanément. Le matelot auquel il s’était adressé pouvait êtreune exception à bord, un simple sauvage, un rustre pour qui lesbeautés de la langue française étaient lettre morte. Il serait sageet facile de s’en assurer en procédant à l’interrogatoire d’unautre marin.

Mais Lavarède, docilement suivi par Astéras,eut beau s’adresser à chaque matelot, accentuer les syllabes, àfaire pâmer d’aise le fin diseur qui a nom Silvain, de laComédie-Française, une conviction désolante s’implanta dans sonesprit ; personne, sur cet odieux bateau, ne parlait la languede M. Félix Faure.

En allant de l’un à l’autre, les deuxpassagers avaient parcouru toute la longueur du navire. Arrêtés àl’avant, muets, découragés, ils embrassaient d’un regard mornel’immensité bleue qui les entourait. Moins préoccupé, Robert auraitadmiré l’élégant steamer frémissant sous ses pieds. Il se fûtétonné de voir la proue ornée d’une statue de femme, au frontsurmonté du Croissant Isiaque. Il n’eût pu s’expliquer l’étrangeattitude de l’équipage, qui semblait veiller sur lui avec unesollicitude respectueuse.

Mais il n’était pas en humeur d’observation.Son horreur des déplacements l’étreignait. Il se sentait navré,écrasé, à la pensée qu’il était entraîné loin de son bureau versune destination inconnue, au milieu d’êtres d’une autre race quelui. S’il avait eu quelque chance de vaincre, il se fût précipitésur les marins ; mais ceux-ci étaient trop nombreux. Et puisla victoire même ne le laisserait-elle pas captif sur ce navire,qu’il serait impuissant à diriger.

Comme il ruminait ces pensées moroses, ilsentit qu’une main se posait sur son bras. Il regarda. Une fillettede quatorze à quinze ans était debout devant lui. Singulière étaitl’apparition.

Le teint brun, la face maigre, trouée par desyeux énormes au regard velouté, l’enfant était enveloppée dans unesorte de pagne de laine blanche, qui laissait apercevoir ses braset ses pieds nus. Mignonne, chétive même, elle avait une grâcemaladive et mélancolique dont Astéras, en dépit de sa distractionhabituelle, parut frappé. Comme son ami, le calculateur eutl’intuition qu’une victime du destin se trouvait sur sonchemin.

Et ce fut d’une voix douce, où ne grondaitaucun écho de son mécontentement passé, que Robertdemanda :

– Que veux-tu, mon enfant ?

Elle eut un geste timide, indiquant qu’elle nepouvait parler.

– Allons bon ! s’écria Lavarède,encore une qui ne comprend pas le français. Alors pourquoi venirnous troubler ?

– Ce n’est pas là ce qu’elle exprime,interrompit Ulysse.

– Parfait ! L’astronomie t’aenseigné les secrets de la pantomime.

– Peut-être bien.

Et lentement, détachant bien les mots, lejeune savant demanda :

– Tu entends le français, n’est-ce pas,petite ?

La gamine sourit et fit oui de la tête.

– Tu vois, exclama Astéras triomphant.Elle sait notre langue ! – Puis, revenant à son interlocutrice– pourquoi ne réponds-tu pas ?

Une surprise douloureuse passa sur les traitsde la frêle créature. Lentement elle montra sa langue rose entreles rangées d’émail de ses dents.

– Serais-tu muette ?

Elle frappa dans ses mains, heureuse d’êtredevinée et abaissa à plusieurs reprises la tête de haut en bas.

Puis elle saisit la main du calculateur etvoulut l’entraîner.

– Elle a sans doute son idée, fitcelui-ci tout fier d’avoir compris la petite, suivons-la.

– Soit, acquiesça Robert.

Derrière leur guide, ils parcoururent le pont,descendirent l’escalier des cabines et pénétrèrent bientôt dans unepièce plus vaste que celles où dorment les passagers.

Aux murs étaient fixés des portraitsd’acteurs, d’actrices, de danseuses, des photographies représentantdes scènes de pièces en vogue. Une table-bureau, éclairée par unhublot, supportait un tas de papiers maintenu par une règle defer.

La muette les désigna aux jeunes gens. Etcomme ils hésitaient à mettre la main sur ces feuillets, retenuspar la longue habitude de la discrétion, elle les prit et les leurtendit.

