La Reine Sanglante

Chapitre 36LE CAVEAU DE LA COURTILLE-AUX-ROSES

Qu’était devenu Stragildo ? Nous allonsle dire en peu de mots.

Stragildo avait été enfermé dans le caveauvoisin de celui où Simon Malingre et Gillonne devaient sitristement terminer leurs jours.

Deux journées, deux mortelles et longuesjournées se passèrent ainsi, sans qu’il eût pu même ébaucher unplan quelconque.

Le troisième jour, la porte du cachot voisins’ouvrit. Il entendit comme le bruit sourd d’un corps posé à terresans précaution, et la porte se referma.

Stragildo qui, toujours silencieux, écoutait,la face collée contre un trou de la cloison, put assister à la mortde Gillonne ainsi qu’à la longue et terrible agonie de Malingre,devenu fou.

Pas un instant, l’idée ne lui vintd’intervenir et d’essayer de sauver la femme qui râlait derrièrecette cloison qu’il aurait pu facilement abattre.

Il ne songea pas davantage à intervenirlorsque le fou se mit à creuser le trou où il cherchait sontrésor.

De temps en temps, il exprimait tout haut sespensées.

« Oui, oui, creuse, creuse toujours… jen’ai pas besoin de me presser… tu travailles pour moi… Par l’enfer,c’est à croire que mon maître Satan lui-même m’a dépêché ce foupour me prêter assistance… il me donne une idée et il fait mabesogne. »

D’où provenait donc la satisfaction deStragildo ?

Tout simplement de ceci : ses yeuxs’étaient habitués à l’obscurité et il avait remarqué que Malingre,dans sa folie, creusait le sol sous la porte de son cachot.

Cette action irraisonnée du fou avait été untrait de lumière pour Stragildo qui s’était dit :

« Laissons le fou préparer la besogne etcherchons si je ne pourrais trouver un ustensile qui puisse mepermettre de pratiquer un trou dans cette cloison.

« Après quoi j’agrandirai ce troucommencé et passerai sous cette porte… Quant au fou, s’il megêne… »

Un rire silencieux compléta sa pensée.

« Enfin, je crois que ceci fera monaffaire. »

Ceci, c’était tout simplement une tige de ferlongue de quelques pouces et grosse comme un doigt.

Il s’en saisit et dit :

« Oui, ça ira avec ça… Mais je n’entendsplus mon aide… Çà ! ce maître fainéant serait-il fatigué et sereposerait-il par hasard ?… »

Rapidement, Stragildo, doué d’une force peucommune, avait pratiqué une brèche suffisante et, sa tige de fer àla main, s’était faufilé dans le caveau voisin.

Il alla droit au fou qu’il secouabrutalement.

« Tiens ! fit-il avec la pluscomplète indifférence, il est mort !… »

Sans s’attarder en réflexions, il repoussa lecorps qui le gênait et inspecta les travaux.

Malingre, sans savoir ce qu’il faisait, avaitcreusé comme une sorte de tranchée qui s’étendait sous laporte.

Stragildo continua ce travail, y apportant laméthode et le soin nécessaires.

Après quelques heures d’un labeur acharné,Stragildo se trouva de l’autre côté de la porte, dans le couloirdes caves.

Là, il respira fortement et s’arrêta quelquessecondes en épongeant son front ruisselant de sueur.

« Si la porte de là-haut est aussibarricadée, je suis perdu », murmura-t-il.

Néanmoins, il ne s’arrêta pas longtemps ets’aventura dans le couloir en tâtonnant.

Au bout de quelques pas, il heurta lesdernières marches d’un escalier qu’il se mit à gravir avecprécaution.

Au haut de l’escalier, il se trouva devant uneporte qu’il essaya d’ouvrir.

La porte résista.

« Malédiction ! elle est fermée àclef », murmura-t-il sourdement.

Alors il se mit à inspecter minutieusement laserrure, et un sourire de satisfaction vint errer sur seslèvres.

Il glissa la pointe de sa tige entre le boiset le mur et appuya de toutes ses forces décuplées.

La porte céda.

Il était libre.

Son premier mouvement fut de fuirimmédiatement.

Mais une réflexion lui vint, il se retourna etpoussa soigneusement la porte en la refermant de son mieux, puis ils’orienta.

Il y voyait clair maintenant et pouvait sediriger aisément.

Il pénétra dans une salle du rez-de-chaussée,elle était déserte ; mais, sur un meuble, il vit une épée etune dague.

Il prit la dague et, après avoir inspecté lalame avec un sourire farouche, il la passa à sa ceinture etcontinua ses recherches.

« Voyons plus haut », fit-il, aprèsavoir constaté que le rez-de-chaussée était inhabité.

Et il monta au premier.

Sur le palier, un murmure de voix lui fitdresser la tête.

« Ils sont dans le grenier », fit-ilavec un sourire de satisfaction.

Et, sa dague au poing, il monta augrenier.

Au fur et à mesure qu’il approchait, ilentendait plus distinctement des voix.

Soudain, il s’arrêta net, cloué sur place.

Il venait d’entendre distinctement une phrasecomplète.

« Oh ! oh ! fit-il avec unejoie délirante, inutile d’aller plus loin… je les tienstous. »

Et il redescendit à pas de loup et se trouvaen quelques instants dans le jardin qu’il franchit sansencombre.

Sur la route, avant de s’éloigner, il setourna vers la maison ; le poing en l’air et les dentsserrées, il répéta encore :

« Tous !… je les tiens tous !…ils sont à moi. »

Et il partit rapidement engrommelant :

« Montmartre !… Soit, allons àMontmartre, et je trouverai sûrement. »

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer