La Reine Sanglante

Chapitre 50CONCLUSION

Au printemps de l’an 1325, un jour, vers midi,plusieurs personnages étaient rassemblés dans une jolie taverne dubord de l’eau. Ces honnêtes Parisiens venaient d’achever un repassubstantiel et varié comme peuvent en faire des voyageurs dontl’appétit a été aiguisé par une longue étape. La table avait étédressée sous une tonnelle que fleurissaient des chèvrefeuilles. Àleurs pieds coulait la Seine, toute bleue et paisible. À leurdroite, s’indiquait la masse confuse des tours, des clochetons etdes girouettes du Louvre. Devant eux, par-delà le fleuve, sedressait la vieille Tour de Nesle. Ces voyageurs, qui venaientd’arriver dans Paris et qui avaient eu l’idée de s’arrêter là etnon ailleurs, c’étaient Jean Buridan et sa femme Myrtille ;c’était Gautier d’Aulnay ; c’était Lancelot Bigorne ;c’étaient Bourrasque et Riquet Haudryot…

Ils échangèrent leurs projets d’avenir ;Gautier parlait de se retirer dans ses domaines ! Guillaume etRiquet parlaient d’entreprendre un voyage à travers le monde.Myrtille parla alors d’une voix émue :

« Pourquoi nous quitter ? Est-ce quela destinée ne nous a pas mis dans les mêmes douleurs et dans lesmêmes joies ? »

Il paraît que les compagnons ne demandaient,au fond, qu’à rester ensemble. Car il fut dès lors résolu qu’on nese séparerait plus.

Cependant, Buridan regardait d’un air pensifla vieille Tour de Nesle.

« Maître, demanda-t-il à l’aubergiste,pourquoi la porte et les fenêtres de cette tour sont-ellescondamnées de planches solidement clouées ?

– C’est pour empêcher le spectre desortir, dit l’hôte.

– Quel spectre ? fit Buridan quitressaillait.

– Vous ne savez donc pas ? Ah !oui, vous arrivez de loin… Eh bien… tout Parisien sait cela :il y a un spectre dans la tour, et le roi ne veut pas qu’il sortela nuit pour effrayer ses bons bourgeois, c’est pourquoi toutes lesissues sont condamnées…

– Quel spectre ? répéta Buridan.

– Celui de Mme Margueritede Bourgogne, dont je vous conterai l’histoire, si vousvoulez… »

Les compagnons firent signe que c’étaitinutile. Ils s’entre-regardèrent et se virent tout pâles.

« À quoi songes-tu, Buridan ? repritGautier au bout d’un instant.

– À la thèse que je voulais jadissoutenir en Sorbonne.

– Et c’était ?

– Licitum est occiderereginam…

– Hi han ! fit Bigorne. La thèse estfausse, maître Buridan. On ne tue pas une Marguerite de Bourgogne.Et, vous le voyez, même quand elle est morte, il faut encorel’enfermer pour l’empêcher de tourmenter les bourgeois. Vertueuse,bonne envers ses semblables, on ne parlerait plus d’elle depuislongtemps. Ribaude, terrible et perverse, vous pouvez m’en croire,on en parlera dans les siècles des siècles, alors que la vieilletour aura été démolie depuis longtemps… »

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