La Reine Sanglante

Chapitre 30GILLONNE PARLE

En quittant la Courtille-aux-Roses, SimonMalingre se dirigea tout droit vers le Temple, situé à côté, commenous l’avons indiqué, dans l’intention de rejoindre son maître, lecomte de Valois.

L’affreux petit homme débordait d’une joiedélirante.

Il se frottait les mains frénétiquement etmurmurait :

« Allons ! allons ! c’est dit…je suis encore plus riche que je ne pensais moi-même. Demainj’enlève mon or, j’enfourche un bon cheval, il n’en manque pas dansles écuries de mon maître, et… bonsoir, monseigneur !débarbouillez-vous comme vous pourrez. »

Par des chemins détournés qui lui étaientfamiliers, il gagna les appartements du gouverneur et se disposaità entrer dans la chambre de son maître lorsque son propre nomprononcé par une voix connue vint l’arrêter net.

Il ouvrit sans bruit la porte, et, dansl’entrebâillement caché par une tenture qui pendait de l’autrecôté, il écouta, retenant sa respiration, la sueur de l’angoisse aufront.

Gillonne parlait à Valois de son airdoucereux.

« Oui, monseigneur, Simon Malingre estindigne de vos bontés, c’est un traître qui mérite d’être pendu…que dis-je, d’être écartelé et brûlé à petit feu.

– Dis-moi ce que tu as à me dire, maisprends garde… n’essaie pas de mentir… sinon je te ferai arracher lalangue et c’est toi que je ferai brûler à petit feu. Parle,maintenant. »

La féroce et vindicative mégère fit alors, enl’amplifiant à sa manière et en chargeant à outrance son ex-fiancé,le récit des événements à la suite desquels Myrtille put enfin êtreréunie à Buridan.

Simon Malingre, derrière sa porte, étaitatterré.

Machinalement poussé par l’instinct de laconservation, plus fort que par le raisonnement, il avait fermédoucement la porte et s’était retiré à pas de loup vers un étroitréduit où il savait que nul ne pénétrerait… nul que lui.

Là, se sentant momentanément en sûreté, il selaissa choir lourdement sur un escabeau, ses jambes se dérobantlittéralement sous lui, et hébété, hagard, ruisselant de sueur,versant de grosses larmes qui se mêlaient aux gouttes de sueur,sans qu’il parût s’en apercevoir, il se prit la tête à deux mains,geignant sans cesse.

Peu à peu le calme lui revint. Il pritminutieusement toutes les dispositions nécessaires pour ne pas êtresurpris au cas invraisemblable où on serait venu le relancerjusque-là, s’arrangea dans un coin une sorte de couche et s’étenditvoluptueusement en murmurant :

« Je tombe de fatigue… dormons… Nousverrons le reste demain… mais, ma douce Gillonne, tenez-vous bien,je ne suis pas encore écorché vif… Rira bien qui rira ledernier. »

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