Machinalement Astéras porta les yeux sur lapremière feuille, et une exclamation de surprise luiéchappa :

– Ton nom, mon brave Robert.

– Où cela ?

– Ici, au haut de la page.

En effet, les noms « RobertLavarède » s’étalaient en grosses lettres à la première lignedu papier.

– Peut-être ces notes nousdonneront-elles le mot de l’énigme. En tout cas, nous pouvons lire,puisqu’il s’agit de nous.

Et avec un étonnement croissant, le caissierde la maison Brice et Molbec lut ce qui suit :

Robert Lavarède,

Né à la ferme du Djebel-Gzam, à cinquantekilomètres ouest d’Ouargla (Algérie), orphelin. A fait ses étudesau collège d’Alger, puis à celui de Nîmes. Soldat au 105ème deligne. Ni parents, ni amis anciens.

– Ah ça ! grommela le jeune homme,c’est ma biographie cela.

– Continue, répondit Astéras :

Le document relatait ensuite minutieusementles moindres habitudes de Robert, ses relations avec Ulysse, lechemin qu’il suivait pour venir de l’Observatoire à la rue deLalande.

En bas de la feuille, une autre main avaittracé à l’encre rouge : « Accepté. Cachette préparée.Pharaon attend. Agir vite. »

Les voyageurs malgré eux s’entre-regardèrent.Que signifiait tout cela ?

Et comme, avec un touchant ensemble, ilshaussaient les épaules, geste désespéré qui, ainsi que le disaitBrasseur dans une pièce du répertoire, prouve que l’on donne salangue aux chiens, un sifflement suivi d’un cri de douleur les fitse retourner.

Accotée contre la cloison, la muette se tenaittoute pâle, le bras gauche marqué d’une meurtrissure rougeâtre, etsur le seuil se montrait un homme, qui portait à la main unecravache.

C’était le personnage étrange qui, avec Niari,avait enlevé les jeunes gens. D’un geste brusque, le nouveau venumontra la porte du doigt. La fillette s’enfuit aussitôt.

Puis, sans laisser aux Français le tempsd’exprimer leur sentiment sur le brutal traitement infligé à lapauvre petite :

– Messieurs, dit-il, l’indiscrétion d’uneesclave m’oblige à me présenter à vous, avant l’heure que j’avaisfixée. Au fond, la chose est sans importance. Je suis le princehindou Radjpoor, et je me félicite de me rencontrer avec vous. Lescirconstances me paraissent avoir été heureuses pour moi.

– Les circonstances qui ont amené cetterencontre, exclamèrent les passagers du navire inconnu. Vous lesconnaissez donc ?

– Soyez-en certains.

– Mais alors, vous allez nous expliquercomment, nous étant endormis hier, rue Daguerre…

– Vous faites erreur quant à la date.Votre sommeil remonte à quatre jours.

– Quatre jours ? Vousplaisantez.

– Je ne plaisante jamais.

– Enfin, ne discutons pas. Nous avonshâte de pénétrer le mystère de notre présence sur ce navire.Parlez, Monsieur.

Radjpoor sourit :

– Je ne parlerai pas longtemps. Lesindications qu’il m’est permis de vous donner seront brèves.Endormis à l’aide d’un narcotique…

– D’un narcotique ?

– Pour des raisons que vous apprendrezplus tard, vous avez été transportés à Marseille.

Du coup, Robert bondit :

– À Marseille ! Depuis quatrejours ! Que doit-on penser chez Brice et Molbec ?

– Et à l’Observatoire, appuyaAstéras ?

– Ceci je l’ignore, reprit le prince sansse départir de son flegme ; mais ce que je sais, c’est quenous sommes à cette heure par le travers de la Sicile, à bord dubrick Pharaon.

– La Sicile maintenant, clama Lavarèdeavec désespoir !

– Le bateau nous conduit en Égypte.

– En Égypte ? Mais je proteste. J’aiaffaire à mon bureau.

Plus fort que son ami, Astérasglapit :

– Et moi j’ai un travail commencé qui nesouffre aucun retard. La révision des tableaux de parallaxes.

Tranquillement Radjpoor laissa tomber cesparoles :

– Sans nul doute, Messieurs, vos travauxsont urgents ; mais moins cependant que les devoirs qui vousréclament.

– Quels devoirs ?

L’interrogation formulée par Robert dénotaitune colère naissante :

– Je ne puis répondre, à mon grandregret, poursuivit le pseudo Hindou. Attendez.

– Attendre, mais je refuse, hurla lecalculateur.

– À votre aise.

– Je veux retourner en France.

– Personne ne vous en empêche. Si vousêtes bon nageur, montez sur le pont et piquez une tête. Nul ne feraobstacle à votre détermination.

Et arrêtant un geste de rage qu’esquissaitRobert, le singulier personnage conclut :

– Croyez-moi. Restez calmes. Deux hommes,si résolus qu’ils soient, ne luttent pas contre l’équipage d’unnavire. Soyez assurés que des raisons graves ont seules motivévotre enlèvement. On ne vous veut aucun mal. Au contraire. Leshonneurs, la fortune sont au bout de l’aventure. Sur lestrente-huit millions de Français, vos compatriotes, il en est plusdes neuf dixièmes qui voudraient être à votre place.

Honneurs, fortune, mots magiques auxquels nulemportement ne résiste. En les entendant, les voyageurs malgré euxs’apaisèrent soudain, et ce fut d’un ton conciliant qu’Astérasdemanda :

– Que nous faudra-t-il faire ?

– Vous laisser conduire et ne résister enrien.

– C’est tout ?

– Absolument tout.

– Alors, déclara le calculateur, pour mapart je m’engage volontiers. Je vous prierai seulement de fairepasser une dépêche à l’Observatoire de Paris, afin de rassurer meschefs, inquiets sans doute de ma disparition.

– Dès notre arrivée en Égypte, votredésir sera satisfait.

– Pourquoi pas de suite ?

Robert ne put s’empêcher de rire :

– Parce qu’il n’y a pas de bureautélégraphique à bord d’un navire.

Réplique qu’Ulysse accueillit d’un air ahuri.Évidemment l’astronome s’était figuré que le steamer était encommunication avec la terre, idée saugrenue, comme toutes cellesque ce grand enfant professait pour les détails de la vie étrangersà l’étude sidérale.

Fût-ce la désillusion que lui causa la réponsede son ami ? on ne saurait le dire. Toujours est-il que,regardant Radjpoor bien en face :

– La question est vidée en ce qui nousconcerne, et de même que l’étoile aest englobée par la constellation du Centaure, nous sommes emportéspar votre mouvement. Je ne résisterai pas, mais je vous prierai dene plus vous livrer à des actes de brutalité.

L’Hindou fronça le sourcil. Mais Astéras, sipacifique à l’ordinaire, se sentait à cette heure des velléitésbatailleuses :

– Cette enfant, qui nous a conduits ici,ne méritait pas d’être cravachée.

Radjpoor sourit.

– Ne vous occupez point de cela.

– Si fait ! je tiens à m’enoccuper.

Son interlocuteur haussa lesépaules :

– Ces Français ! toujours lesmêmes !

– Vous l’avez dit, prince. Toujoursdisposés à défendre les faibles, à se dévouer à l’idée dejustice.

– Même les astronomes ?

– Ceux-là comme les autres. C’est quel’idée juste est aussi un soleil, et la rechercher appartientencore à notre profession. Mais je m’égare. Je plaidais pour notrepauvre petite « cicerone ».

– Ne parlons plus de cette esclave, fitl’Hindou avec impatience.

– Esclave, répétèrent les Français avecun serrement de cœur.

– Eh oui. Je l’ai achetée au marché duCaire. Elle m’appartient, ayant pour moi moins de valeur qu’unchien qui, lui, ne trahirait pas son maître.

Et changeant brusquement de ton :

– Laissons cela. Le sujet nousdiviserait, car nous autres Orientaux ne pensons pas comme les gensd’Europe. Montons sur le pont, et puisque les circonstances mecontraignent à être votre geôlier, facilitez-moi la tâche en meconsidérant…

Il se reprit :

– En feignant de me considérer comme unami.

Un instant plus tard, tous trois assis sur desrocking-chairs se balançaient mollement sous la poussée d’un roulispeu accentué. Seulement, si le seigneur Radjpoor s’était penché surLavarède, il l’aurait entendu murmurer :

– Le diable emporte la fortune s’il fautvoyager. À la première escale, je fausse compagnie à ce prince, etje retourne à mon bureau. Pourvu que cet imbécile ne m’ait pas faitperdre ma place ?

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer