La Reine Sanglante

Chapitre 20SUITE DE L’ÉVASION DE MALINGRE

Pendant que le premier ministre, après sonétrange rencontre avec ce mourant qui lui a remis un rouleau deparchemins, poursuit sa route, sombre et pensif, vers cette mêmeheure, Simon Malingre et Gillonne avaient réussi à s’enfuir etparcourant au hasard la Cour des Miracles, obscure et silencieuse,ils étaient tombés en arrêt devant une maison où ils avaient vu unelumière et entendu des bruits.

Une porte s’était à cette minute brusquementouverte.

Une troupe de huit à dix hommes était apparueconfusément dans la nuit.

Simon Malingre et Gillonne, qui marchaientd’épouvante en épouvante, n’eurent que le temps de se jeter dans untrou. Puis la porte se referma. Et cette troupe aperçue se retira,s’évanouit comme une compagnie de fantômes.

Mais Gillonne et Simon avait entendu quelquesmots, entrevu des visages, et tous deux avaient frémi – cette foisd’une telle joie qu’ils en oubliaient le jeûne auquel ils venaientd’être soumis.

« Tu ne l’as pas entendu donner le mot depasse qui nous permettra de sortir de cette cour maudite ?

– Si fait bien, je l’ai entendu !D’Aulnay et Valois ! »

Et Malingre ajouta, pensif :

« Il est là ! Dire qu’il est entrélà ! Que dit-il ? que fait-il ?…

– C’est une véritable bénédiction, repritGillonne, que nous nous soyons trouvés là pour entendre…Maintenant, nous pouvons fuir en toute assurance. »

Pendant ce temps, Simon restait très absorbédans la contemplation d’une ouverture pratiquée à une certainehauteur du sol et de laquelle s’échappait une faible lueur.

Cette ouverture, c’était tout simplement un deces trous comme nous avons dit qu’il en existait à peu près àtoutes les masures de la Cour des Miracles.

Malheureusement, ce trou était placé trop hautpour qu’on pût espérer l’atteindre.

À force de chercher, Simon trouva qu’il yavait une borne placée à peu près sous le trou.

Il monta sur la borne, mais il s’en fallaitencore de toute sa hauteur pour qu’il pût atteindre le bienheureuxtrou.

Alors, il se mit à palper minutieusement lamuraille pour voir si quelque interstice ne lui permettrait pasd’atteindre ce trou, objet de ses désirs : il fallut renoncerà ce moyen.

Simon commençait à se désoler.

Gillonne lui dit :

« Si tu peux me supporter, je monteraisur tes épaules et j’irai voir là-haut. »

Et comme Simon paraissait hésiter encore, elleajouta :

« D’ailleurs, tu n’as pas d’autres moyensde savoir. »

C’était vrai. Simon le comprit bien.

Alors, prenant soudain son parti :

« Monte ! » dit-il.

Grâce à des prodiges d’adresse, Gillonneparvint à se mettre debout sur les épaules de Simon, qui supportaitstoïquement le poids.

Ainsi juchée, la mégère se trouvait à hauteurdu trou d’où elle put voir assez facilement ceux qui se trouvaientà l’intérieur et entendre ce qu’ils disaient.

Lorsqu’elle vit que ces personnages selevaient pour sortir, Gillonne jugea que la conférence devait êtreterminée et elle se laissa glisser à terre.

« Ouf ! dit Simon avec un soupir desoulagement, je n’aurais jamais cru que tu étais si lourde… Ehbien, qu’ont-ils raconté ? »

Prudemment, Gillonne se terra dans son trou enlui faisant signe de l’imiter.

L’instant d’après, la porte s’ouvrait ànouveau et cinq hommes en sortaient.

Lorsque Simon et Gillonne se furent assurésque ceux qu’ils venaient d’épier s’étaient enfoncés dans la nuit,ils se levèrent vivement et prirent une direction opposée, necherchant pas à se dissimuler et s’efforçant de prendre une allurepaisible. Grâce au mot de passe surpris si fort à propos, ilspurent enfin sortir indemnes de cette Cour des Miracles où ilsavaient bien cru un instant laisser leurs os.

Lorsqu’elle se jugea enfin hors de danger,Gillonne consentit à parler et à répéter à Simon tout ce qu’elleavait vu et entendu. Celui-ci ne perdit pas un instant.

« Vite, dit-il, séparons-nous : toi,Gillonne, va m’attendre à la Courtille-aux-Roses. Moi, je cours auTemple, et cette fois non seulement nous rentrerons en grâce, nonseulement monseigneur ne nous fait pas brûler, mais encore il nousenrichit. Va, Gillonne, et moi pour arriver plus vite, je vaisprendre un cheval au Louvre. »

La mégère regarda avec un œil méprisant Simonqui s’éloignait sans plus s’occuper d’elle :

« Va !… Va, au Louvre et au Temple,tirer profit des paroles que je t’ai répétées… Mais il est de plusimportants secrets que j’ai recueillis ; ceux-là, je sauraibien en tirer profit pour moi seule, et, avec l’aide du Ciel,dommage et châtiment exemplaire pour ta mauditepersonne… »

Cependant, Simon Malingre, assez étonné queGillonne l’eût laissé aller seul, se dirigeait rapidement vers leLouvre où il arrivait sans encombre.

Par ses fonctions auprès d’un puissantpersonnage comme l’était son maître, Malingre était à même deconnaître autant que personne de la cour nombre de personnages etofficiers. Arrivé tout haletant au Louvre, Simon s’informa du nomdes officiers en ce moment de service.

Parmi les noms qu’on lui cria, il retint ceuxde deux officiers appartenant à un corps placé sous les ordresdirects de Valois et, parmi ces deux-là, celui d’un officier qui,approchant de près fréquemment son supérieur, le connaissait, luiSimon, comme l’âme damnée du comte.

Malingre n’hésita pas et se fit conduiredirectement auprès de cet officier à qui il raconta la premièrehistoire venue et qu’il décida facilement à faire ce qu’il avaitjugé utile à ses desseins, en lui faisant valoir qu’il rendrait làun service dont Valois saurait lui tenir compte.

Le résultat de cet entretien fut que, quelquesinstants plus tard, Simon Malingre, monté sur un excellent cheval,filait ventre à terre vers le Temple, tandis que l’officier mettaittoute sa diligence à rassembler une trentaine d’hommes aveclesquels à son tour il prenait le chemin du Temple. Sûr de lui etdu renfort qu’il amenait, Simon parvint au pont-levis qui s’abaissasans difficulté pour lui. Quelques instants plus tard, Malingrepénétrait chez Valois, dont le premier mouvement en l’apercevantfut d’appeler pour le faire saisir.

« Un instant, monseigneur, dit Simon,vous me ferez rouer ou brûler demain. Maintenant,écoutez… »

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