Le Bataillon de la Croix-Rousse

Perfidie de femme

C’était bien en effet un secours qui arrivaità Châlier.

La baronne montrait bien quelque peu tropd’audace en venant ainsi s’adresser à Châlier, même sous undéguisement : mais, outre l’insouciance inouïe avec laquelleMme de Quercy joua mille fois sa tête pendantla Révolution, outre ce courage joyeux et narquois qui faisait lefond de sa nature, elle ne risquait pas dans cette circonstanceautant qu’on aurait pu le penser.

Non loin de là, à la lueur des torches, troisbataillons bourgeois faisaient l’exercice sous la direction de cesinstructeurs suisses qui avaient été envoyés par les soins du comted’Artois.

Étienne, admirable en Auvergnat, car c’étaitMme Adolphe qui l’avait habillé, Étienne était deplanton à la porte, prêt à faire appel aux gardes nationaux et àsauver la baronne, s’il en était besoin.

Du reste, celle-ci comptait sur sa façonmerveilleuse de se grimer.

On aurait pu courir tous les faubourgs de Lyonpour trouver un gamin du ruisseau mieux réussi : elle imitaitmême l’inimitable accent de la Guillotière.

Châlier, en voyant cette tignasse frisée,ébouriffée, ce masque malin sur lequel tombaient jusqu’à la moitiédu nez des crépons de cheveux emmêlés à défier le peigne deCharles, ex-coiffeur à la mode qui s’était donné le genred’émigrer, Châlier, tout à son idée du reste, n’eût jamaissoupçonné une émigrée, une ci-devant, dans ce moutard qui luiparlait le jargon tramant de la Guillotière.

Ce don des langues, des argots, de l’accent,du geste, la baronne le devait à un talent de comédienne, inné enelle ; elle était grande dame et cabotine.

Elle avait obtenu sur le théâtre deMarie-Antoinette, à Versailles, des succès à rendre jalouses lescomédiennes ordinaires de sa Majesté.

Châlier suivit donc ce gamin, sans se douterde rien, sinon que, rancuneux du soufflet reçu, il allait luidonner une arme contre Saint-Giles.

Il ne se trompait point.

La baronne l’emmena dans un couloir, àl’écart.

Là, se plantant devant Châlier, elle luidit :

– Citoyen ! tu es un homme ! tum’as revengé contre ce grand butor de Saint-Giles qui, au fond,n’est qu’un muscadin : ça peut se voir à son habit. Il pue lemusc comme une cateau, et il se paie des breloques comme un« beau fils de la place Bellecour ». C’est « uneculotte de soie ». Il en porte une, du reste. On peut la voiret la toucher.

– C’est pourtant vrai ! Il est parécomme une châsse ! dit Châlier, incapable d’admettre qu’unartiste se laissât emporter par son goût de la recherche et del’élégance en dehors des habitudes d’austérité que l’on affectaiten ces temps là, dans les manières et la mise parmi lesrépublicains.

– Un prince, quoi ! fit labaronne.

– Et ambitieux ! ajouta Châlierdisposé à prêter beaucoup d’intentions malsaines à Saint-Giles dontle caractère railleur et indépendant l’avait souvent heurté.

– Et toi, citoyen, tu le laissesfaire ! Tu lui permets de te couper l’herbe sous lepied ! Il t’a pris ton idée et il te prend ta protégée pour enfaire sa maîtresse, car il l’aime.

– Qu’en sais-tu ? demanda Châlierqui avait tressailli.

Il eût voulu donner à sa pupille un mari de samain et il n’eût pas choisi Saint-Giles dans la situation où il setrouvaient l’un vis-à-vis de l’autre.

Le cœur humain est ainsi fait que Châlier,très attaché à la Pie, sa gouvernante, incapable de songer àépouser cette très jeune fille, n’en éprouvait pas moins unsentiment de jalousie contre Saint-Giles.

De là cette question jaillissant brusquementde ses lèvres :

– Qu’en sais-tu ?

– J’en suis sûr ! dit la baronne. Eten voilà la preuve.

Elle montra à Châlier le portrait au crayonque Saint-Giles avait fait de sœur Adrienne et qu’elle lui avait siprestement enlevé.

– Voilà, citoyen, dit-elle, à quoiSaint-Giles s’occupait quand je l’ai pincé, parce que vois-tu,citoyen, tu es pour moi comme qui dirait le bon Dieu du peuple etça me faisait bouillir le sang de voir un grand gueusard de garçons’occuper à tirer des portraits de femmes pendant que tu prêchaisla République.

– Je le démasquerai ! ditChâlier.

– Oui ! Entre quatre-z-yeux !insinua la baronne. Faut laver le linge sale de la République enfamille. On peut bien lui dire ses vérités devant deux ou troisamis à ce musqué et lui défendre d’aller chez sa mère tant que lapetite y sera. Comme il s’engage bientôt volontaire, à ce qu’ildit, ce sera l’affaire de quelques jours pour lui ; il mangeraen ville, et, les nuits, il courra les bastringues. Ça ne lechangera pas.

– Ah ! fit Châlier, il estdébauché.

– Parbleu ! On ne voit que lui, lanuit par les rues.

L’accusation présentait un certain caractèrede vraisemblance ; comme tous les artistes, Saint-Giles étaittrès irrégulier et passablement noctambule.

En ce moment, il se produisit un grand tumultedans la salle.

Tant d’orages s’étaient si souvent déchaînésdans cette salle que Châlier ne s’émut point de ce bruit ; ilsuffirait d’une interruption malencontreuse pour soulever unouragan de protestation.

– Ainsi, demanda Châlier, revenant àSaint-Giles, il court la prétentaine le nuit ?

– Toujours en noce, dit la baronne.Demande lui donc, citoyen, d’où il sortait quand il a rencontrécette ci-devant qu’il a délivrée sur le quai del’Archevêché ?

– Tiens ! Tiens ! fitChâlier.

La baronne, en excitant les soupçons dutribun, avait, on le verra, un double but. Elle pensa qu’elle enavait dit assez.

Cependant Châlier, revenant à une premièreidée, murmura :

– J’ai bien envie de l’accabler devant lepeuple.

– Citoyen, prends garde ! Le peuplene te croirait peut-être pas, dit la baronne qui ne voulait pointlaisser donner cette tournure à l’affaire. Saint-Giles sejustifierait peut-être en mentant et la foule est pour lui en cemoment. Tandis qu’entre quatre-z-yeux… tu pourras lui demander desnouvelles du père Martin.

– Ah ! Ah !

– Lui parler du rendez-vous qu’il y a cesoir.

– Oh ! Oh !

– Le mettre au défi d’y aller.

– Eh ! Eh !

– Et il n’osera pas mentir, dire non,renier la vérité.

– Sois tranquille, mon ami, je leforcerai bien de convenir des faits, mais comment sais-tu toutcela ?

– Citoyen, un vendeur de journaux, c’estcomme le ci-devant bon-dieu du catéchisme, il voit tout, sait tout,est présent partout.

Châlier se mit à rire.

La baronne reprit :

– Je me glisse, je me faufile, jem’introduis, j’écoute, j’entends, je retiens tout. On ne se défiepas plus du petit vendeur de journaux qui passe que du moucheronqui vole.

– Ah, mon ami, dit Châlier, si tuvoulais, quels services tu pourrais rendre à la République…

La baronne fit un geste vif de gamin outré etprotesta :

– Compris ! Mouchard ! Voilà ceque tu me demandes !… Veux pas ! Si Saint-Giles nem’avait pas battu, je n’aurais rien dit sur son compte. Mais il m’abattu, ce grand chien braque ! Eh bien je serai sa puce.Surtout, défie le d’aller à ce rendez-vous ? Il ira parvantardise et s’il y va, je te le ferai savoir.

– C’est convenu. As-tu par hasard besoind’argent ?

– Moi ! Je gagne trop ! Mais jeverse mon surplus aux dons nationaux.

– Brave cœur ! dit Châlier attendriet… roulé.

Mais l’orage continuait dans la salle.

– Que diable se passe-t-il là-bas ?fit Châlier.

– Vas z’y voir, citoyen ! dit labaronne.

Il s’éloigna.

Elle le regarda s’en allant, puis elle eut surles lèvres le sourire charmant de la femme qui triomphe d’unhomme.

– Encore un, fit-elle que je mènerais oùje voudrais si je voulais le conduire, au lieu de le pousser… Lemalheureux !

Elle poussait à l’échafaud.

Saint-Giles qui s’amusait, éprouva comme unchoc désagréable à la vue du visage bilieux de Châlier qui lui ditd’un ton sec :

– Citoyen, lorsque ta mère aura reçu desmains du peuple ma jeune protégée, quelques amis et moi noust’attendrons dans la petite salle du comité, pour uneexplication.

Et saluant d’un air empressé, il s’éloigna,laissant Saint-Giles se demander ce qu’on lui voulait.

– Eh ! lui dit son ami, quiconnaissait Châlier sur le bout du doigt, c’est bien simple. Cessauveurs du peuple, ces tribuns sont tous les mêmes : jalouxde la faveur populaire, ils ne peuvent supporter un succès à côtéd’eux et tu vas être tancé.

– Je ne le supporterai pas, ditSaint-Giles.

– Prends garde, alors ! Si tufroisses Châlier, il deviendra ton ennemi et sa haine sera mortelleun jour. Cet homme est grand, bon, mais fou, fanatique et cruel parexcès.

– N’importe ! dit Saint-Giles, je lebraverai.

Et il releva sa tête vaillante en signe dedéfi.

Son regard rencontra celui de Châlier, quiobservait son adversaire à distance il y eut un choc entre les deuxéclairs de leur pensée ; la haine jaillit de ce heurt de deuxvolontés également puissantes.

L’arrivée des députés qui ramenaientMme Saint-Giles et sa famille fit diversion à ceduel muet qui s’engageait.

Quoi que ses détracteurs aient pu dire, lepeuple a l’instinct du simple et du grand.

À l’aspect de cette femme à laquelle onrendait un si solennel hommage, toute la salle se leva et garda unreligieux silence.

Le président de la députation, montrant aupublic Mme Saint-Giles, dit sans emphase, trèsnoblement et très laconiquement :

– Citoyens, je vous présente la plushonnête femme de Lyon.

Mme Saint-Giles, sansembarras, s’avança et dit :

– Il n’y a pas de degré dans l’honnêteté.Une femme est honnête ou ne l’est pas. Mon fils étant connu, vousavez pensé à moi plutôt qu’à une autre des cinquante millecitoyennes sur lesquelles il n’y a rien à dire. Je ne vous remerciepoint, parce que ce n’est pas un honneur que vous me faites, maisune charge que vous m’imposez et que j’accepte par humanité.

Cette fierté souleva un murmured’admiration.

On amenait sœur Adrienne, qui chercha Châlierdans le voisinage de Mme Saint-Giles.

Elle ne le vit point.

Cette mère gênait le tribun, qui se sentaitmordu au cœur par une grande colère contre le fils.

Il se tenait à l’écart.

Saint-Giles, par discrétion, était sorti de lasalle.

Tout se passa donc entre le président etMme Saint-Giles, qui reçut sœur Adrienne enl’embrassant aux applaudissements de la foule et qui l’emmena enlui faisant un charmant cortège de ses jeunes enfants.

On s’imagine à tort que l’on invente enintrigue amoureuse.

Erreur.

Sur le chapitre de la galanterie, tout a étéimaginé, fait et refait par les femmes. Mais, en revanche, on peutaffirmer aussi qu’aucun truc, si vieux qu’il soit, n’est usé quandil s’agit de pincer un amoureux au piège.

Saint-Giles en fit l’expérience cette nuitmême.

Mme de Quercy lui prouvala vérité de cet aphorisme.

Après avoir fait manœuvrer Châlier comme unsimple pantin, la baronne était allée au triple galop d’une voitures’habiller en grisette lyonnaise et y avait parfaitement réussi enun tour de main, aidée par Mme Adolphe.

Elle avait demandé à celle-ci :

– Vous êtes sûre de l’homme ?

– C’est mon cousin ! avait réponduMme Adolphe.

Ce qu’elle avait de cousins étaitincalculable.

– Vous êtes certaine qu’il sera posté enface du Club ? avait redemandé la baronne.

– Il y est ! avait affirméMme Adolphe. Sa femme, qui le surveille, m’a envoyéson petit me dire qu’il faisait faction.

– Pourquoi sa femme lesurveille-t-elle ?

– Pour être sûre qu’il ne se grisera pas.Un Auvergnat qui s’ennuie va boire, et c’est embêtant lesfactions !

– Bien ! Vous êtes un phénix, madameAdolphe.

– Oui ! Un phénix pourl’intelligence et un caniche pour le dévouement. Mais voilà, je nesuis pas belle, et c’est le chiendent ! Oh ! si j’étaisjolie à croquer comme vous ! je m’en paierais… à encrever !

– Et l’enfer ? MadameAdolphe !

– On se confesse ! dit naïvementl’Auvergnate.

– Mais, Madame Adolphe, dit la baronne,on vous a aimée, ce me semble ?

– Oui… pour mon argent… pas pour mesbeaux yeux. C’est bien différent.

– Savez-vous demanda-t-elle comment ças’est toujours terminé, mes amours ?

– Non, Madame Adolphe.

– Eh bien, Diou bibant, j’ai toujours étéobligée d’en finir par les battre comme plâtre ; même j’aicassé un bras à un bien joli sapeur : j’en ai pleuré toutesles larmes de mon corps… Il n’a jamais voulu me revoir.

– Pauvre madame Adolphe ! fit labaronne d’un air compatissant.

Et comme elle avait donné le dernier pli auxrubans de son bonnet, elle s’en alla sur cette parole decommisération.

Mme Adolphe, la voyant filersi vite, poussa un profond soupir et murmura :

– Doit-il être gentil, ce mirliflore,pour qu’elle coure après lui comme ça. Elle a des ailes.

Et elle s’en alla agacer un vieux planton quin’avait pas l’air insensible à ses charmes secrets, surtout quandelle lui avait offert une bouteille de Côtes-Rôties.

Mais voilà ! Le planton n’était pasbeau.

Elle aimait le beau,Mme Adolphe.

À la vue d’un beau soldat, misère d’elle etmiséricorde du Seigneur ! Son sang ne faisait qu’un tour.

Cependant, la voiture de la baronne emportaitcelle-ci au Club.

