Cousin de Lavarède !

Chapitre 2L’ŒUVRE D’UN FOU DE GÉNIE

Véritablement très émus, les voyageurssuivirent leurs hôtes. On quitta le salon. Tous se trouvèrent alorsdans un couloir étroit éclairé de loin en loin par de petiteslampes électriques.

Tout en marchant, Lavarède tâtait les murs.Avec surprise, il constata qu’ils étaient formés de plaquesmétalliques.

– Sapristi, murmura-t-il, est-ce que ceM. Ramier aurait dit la vérité ? Mais il secoua la tête.Non l’aéronef n’était qu’une chimère ; l’aviation, ce problèmeardu qui a coûté la vie à tant de chercheurs, n’était pasrésolu ! Et pourtant le jeune homme se rappelait vaguement dequelle façon ses amis et lui avaient échappé à la poursuite desassassins conduits par M. Parker. Il n’y avait pas à le nier,ils avaient eu l’impression d’être enlevés dans les airs. Alors,que conclure, sinon qu’à l’heure présente ils étaient captifs dansun appareil aérien ? Non pas un aérostat ordinaire, un ballon,car pour élever une nacelle de la dimension de celle où ils setrouvaient, il eût fallu une enveloppe de taffetas gonfléed’hydrogène d’une étendue superficielle égale à la moitié deParis.

Il interrompit soudain son monologueintérieur. On était arrivé dans une petite pièce circulaire. Uneéchelle de fer se dressait du plancher au plafond.

Avec une agilité surprenante, M. Ramierla gravit, tira sans bruit un verrou, puis il appuya la main sur leplafond, le fit lentement tourner sur lui-même et démasqua ainsiune ouverture carrée, par laquelle s’engouffra un vent frais.

Stupéfaits, incapables de prononcer uneparole, les voyageurs regardaient le ciel étoilé, que laissaitapercevoir l’écoutille ouverte.

– Montez, ordonna leur guide !

– Montez, répétaMme Hirondelle d’une voix chantante !

– Ma foi, autant être fixé de suite,grommela Lavarède en posant les pieds sur les échelons demétal.

Un instant après, il se trouvait debout auprèsdu fou, sur une plate-forme de 50 pieds de long sur 10 de large,autour de laquelle courait une légère balustrade d’acier ; sescompagnons le rejoignirent et tous demeurèrent anéantis devant lespectacle le plus étrange qu’il fût possible de rêver.

Au-dessus de leurs têtes, la voûte du ciel oùles constellations étalaient leurs lignes sinueuses, semblantformer cortège à la lune, qui baignait le pont de ses rayonsargentés ; à leurs pieds, la plate-forme, et au-delà, dechaque côté du parapet, une surface métallique, brillante,s’infléchissant en une courbe gracieuse vers l’endroit où devait setrouver la terre.

– Approchez-vous de la balustrade,conseilla M. Ramier, et regardez en bas. Le vertige n’est pasà craindre, puisque les flancs de mon aéronef prolongent le pont etne vous permettent pas de regarder perpendiculairement.

Lentement, gagnés par le vague effroi del’invraisemblable devenant vrai, de la chose réputée impossibletransformée en réalité, les passagers obéirent.

Un même cri de stupeur s’échappa de toutes leslèvres.

Loin au-dessous d’eux s’agitait une surfacemouvante que les rayons lunaires pailletaient d’éclairs.

– La mer, expliqua tranquillement le fou.Nous planons en ce moment au-dessus de l’océan Pacifique. Eh tenez,ajouta-t-il après un instant, ces lumières qui se déplacentlentement sont les feux d’un navire. Il est ballotté par les lames,il tangue, il roule, alors que nous voguons dans l’atmosphère sanssecousses et sans bruit.

Puis élevant la voix :

– Tenez-vous bien, je vais donner l’ordred’accélérer la vitesse. J’avais fait ralentir tout à l’heure, pourque vous ne soyez pas surpris par la chasse d’air.

Et se penchant sur un porte-voix analogue àcelui des officiers de quart dans la marine.

– À six cents tours de roue,cria-t-il ?

– Vous avez donc un équipage, murmuraLavarède ?

– Oui… cramponnez-vous.

Presque aussitôt un ronflement partit del’avant de l’aéronef. Des bras aux formes étranges battirent l’air,et comme un cheval auquel on rend la main, le Gypaètes’élança à travers l’espace.

Tous comprenaient maintenant l’utilité de larecommandation du fou. Assourdis par les grondements de la machinemotrice, fouettés par un courant d’air violent, ils se rendaientcompte du déplacement rapide de l’appareil. En quelques minutes, lesteamer dont ils considéraient les feux, restait en arrière, ildisparaissait dans la nuit.

Avec peine, se glissant le long de labalustrade, Robert rejoignit M. Ramier.

– Quels sont ces organes bizarres qui semeuvent à l’avant.

– Ce sont les ailes de monGypaète.

Et avec une nuance d’orgueil :

– Cela paraît vous intéresser.Descendons. J’aurai grand plaisir à vous montrer ma machine. Je nel’expliquerais pas aux hommes de la terre, mais puisque le hasardvous a jeté à mon bord, je ne vois pas pourquoi j’aurais dessecrets pour vous.

Sans laisser à son interlocuteur le loisir des’étonner de cette confiance subite, M. Ramier lança un ordrenouveau dans le porte-voix. Les ronflements du moteur s’apaisèrent,le vent diminua de violence, et tous, sur l’invitation du singulierpersonnage, regagnèrent l’intérieur de l’aéronef dont le panneaufut refermé avec soin.

Et tandis que Mme Hirondelle,souriante et empressée, ramenait Lotia, Maïva et Radjpoor dans lesalon où ils étaient tout à l’heure, le fou entraînait sur ses pasRobert et son ami Astéras.

Dans le couloir, il ouvrit une porte.

– Entrez, messieurs, fit-il. Avant devous faire visiter les appareils, quelques mots d’explication sontnécessaires. Cette salle est mon bureau, nous y serons fort bienpour causer.

Les Français promenèrent autour d’eux unregard curieux. Sur trois côtés de la pièce spacieuse où ilsentraient, les murs étaient cachés par des planchettes surlesquelles se mêlaient, dans un pittoresque désordre, des livres,des ustensiles de chimie, de mécanique, de physique. La quatrièmeface était entièrement couverte par un tableau noir, couvertd’équations algébriques, dont les rangs pressés arrachèrent unegrimace à l’ancien caissier. Comme meubles, de larges planches àdessin portées par des chevalets, un fourneau encombré de ballons,d’éprouvettes et de flacons, puis des sièges de paille.

Avec la sûreté de main d’un professeur faisantune démonstration, M. Ramier traça sur le tableau diversesfigures.

– Messieurs, dit-il en terminant,excusez-moi si je vous présente mon Gypaète sous une formepédagogique. Mais la rencontre de gens intelligents est rarelorsque l’on habite au pays des nuages, et je tiens à vous faireconnaître complètement mon appareil, afin que vous l’aimiez commemoi.

Et désignant la figure 1 :

– Ceci est l’épure de mon navire aérien.Elle vous donne sa forme générale. Vous y voyez le pont où nousétions à l’instant, les ailes motrices placées à l’avant, l’hélicede démarrage à l’arrière, ainsi que le gouvernail mobile dans unplan vertical autour d’un axe horizontal.

– Mais, objecta Astéras, qui écoutaitavec un intérêt non dissimulé, il me semble que vous avez indiqué,non pas deux ailes, mais bien quatre. Votre machine volerait doncmoins à la façon des oiseaux, qu’à celle des hannetons ?

– Des hannetons que ce bon monsieur adans le plafond, soupira Robert si bas que ses compagnons ne purententendre cette remarque désobligeante.

M. Ramier, du reste, s’empressait derépondre à l’observation d’Astéras :

– Non, non, vous vous méprenez leGypaète est actionné par une seule paire d’ailes à lafois. Les autres, appliquées sur la paroi extérieure, restentimmobiles. Ce sont les ailes de sûreté.

– De sûreté ?

– Absolument. Admettez que l’une de mesailes en mouvement subisse une avarie.

– L’appareil cesse d’être soutenu et unechute épouvantable commence…

– Commencerait, si, au même instant,l’aile de sûreté correspondante ne se déclenchait automatiquementet ne fonctionnait en lieu et place de l’organe abîmé.

– Je comprends, je comprends, clamal’astronome enthousiasmé, il est à peu près impossible detomber.

– À peu près, grommela encore Lavarède, àpeu près, et cela te suffit.

– Seulement, poursuivit le savant sansprendre garde à l’interruption, permettez-moi encore uneobjection.

– Je vous écoute, déclara M. Ramieren s’inclinant.

– Il me semble que, étant donnée la massede l’aéronef, vos ailes n’ont pas les dimensions suffisantes… en unmot que l’envergure de votre machine volante est bien faible.

Un sourire satisfait illumina le visage dufou :

– C’est de cela que je suis fier,articula-t-il lentement. Vous avez mis le doigt sur la vraiedifficulté du problème. En effet, obtenir les trois mouvements del’aile de l’oiseau, de bas en haut, d’arrière en avant et d’avanten arrière suivant une diagonale, de façon à lui faire parcourir lecontour d’un triangle – il traçait en même temps sur le tableau lafigure suivante – c’était un jeu d’enfant ; un système deleviers réunis par des articulations ou joints Goubet, y suffisait.Fabriquer les ailes au moyen de lamelles qui, de même que lesplumes des volateurs animés, se laissent traverser par l’air dansle mouvement ascendant, mais deviennent imperméables dans la coursedescendante, seule utile à la propulsion, aisé encore. Le nœud dela question était la dimension des ailes, car la force et le poidsdu moteur nécessaire sont en proportion de leur surface. Avec desailes normales, tout mon appareil eût été employé uniquement àsoulever les moteurs. Cela était inadmissible.

– J’en conviens, appuyal’astronome ; mais comment avez-vous résolu cette difficulté.J’avoue qu’elle me paraît insurmontable.

Cette déclaration amena un nouveau sourire surles lèvres de M. Ramier.

– Suivez-moi bien, reprit-il avec unecondescendance orgueilleuse. Vous savez que chez les oiseauxgéométriquement semblables, les dimensions linéaires étant dans uncertain rapport, les surfaces croîtront comme les carrés et lespoids comme les cubes de ce rapport.

– C’est évident, dit Astéras.

Lavarède haussa les épaules :

– Évident ! Tu comprends,toi ?

– Sans doute !

– Allons donc, ces carrés qui gambadentsur des cubes ?

– C’est clair comme de l’eau deroche.

– De l’eau de Seine, veux-tudire ?

Un geste d’impatience de M. Ramierl’empêcha de continuer.

– Cela ne se discute pas, fit le petithomme d’un ton sec. Pompéïen-Picaud, mon précurseur en aviation, etavant lui une pléiade d’esprits éminents : Édison, Dandrieux,Tatin, Kaufmann, de Groof, de Bris, Michel Loup, Degen, Guard, lemarquis de Bocqueville, Besnier, Jean-Baptiste Dante, Paul Guidottiet Léonard de Vinci lui-même, le grand artiste de la Renaissance,ont démontré expérimentalement que plus l’oiseau est gros, moinsson envergure proportionnelle est étendue.

– C’est trop fort. Alors un oiseau, quiserait cent fois, mille fois plus lourd que les espèces existantes,n’aurait plus d’ailes du tout ?

Le jeune homme croyait embarrasser sonadversaire, mais le fou répliqua tranquillement :

– Votre raisonnement est ce que l’onappelle le raisonnement à l’infini.

– Vous dites ?

– Que c’est là une argutie théorique.Dans la pratique, pour obtenir une surface, il faut des lignes.

– Au diable, s’écria Robert, j’ai connuun pêcheur émérite. Il ne m’a jamais parlé de surfaces. Avec seslignes, il n’attrapait que du poisson.

Le calembour ne fit pas sourciller le maîtredu Gypaète. Il se tourna vers Astéras et continuaflegmatiquement :

– J’ai cherché à réduire l’étendue desailes, d’abord pour la question du moteur, ensuite pour diminuerles chances d’avaries et j’ai trouvé. J’ai purement remplacél’étendue par la vitesse. Les ailes de mon aéronef donnent jusqu’àmille battements à la minute.

– Mille ?… C’est prodigieux, maisvotre force motrice ?

– Est insignifiante, car l’effort répétéaussi fréquemment peut être presque nul. Si je donnais, en effet,un coup d’aile par minute, il devrait produire la même quantité detravail utile ; ce serait effroyable. Tandis qu’avec mavitesse, chaque palpitation ne doit apporter qu’un millième decette quantité.

– Très exact, reste la question dumoteur.

À ces mots, Ramier prit une pose avantageuse,et saisissant son bâton de craie, il dessina rapidement sur letableau noir.

– Voici le schéma de l’appareil que j’aiimaginé, dit-il enfin d’un ton triomphant. À la partie supérieurese trouve un réservoir de carbure.

– Ah ! s’exclama l’astronome, unemachine à acétylène.

Le fou eut une moue dédaigneuse :

– Non pas. C’est un carbure nouveau,découvert et liquéfié par moi, dont la puissance est à celle del’acétylène comme un à 10. Une gouttelette du liquide tombealternativement dans les godets placés de chaque côté du corps depompe. N’étant plus comprimée, cette goutte se réduit en gaz etpousse le piston à la façon de la vapeur dans les locomotives. Latige du piston actionne un arbre de couche qui agit sur les ailes.Cet arbre porte deux excentriques réglant au moyen de tigesl’ouverture des soupapes qui permettent l’introduction du carbureliquide et l’expulsion du gaz carburé.

Et comme Astéras battait des mains, le fouconclut :

– J’ai à bord dix machines de ce genre.Deux pour chaque aile, deux pour l’hélice d’arrière et legouvernail, chacune pèse trente kilogrammes.

– Superbe !

– Pour m’éclairer, j’ai l’électricité. Unsystème de peignes métalliques suspendus à des fils conducteurs,soutire pendant la marche, l’électricité de l’atmosphère etl’emmagasine, dans des accumulateurs spéciaux.

– Renversant !

– Maintenant vous connaissez leGypaète au point de vue mécanique. Comme habitabilité, ilne laisse rien à désirer. Un couloir central le dessert. À droiteet à gauche sont les cabines, le salon, la salle à manger ; àl’avant et à l’arrière, les chambres des machines, où se tiennentles quatre hommes de mon équipage.

Lavarède poussa un cri :

– Vous avez un équipage ? Ce n’estpas une navigation ?

– Naturellement.

– Vous avez trouvé des hommes qui ontconsenti à vivre entre ciel et terre ?

– Oui, gronda Ramier avec amertume. Desgens que les êtres brutaux, qui rampent à la surface du sol,appelaient fous… comme moi.

– Ah ! on vous traitait… ?

– En fous. Enfermé à l’asile Sainte-Anne,c’est parmi mes codétenus que j’ai rencontré la sagesse. Nous noussommes évadés. Ma femme restée libre avait réalisé notre fortune.Nous avons quitté notre pays, fait fabriquer dans des maisonsdifférentes les diverses pièces du Gypaète, nous les avonsmontées nous-mêmes dans les déserts glacés du nord de l’Amérique.Puis nous nous sommes envolés dans les airs, en disant un adieudéfinitif aux terres habitées par les hommes injustes etstupides.

Le petit homme s’était animé. Ses yeuxbrillaient étrangement, une expression hagarde envahissait saphysionomie. Avec inquiétude, Astéras et Robert échangèrent unregard.

– Vous n’atterrissez donc jamais, hasardatimidement ce dernier ?

– Dans quel but ?

– Mais pour déposer sur le sol desvoyageurs comme nous.

Les traits du fou se contractèrent, et d’unevoix irritée il répondit :

– Jamais vous ne me quitterez.

– Pourtant, s’écria Lavarède avec uncommencement de colère… ?

– Jamais, jamais, répéta l’insensé. Commemoi vous vivrez de la vie libre du ptérodactyle aux premiers joursdu monde, et si vous jouissez de votre bon sens, vous ne voussouviendrez de l’humanité que pour la maudire.

Vivement Astéras se rapprocha de sonami :

– Ne l’irrite pas. Qui sait à quellesextrémités le pourrait porter sa folie. N’oublie pas que noussommes à plusieurs centaines de mètres du sol.

La réflexion apaisa sur-le-champ la fougue del’ancien caissier. D’un brusque effort il se domina, et ce fut d’unton conciliant qu’il tenta de prendre son hôte par la vanité.

– Oh ! dit-il, je ne tiens pas pourmon compte personnel à retourner parmi les hommes.

– À la bonne heure, approuva Ramier,calmé par cette déclaration.

– Seulement je trouve triste qu’un géniecomme le vôtre reste ignoré ; si je parlais de descendre àterre, c’était pour répandre votre merveilleuse découverte, pourpeupler les villes de vos statues…

Il aurait continué longtemps sur ce ton, maisle fou secoua la tête :

– Je ne veux rien des humains. Qu’ilsm’ignorent toujours ; ils m’ont enfermé dans une maison defous, j’ai peur d’eux.

– Ils n’avaient pas compris, maisaujourd’hui que le Gypaète existe, qu’il fendmajestueusement les airs…

– Eh ! clama impétueusement le petithomme, je ne veux pas qu’ils le soupçonnent.

– Trop tard, plaisanta Robert.

– Que voulez-vous me faireentendre ?

– Que durant les nuits sombres, le fanaldu Gypaète a attiré l’attention sur lui. Que lesastronomes le cherchent. – Il regarda railleusement Astéras etcontinua : – Ils pensent être en présence d’un bolide, maisbientôt un observateur découvrira la nature de cette lumière errantdans l’espace.

Ramier écoutait en dodelinant la tête. Robertcrut un instant qu’il hésitait. Il voulut porter un dernier coup àson interlocuteur ; celui-ci ne lui en laissa pas letemps :

– Ah ! fit-il avec un accentsingulier, les observatoires s’occupent de moi ?

– Beaucoup. Sans cesse des lunettesexplorent le ciel… depuis le jour où le colonel Mooger, directeurde l’observatoire libre de Barget au Kamtchatka, a télégraphiéqu’il avait remarqué dans le ciel un objet lumineux se déplaçantavec une grande rapidité.

– Ah ! Ah ! murmura le fou,c’est le colonel Mooger, de la station de Barget… ?

– C’est lui-même.

– Eh bien nous irons lui rendrevisite.

Lavarède sursauta :

– Vous prétendez nous emmener auKamtchatka ?

– Puisque j’y vais moi-même ; vousne regretterez pas le voyage, vous verrez… Ah ! ce bon colonelMooger ! Vous verrez.

Et d’un bond, Ramier gagna la porte, rouvritet disparut, tandis que Robert, décidément exaspéré,rugissait :

– En Sibérie maintenant ! C’est doncle voyage forcé à perpétuité. Ah mais, j’en ai assez, j’en ai trop.Je suis paisible, sédentaire, je ne veux plus être traité ennomade.

Astéras s’efforçait vainement de le calmer,quand la porte se rouvrit. Un grand gaillard entra. Il était vêtud’une vareuse et d’un pantalon, sur lesquels des plumes d’oiseauxfiguraient des arabesques bizarres.

– Messieurs, dit-il, veuillezm’accompagner à la cabine qui vous est réservée. Vous pourrez vousreposer sans crainte. Dans l’air il n’y a pas de mauvaises genscomme sur la terre. Personne ne vous enfermera à Sainte-Anne.

Le nom de l’asile d’aliénés, résonnant pour laseconde fois aux oreilles de Lavarède, transforma son courroux enterreur. Celui qui parlait était un homme de l’équipage duGypaète, un fou encore. Il songea à Lotia, emportée commelui dans la course mystérieuse d’un aéronef dirigé par desinsensés.

Sa situation était effrayante, épouvantable,mais nulle résistance n’était possible. Il fallait céder, attendreune occasion favorable de tromper la manie de leurs gardiens.

Il courba le front et, accompagné par Astéras,il suivit le matelot aérien. Ce dernier ouvrit une porte donnantsur le couloir central, s’effaça pour laisser passer les Françaiset s’esquiva après les avoir salués d’un « dormez bien »guttural.

Les deux amis étaient seuls dans une cabineassez spacieuse, garnie de deux couchettes, d’une table de toilettebien garnie et de quelques chaises.

Chacun s’affaissa sur un siège et demeura là,sans voix, sans pensée, hébété par ce concours déconcertant decirconstances qui l’avait entraîné de Paris à bord d’un navireaérien portant un équipage d’aliénés.

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