La Reine Sanglante

Chapitre 37STRAGILDO À L’ŒUVRE

C’était Stragildo, on l’a compris, qui avaitvu passer Buridan, lorsque le jeune homme redescendait les rampesde Montmartre.

L’ex-gardien des lions du roi s’assit alorssur une pierre et se mit à réfléchir.

« À qui puis-je avoir recoursmaintenant ?… La reine ?… Oh ! je l’ai livrée. J’aiagi avec trop de précipitation. J’aurais dû attendre deux ou troisjours encore. La reine doit être morte à l’heure qu’il est !Sûrement Louis a dû l’étrangler net en la trouvant à la Tour deNesle. À qui m’adresser pour les faire prendre tous dans laCourtille-aux-Roses ? Le roi ?… Hum ! je leconnais : il doit rêver les pires supplices contre celui qui,pourtant, lui a rendu un tel service ! Je suis sûr que larécompense de Stragildo sera pour le moins d’être écorché vif… Qui,alors ? Qui donc a intérêt de s’emparer de Buridan et deMyrtille tout à la fois ?… »

Stragildo éclata de sire.

Il avait trouvé.

Il se leva et jeta un dernier regard de menacevers la chaumière où habitaient Myrtille et Mabel. Puis ildescendit rapidement.

La nuit était tout à fait venue.

Stragildo s’élança et, une fois dans Paris, semit à courir.

Bientôt, il arriva au Temple.

C’était au comte de Valois que Stragildo avaitpensé pour assurer sa vengeance !

Et il vit le roi qui sortait duTemple !

Il le vit si pâle, si triste… Ce jeune hommefougueux, plein de vigueur et d’impétuosité, était sicourbé !… Il y avait un si sombre désespoir sur ce visagenaguère si riant, si heureux ! Stragildo recula engrondant :

« Mon œuvre !… »

Le comte de Valois accompagnait son neveu, luiparlait à voix basse et paraissait lui donner de formellesassurances auxquelles Louis répondait par des hochements detête.

Le roi parti, le comte de Valois demeuraquelques minutes encore sur l’esplanade, entouré de quelquesofficiers.

Stragildo, franchissant le cercle desofficiers qui l’entouraient, s’approcha de lui, et, avant que lesmains qui se levaient déjà pour le saisir se fussent abattues surlui, glissa ces mots à l’oreille de Valois :

« Buridan ! Myrtille ! Je saisoù les trouver ! Je vous les livre !

– Stragildo ! fit Valois, stupéfait.Holà, messieurs, holà. C’est un bon serviteur !… »

Les gens de Valois s’écartèrent et Stragildopénétra avec le gouverneur dans l’intérieur du Temple. Le comte sedirigea droit à son appartement, y fit entrer Stragildo, et, unefois qu’ils furent seuls :

« Qu’as-tu dit ?…

– Je dis, monseigneur, que Buridan,Bigorne, Bourrasque et Haudryot sont en ce moment à laCourtille-aux-Roses, je dis que Myrtille est au hameau deMontmartre et je m’offre de vous conduire près d’elle. »

À ces mots, Valois frappa violemment sur unetable, du pommeau de l’épée. Un valet apparut.

« Mon capitaine des archers !commanda le gouverneur du Temple.

– Monseigneur, dit Stragildo,qu’allez-vous faire ?… De grâce, écoutez-moi… je connais ceshommes, ils ne dorment que d’un œil, ils ont la ruse du renard…Vous allez leur donner l’éveil…

– Parle. Que faut-il faire ?

– Eh bien, monseigneur, fit vivementStragildo, commencez par envoyer à toutes les portes de Parisl’ordre de demeurer fermées toute la journée. De plus, faitesplacer à chaque porte un écrit indiquant que chacun, parcompensation, sera libre d’entrer et de sortir la nuit prochaine.Nous attendrons, patients et tranquilles, toute la journée. Lesoir, à la nuit tombante, nous sortons, nous gagnons Montmartre,nous nous emparons de la gracieuse Myrtille, et dans la chaumièrequ’elle habite, nous attendrons ce maudit Buridan. Voilà leplan.

– Admirable ! » répétaValois.

Les choses se passèrent selon le plan deStragildo, lequel plan, d’après l’évaluation du bandit, et l’estimede Valois, valait une outre gonflée d’or.

Cette journée se passa pour Valois dans unefièvre d’impatience.

Le soir vint enfin.

La consigne donnée avait été scrupuleusementobservée : aucune porte ne s’était ouverte de toute lajournée. Au moment où la nuit commençait à s’épaissir, Valois etStragildo se dirigèrent vers la porte aux Peintres. Deux hommes lessuivaient à distance.

Valois se fit ouvrir la porte et passa enlaissant cet ordre :

« Dans une heure, mais pas avant, passagelibre pour tout venant. »

Au pied de la butte, les quatre hommesattachèrent leurs chevaux à des arbres. Stragildo, levant la main,montra à Valois des lumières qui tremblotaient là-haut.

« Myrtille ! fit-il sourdement.

– En avant ! » dit Valois, quifrissonna jusqu’aux moelles d’une joie terrible.

Et ils commencèrent à monter…

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