Devant la porte, elle aperçut l’Auvergnatqu’elle reconnut à un signe convenu.

Elle l’aborda, lui dit quelques mots, congédiasa femme et lui fit signe de la suivre.

Il entra avec elle dans une maison voisined’où l’on pouvait surveiller la sortie du Club.

Cette maison appartenait à un royaliste qui lamettait à la disposition de la baronne.

Installée dans une chambre du rez-de-chaussée,seule avec son Auvergnat, la baronne lui dit avecautorité :

– Vous avez reçu un acompte, n’est-cepas ?

– Oui, mademoiselle, répondit l’homme.Mais c’est ma femme qui l’a dans sa poche.

Il y avait là comme l’expression d’unregret.

La baronne le comprit.

Elle fouilla dans sa poche, en tira une bourseet donna un écu à l’Auvergnat.

– Pour vous ! dit-elle. Autantdemain si je suis contente. Votre femme ne saura rien de ce doublepourboire.

L’Auvergnat, aux anges, prit une mine de SaintBaptiste et voulut se lancer dans des protestations.

– Inutile, dit la baronne. Voilà tout ceque je vous demande, écoutez, ce n’est pas difficile à faire.

L’Auvergnat qui eût tenté l’impossible, parutcharmé d’être si bien payé pour peu de chose.

La baronne reprit la parole.

– Vous me suivrez, dit-elle, à distancede dix pas, quand nous sortirons d’ici. Puis, lorsque je vous enferai signe, vous me rejoindrez.

– Cha n’est pas diffichile, en effet,vous avez raison.

La baronne continua :

– Vous me prendrez par la taille.

– Cha ch’est plus fachile encore,mademoiselle.

– Vous recevrez un bon soufflet et je medébattrai en criant.

– Un choufflet !

– Oui, un choufflet ! Pour deuxécus !

Et sûre que l’Auvergnat trouverait le marchétrop bon pour le casser, elle termina ainsi sesrecommandations.

– À mon appel, il viendra un jeunehomme.

– Je le rocherai, dit l’Auvergnat, remplide bonne volonté.

– Non, vous vous sauverez.

– Chi cha vous fait plaisir, cha m’estégal.

– Vous vous sauverez même très vite, carce jeune homme est très brave. Mais je le retiendrai.

– Vous pouvez le lâcher, je ne chuis pasmanchot, moi.

– Non ! Pas de lutte.

– Entendu, alors. Pas de tripotée.

L’Auvergnat tira pipe et voulut fumer.

– Non ! fit-elle. Pas de tabac.

Et à part elle :

– Il ne manquerait plus que ça !Sentir la pipe.

Elle se mit à guetter Saint-Giles.

Les Jacobins faisaient des frais de lumièrepour éclairer la façade de leur Club.

Un Club est une boutique comme uneautre : il faut l’achalander.

Une illumination est un moyen de réclame.

La porte de sortie était assez étroite ;elle ne permettait de passer qu’à trois personnes de front.

La baronne était sûre de reconnaîtreSaint-Giles.

Ils étaient rares, les Jacobins qui osaients’habiller en muscadins.

Elle vit entrer puis ressortirMme Saint-Giles escortée par la députation.

Elle se pinça les lèvres à l’aspect de sœurAdrienne à laquelle on faisait une ovation dans la rue.

Puis pendant un grand quart-d’heure, plusrien.

Elle éprouva tous les ennuis de l’attente,toutes les impatiences de l’incertitude.

L’explication qu’elle supposait avoir lieuentre Saint-Giles et Châlier et qui entraînait en effet entre euxune longue querelle, lui semblait interminable.

Se serait-elle trompée ?

Ses calculs seraient-ils déjoués ?

Elle avait pourtant manœuvré bien habilementpour qu’il ne rentrât pas chez lui, pour qu’il se rendît aurendez-vous.

Sa dernière combinaison allait-elleavorter ?

Et ce quart-d’heure…

Elle en trépignait.

Mais non, Saint-Giles n’était point sorti.

Il avait discuté furieusement avec Châlier, etil parut enfin sur le seuil de la porte de sortie, seul et furieux,car il brandissait sa canne comme un homme qui rage.

La place était déserte.

Il s’avança indécis et fut bientôt au bout dela place, hésitant entre deux rues, l’une conduisant chez lui à laCroix-Rousse, l’autre filant dans la direction des Brotteaux.

La baronne qui l’avait suivi, elle-même suiviede l’Auvergnat, jugea le moment venu de mettre fin à l’incertitudede Saint-Giles.

Elle fit signe à l’Auvergnat.

L’Auvergnat fit consciencieusement sondevoir.

Il accourut à l’appel de la baronne, lui pritla taille, reçut son soufflet et entendit celle qu’il appelait lapetite demoiselle crier à l’aide.

Saint-Giles, qui s’était retourné au premierbruit d’une altercation, reconnut qu’une femme se débattait dansl’ombre aux mains d’un homme ; il se précipita de ce côté, lacanne levée.

L’Auvergnat s’enfuit, exécutant le programmeimposé, et la baronne se jeta dans les bras de Saint-Giles.

– Ah, monsieur, dit-elle, comme ce vilainivrogne m’a fait peur.

– Rassurez-vous, mademoiselle, dit lejeune homme, vous voilà en sûreté maintenant. Je suis Saint-Gileset c’est vous dire que vous pouvez accepter mon bras jusqu’à votredomicile.

– Comment, c’est vous !s’écria-t-elle.

– Et vous ? La petite baronne !dit Saint-Giles.

Il était enchanté.

– Quelle chance que je me sois trouvé là,reprit-il.

– Et quel bonheur pour moi !fit-elle. Je m’en allais désespérant de vous voir.

– Vous me cherchiez ?

– Je vous attendais. Je savais que vousdeviez aller ce soir aux Brotteaux pour ce souper.

– Ah ! votre cousin vous l’avaitdit ?

– Non ! C’est M. Rateau qui m’aenvoyé prévenir que vous souperiez et que, par conséquent, si mamère allait mieux, je ferais bien de revenir pour rattraper letemps perdu, car j’aurais deux cavaliers pour me reconduire, vouset mon cousin.

Regardant Saint-Giles :

– Partons si vous voulez bien !dit-elle.

– Attendez ! Voilà unevoiture ! Heureux hasard à cette heure.

– Vous faire aller cette grosse dépensepour moi : je ne veux pas.

Mais il avait hélé le cocher et il était troptard pour protester.

On monta.

Saint-Giles oublia absolument sœur Adrienne,Châlier, le Club et même la République, en sentant les jupes de lapetite baronne s’étaler sur ses genoux.

Elle continua ses explications.

– Figurez-vous, dit-elle, que, la crisese prolongeant, je ne pouvais quitter maman. Enfin, sur les dixheures, elle allait mieux. Vous pensez bien que je ne serais pasretournée aux Brotteaux si je ne m’étais rappelée que, dans maprécipitation, j’avais oublié de remettre les clefs àM. Rateau qui est peut-être sans linge pour ses tables en cemoment.

– Vous voyez, dit Saint-Giles, que nousavons bien fait de prendre une voiture.

– Je vous en remercie, dit-elle.

Et elle reprit :

– Pensant bien que vous seriez au Club,j’ai envoyé un de mes petits frères s’informer et il est revenum’annoncer que vous étiez là. Alors je suis venue, déterminée àvous attendre pour vous demander de me protéger jusque là-bas.

D’un ton qui émut beaucoup Saint-Giles, elleajouta :

– Moi, voyez-vous, j’ai confiance en vouset si quelqu’un nous ayant rencontrés y trouvait à redire, jeserais au-dessus de ces cancans ! La loyauté est peinte survotre visage.

Saint-Giles se laissait bercer par ces parolescaressantes avec tant de plaisir qu’il ne ressentait plus les rudescahots de la voiture.

– Et le cousin ? demanda-t-il.

– Pas de nouvelles ! Nous letrouverons là-bas ! dit-elle. Il sera bien content que voussoyez venu ou plutôt revenu.

– Il paraît qu’on l’a consignéjusqu’après le discours de Châlier, mais c’est fini. On ne sebattra pas cette nuit : la consigne sera levée.

Ils causèrent ainsi jusqu’au cabaret.

Plusieurs fois les cahots et aussi la malicede la baronne entrechoquèrent leurs genoux, les dos d’âne et lesornières de la mauvaise route des Brotteaux les jetèrent souventl’un sur l’autre.

Saint-Giles éprouva de délicieusessensations.

Les parfums capiteux qui s’échappent, discretsmais pénétrants, d’un beau corps de femme sain, jeune et fraisremplissaient l’atmosphère de la voiture et grisaient Saint-Giles,sensible comme tous les artistes à l’odor dellafemina.

Il se montait la tête à ce point qu’il futenchanté d’arriver.

Le père Rateau attendait sur sa porte selonson habitude, quand le bruit d’une voiture lui annonçait desclients.

À la vue de la petite baronne et deSaint-Giles, il s’écria :

– Comment ! En voiture ! Tousles deux…

Il prit un air sévère.

– Ne vous formalisez pas ! dit labaronne.

Elle conta l’histoire de la place.

Le père Rateau écoutait en faisant desobservations gênantes, on pourrait dire cyniques.

– Pas chiffonnée ! disait-il, trèsbien ! Parfait ! Les yeux clairs et vifs ! Ça vabien !

D’un air satisfait :

– J’accepte les explications, petite, malongue expérience me permettant de juger qu’il n’y a pas de suite.Mais que l’on n’y revienne plus à commettre de cesimprudences-là.

Se coupant :

– Il n’est tel que les jeunes fillesvertueuses, les Lucrèce, pour avoir du toupet. Se fourrer dans unevoiture avec le plus beau garçon de Lyon ! On n’a pas idée deça.

– Mais, M. Rateau, il fallait bienvous rapporter vos clefs ou du moins vous les retrouver !

– Ta ! Ta ! J’aurais faitforcer les portes des armoires : il me semble que cela vautmieux que de s’exposer à être soi-même… compromise.

Saint-Giles envoyait le père Rateau à tous lesdiables : à part lui, il se demandait comment cet hommepouvait commettre cette contradiction de vouloir qu’on respectât lapetite baronne et de plaisanter sur la délicatesse avec laquelle onse comportait vis-à-vis d’elle.

S’il avait su la fin des choses, il aurait étémoins surpris.

Pour détourner la conversation, il demanda aucabaretier :

– Et le fifre ?

– Le fifre ! fit le père Rateau quivoulait donner le temps à la baronne de mettre son uniforme. Envoilà un qui est dégourdi pour son âge. On n’entend que les crisdes filles dont il pince les mollets quand il vient ici. En voilàun auquel je ne confierai pas le… le… le saint sacrement del’amour.

– Enfin, est-il là ? demandaSaint-Giles impatienté.

– Je crois qu’il tourne autour du cabinetbleu. Il y a une petite blonde attirante qui attend quelqu’un, etil doit chercher à lui faire prendre patience.

Et d’un air fier :

– Un mâle, en crapaud ! mais je vaislui secouer les puces et lui dire que tu es arrivé ; prendsquelque chose en attendant.

Le père Rateau s’en alla d’un pas leste poursa corpulence, laissant Saint-Giles furieux.

Celui-ci faisait ses réflexions et sedisait :

– Décidément, les brutes sont les brutes.Voilà un homme qui devrait me remercier, puisque je me suiscomporté en galant homme avec une jeune fille à laquelle ils’intéresse. Eh bien, non ! L’instinct de la bête reprend ledessus et il me fait sentir qu’il me regarde comme un nigaud. Et ilen fera des gorges chaudes avec ses clients.

Saint-Giles se consola en se disant :

– Imbécile, le père Rateau !

– Que non pas, citoyen Saint-Giles.

En ce moment, il disait en riant à la baronnedéguisée en fifre :

– Pauvre Saint-Giles ! il estchauffé à blanc.

Elle sourit et courut chercherSaint-Giles.

Et elle enfila l’escalier avec une légèretéd’oiseau.

François, garçon intelligent, attendait à sonposte.

Le potage à la bisque fuma dans les plats.

Saint-Giles qui en avait gros sur le cœurcontre Châlier, raconta au fifre son entretien ou plutôt saquerelle avec lui.

– Tu as l’air triste, lui avait dit lefifre, pour provoquer ses confidences.

– Non, je suis furieux, ditSaint-Giles.

Et il prit son récit au début.

– Croirais-tu, dit-il, qu’un sale petitmarchand de journaux, vexé de ce que je dessinais au lieu d’écouterChâlier, m’a pincé.

– Et tu l’as calotté. Je sais cela. Jesais tout jusqu’au moment où tu as quitté la salle pour aller tedisputer avec Châlier.

– Mais comment diable, citoyen fifre,es-tu si bien renseigné ?

– Parce que je suis fifre, le fifre dulieutenant. Nos émissaires, de quart d’heure en quart d’heure,envoyaient des comptes-rendus de ce qui se passait et je lisais cesrapports par dessus l’épaule du lieutenant. Ainsi, mon pauvreSaint-Giles, je sais même un drôle de détail.

– Lequel ?

– Tu faisais le portrait de cette sœurAdrienne.

– Oui.

– Tu l’as perdu ?

– Oui.

– Châlier te l’a montré sans doute dansvotre dispute.

– Oui.

– Sais-tu qui l’avait remis àChâlier ?

– Non.

– Le petit marchand de journaux, moncher.

– Tu en es sûr.

– Un de nos émissaires a surpris Châliers’entretenant avec ce gamin qui lui montrait le portrait.

– Ah, la petite vermine.

– Baf ! Ne lui en veux donc pastant, mon cher.

– Pourquoi ?

– Je vais te le dire.

Au garçon :

– François, découpez et servez.

À Saint-Giles :

– Sans le petit marchand de journaux etsans ma cousine, tu ne serais pas ici en train de manger destruffes et de déguster ce mâcon, tu serais chez ta mère et tu yferais la bête.

– Comment cela, la bête ?

– Oui ! La bête devant la belle.Est-ce que l’on n’est pas toujours un sot quand on estamoureux.

– Amoureux ?

– Mais certes.

– Et de qui ?

– De sœur Adrienne donc. N’en faisais-tupas le portrait ? Parce qu’elle a une tête.

– Superbe.

– Typique.

– Et tu admirais le type.

– En artiste.

– Et tu le dessinais.

– Pour mes collections.

– Et tu as fait adopter cette jeune fillepar ta mère. Et tu as eu l’idée de l’épouser avant de partir pourl’armée.

– Mais non.

– Si tu me dis non de bonne foi, c’estque tu ne sais pas lire dans ton propre cœur. La preuve c’est quetu as failli ne pas venir.

Au garçon :

– Voyons, François, occupez-vous un peude nous. Nous ne sommes pas des palais blasés, nous. VoyezSaint-Giles, il dévore.

C’était une invitation à François d’avoir àpousser les choses, à en arriver au dessert, à le servir avec desréserves de champagne et à s’éclipser en fermant les portes.

Il le comprit et nous ne reparlerons plus decet intelligent garçon qui fila au bon moment.

La baronne reprit :

– Je viens de me faire raconter par macousine l’aventure de la place : tu hésitais entre deuxrues.

C’était vrai.

La baronne continua :

– Tu te demandais si tu irais admirer deplus près cette sœur Adrienne ou si tu viendrais souper ici. Et situ n’avais pas été défié par Châlier, tu serais allé chez toi, moncher, laissant le fifre se morfondre au cabaret.

– Je t’aurais envoyé un commissionnairepour t’avertir en tout cas.

– Tu es bien bon, merci. J’aurais soupétout seul. Comme c’était gai.

– Mais mon devoir m’appelait chez mamère.

– Et la décence te commandait de t’enéloigner. Châlier te l’a rappelé vivement, j’en suis sûr.

– Mais moi, je lui ai dit de duresvérités.

– Quoi donc ?

– Qu’il était un tyran.

– Il s’en moque.

– Que je le bravais.

– Si les royalistes ne lui coupent pas lecou, il te fera peut-être couper le tien.

– C’est bien possible, dit Saint-Giles enriant car, quand je lui ai reproché sa vanité, ses emportements,son manque de réflexion et de sang-froid, il écumait et voulait sejeter sur moi.

– On l’a retenu ?

– Heureusement, car j’étais très montécontre lui. Je lui ai dit que j’irais dîner chez Rateau quand bonme semblerait et y souper aussi, mais ce qui l’a mis en rage, c’estque je lui ai déclaré que je ne quitterais pas mon atelier et queje verrais sœur Adrienne.

– Et tu étais même décidé à la voir chezta mère cette nuit même, quand l’affaire de ma cousine a changé lecours de tes idées.

– C’est-à-dire, fit Saint-Giles, que jeme tâtais. Je penchais pour venir ici, l’ayant promis.

– Blagueur, dit le fifre. Tu es venuparce que ma cousine est jolie et que tu flottes entre deuxamours.

Saint-Giles rougit légèrement, car rienn’était plus vrai.

La baronne analysait les sentiments deSaint-Giles avec une effrayante lucidité.

Elle continua :

– Et quand tu te trouvais balançant entreles deux chemins à prendre, la camaraderie n’y était pour rien. Tune penchais pour le cabaret qu’au souvenir de ma cousine.

– Je ne savais pas l’y trouver.

– Oui, mais tu voulais m’en parler et« parler de ceux qu’on aime est un bien douxplaisir. »

Regardant autour d’elle :

– Tiens, François a filé ! Il y adonc presse ce soir. Il a couru à une autre salle.

Montrant le champagne :

– Décoiffe celle-ci, verse, buvons et tuporteras la santé de celle que tu préfères. Je veux savoir si jeserai ou non ton cousin par alliance.

Et la baronne tendit son verre.

À la façon dont la baronne poussaitSaint-Giles, il était évident qu’elle voulait un aveu et un aveuimmédiat.

Mais l’aimait-elle ?

Oui.

Elle l’aimait même passionnément, ce qui nelui était jamais arrivé.

C’est qu’aussi jamais elle ne s’était trouvéeen face d’une nature libre, artistique, indépendante, ne relevantque d’elle-même et ne s’étant pas dégradée sous le joug protecteurde la royauté et de l’aristocratie.

Elle avait connu à Versailles des peintres,des sculpteurs qui, pinceau à part, ressemblaient au premiercourtisan venu.

Mais rien n’avait pesé sur Saint-Giles :il avait conservé intacte l’originalité de son caractère et de sontalent.

C’était une séduction.

De plus, la baronne avait admiré dansl’atelier de Saint-Giles, ce drame de l’amour qu’il avait si bienraconté avec son pinceau.

La baronne était friande de volupté :elle avait la fantaisie de l’esprit, le caprice du cœur etl’embrasement des sens.

Elle avait aussi la curiosité des raffinementsdu plaisir : mais elle avait surtout l’horreur de la banalitéet de la grossièreté.

De là pour une femme aussi audacieuse maisaussi raffinée que la baronne, une vive attraction pourSaint-Giles.

Et maintenant, elle le tenait.

Elle avait tissé autour de lui l’inextricableréseau des fils dont elle avait voulu l’enlacer.

Il était à elle.

Ah ! Il ne voulait pas d’une maîtressearistocrate.

– Très bien !

On lui offrirait une grisette.

Et quelle grisette irrésistible.

En tendant son verre pour boire le champagneque fit mousser Saint-Giles, elle lui dit, avant de le laisser seprononcer :

– Tu sais que moi, tout ce que j’en dis,c’est pour rire et plaisanter. Je sais bien qu’en somme, un garçond’avenir comme toi ne peut pas épouser une ouvrière qui, la pauvrepetite, t’aime bien naïvement par reconnaissance et ne songe guèreà cette folie de devenir ta femme.

– Et pourquoi pas ?

– Allons donc !

– Je t’ai déjà dit et je te répète que jene me marierai que par amour, sans m’arrêter à aucune autreconsidération.

– Mais alors, voyons, elle aurait deschances, ma cousine, car, ton Adrienne, on la dit d’un maigre àfaire le pain d’un chat de gouttière. Et puis elle est folle.

– Je le crains, dit Saint-Giles.

– Enfin, buvons toujours à l’amourn’importe pour qui.

– À l’amour, dit Saint-Giles.

Il porta son verre à ses lèvres, mais ilremarqua une expression railleuse dans les yeux du fifre et celal’intrigua.

– Toi aussi, s’écria-t-il en reposantbrusquement son verre sur la table, toi aussi, tu te moques demoi !

Il venait de se souvenir des facétieuses et,selon lui, stupides observations du père Rateau, à propos de lacontinence dont il avait fait preuve à l’égard de la petitebaronne.

Furieux, il fit une sortie éloquente ; etil conclut :

– Si j’avais séduit ta cousine, disons lemot, violenté cette jeune fille, car c’est user de violence qued’abuser de la loyale confiance d’une femme, on m’aurait méprisé.Je la sauve et je la respecte, on me blague et je suis jocrisse. Jela respecte et je remporte sur moi une victoire héroïque car elleest charmante, ta cousine ; je me suis tenu à quatre dans lefiacre et l’on se gausse de moi, comme d’un jobard.

Brisant son verre à champagne, il s’écria avecune conviction superbe :

– Moi, je m’estime.

Il était si beau ainsi qu’elle ne put yrésister.

Elle se leva, l’arracha presque violemment àla table, le couvrit de baisers, et lançant son habit déboutonnépar dessus sa tête, elle lui dit :

– Mais embrasse-la donc ma petitecousine, puisque tu l’aimes et qu’elle t’adore…

Ah, c’était bien autrement irrésistible quedans le fiacre !

La baronne, sa chemisette entr’ouverte !Saint Antoine y eût succombé.

Le jour pointait.

Saint-Giles avait ouvert les fenêtres de salonet l’air frais du matin entrait vif et piquant, caressant lescheveux de la baronne qui riait à gorge déployée.

La baronne avait jeté sa veste de fifre pardessus les moulins et Saint-Giles perdu la tête : mais voilàque maintenant, après les heures d’affolement où ils s’étaientabîmés tous deux dans l’océan des réalités et des rêves de l’amour,la raison revenait à Saint-Giles.

La baronne attendait et guettait cemoment.

L’heure de la lassitude est l’heure dangereusede la passion ; la baronne le savait.

Saint-Giles, après avoir médité, se retournaet dit :

– Tu étais le marchand dejournaux ?

– Parbleu ! fit-elle très crâne.

– Tu étais… ta cousine…

– Morbleu, oui !

– Mais qui es-tu ?

Elle fit la nique, sauta sur son bonnet depolice, le mit sur le coin de son oreille, fit le salut militaireet dit :

– Je suis le fifre !

Et elle s’en alla en sifflant une fanfare dechasse.

Jamais homme ne resta plus penaud queSaint-Giles. Il se dit :

– Serait-ce donc Châlier qui auraitraison ? Aurais-je sauvé la baronne de Quercy ?

En ce moment, François, le garçon, entra.

Il avait le tact, mais aussi la familiaritécaressante des gens de son état.

– Monsieur Saint-Giles, dit-il, enprésentant une petite lettre écrite à la hâte, voici ce que lefifre m’a dit de vous remettre.

Saint-Giles ouvrit cette lettre etlut :

« Tu ne voulais pas épouser une baronnequi t’aurait tout sacrifié, même son parti, même sa naissance, ont’a donné une petite ouvrière.

« Elle t’adore, tu l’aimes et tureviendras ».

Saint-Giles baisa le billet sans honte, carFrançois était déjà parti en garçon bien dressé qu’il était.

Mais, après avoir serré ce mot charmant dansson portefeuille qu’il mit sur son cœur, Saint-Giles dit :

– Je ne reviendrai pas.

Quand il sortit du cabaret, la voix du pèreRateau le salua joyeusement.

Saint-Giles salua, mais ne répondit point.

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