Le Bataillon de la Croix-Rousse

Infamie ! Infamie !

Pendant que les prêtres assouvissaient leursrancunes sur une femme, sur une jeune fille, les royalistesprofitaient de la victoire du 20 mai et organisaient Lyon à leurgré.

L’abbé Roubiès avait établi une commissionprovisoire, dont les membres, désignés d’avance, entrèrentimmédiatement en fonctions.

Cette commission prit sur-le-champ certainesmesures, arrêtées depuis la veille dans l’esprit de l’abbéRoubiès ; elle nomma un comité d’examen pour statuer avecpleins pouvoirs, sur les arrestations à opérer et sur les ordres àdonner pour la police de la ville.

L’abbé Roubiès, sous le titre modeste desecrétaire, fut en réalité le maître de ce comité.

Il se trouva, par le fait, dictateur àLyon.

Or, le 30 mai, au matin, comme il pourvoyait« aux mesures de sûreté », c’est-à-dire comme ilprescrivait des incarcérations, il entendit du bruit dansl’antichambre du salon où il siégeait, représentant à lui seul letout-puissant comité, car il ne fallait pas compter un petit abbéde dix-sept ans qu’il s’était donné comme sous-secrétaire.

Ce jeune lévite était le neveu d’une femmetoute-puissante sur l’esprit du comte d’Artois, plus tard CharlesX.

L’abbé Roubiès avait tout intérêt à former cejeune homme et à le préparer, comme il le disait, aux plus hautesdestinées.

Ce faisant, l’abbé se ménageait les bonnesgrâces de la première maîtresse du comte, prince du sang, frère duroi guillotiné et du régent qui fut Louis XVIII.

L’abbé Roubiès, entendant du tapage, envoyason sous-secrétaire pour savoir ce qui se passait.

Celui-ci revint.

– C’est, dit-il, la mère de Saint-Gilesqui réclame et son fils prisonnier et sœur Adrienne, arrêtée chezelle.

– Ah ! fit l’abbé Roubiès, jeconnais cette matrone : j’ai des notes sur elle. C’est,paraît-il, la sans-culotte la plus vertueuse de Lyon.

Avec un fin et mauvais sourire, ilordonna :

– Qu’on l’arrête et qu’on l’enferme dansla prison où l’on met les filles publiques.

Le jeune abbé regarda le vieux avecétonnement.

Quelques instants auparavant, l’abbé, luiexpliquant les principes d’après lesquels une réaction doit seconduire, lui avait dit :

– En fait de répression, ne faire quel’indispensable et procéder par de grands et terrifiants exemples,mais peu nombreux. Point de zèle intempestif ! point d’excèsinutile !

Et voilà qu’il faisait jeter dans une prisoninfâme une honnête femme.

Le jeune homme cherchait à comprendre.

– Allez, lui dit Roubiès, je vousexpliquerai mes motifs.

Le petit abbé sortit et donna l’ordred’arrestation ; il fut exécuté sans observation comme sansrépugnance par les gardes nationaux royalistes, qui s’étaientconstitués les sbires du roi.

Curieux de connaître la pensée de cet hommefort qui s’appelait Roubiès, le petit abbé revint avecempressement.

– C’est fait, mon père, dit-il.

Roubiès, je l’ai dit, était Père del’Oratoire.

– Très bien, mon enfant, dit-il.Maintenant, je vais vous démontrer que cette arrestation est utile,très utile.

– Oh ! je n’en doute pas, fit lejeune homme. Je ne me l’explique pas, voilà tout.

– Mon ami, dit Roubiès, non seulement ilfaut vaincre et dompter la Révolution, mais il faut en inspirerl’horreur et le dégoût ; pour cela, le meilleur moyen est dela déshonorer.

Le petit abbé commençait à comprendre ;il sourit à son tour.

– Dans quelques années, la restaurationfaite, la presse étant muselée, nous écrirons ce que nous voudronssur les choses, les hommes et… les femmes de ces temps-ci ;nous noircirons la mémoire des héros et des héroïnes de cetteodieuse République.

– Naturellement, dit le petit abbé, etcomme nous n’aurons pas de contradicteurs, nous ferons la légendede la Terreur à notre guise.

– Bravo pour le mot légende, il estjuste. Je continue. Cette femme, que nous jetons au milieu desprostituées, est une des plus pures gloires, des plus pures vertusde Lyon. Mais, dans quelques années, nous écrirons que cette fausseLucrèce n’était qu’une drôlesse à laquelle les Jacobins avaientfabriqué une auréole de chasteté. Et la preuve, dirons-nous, en estécrite sur les registres de la prison des filles.

– Mais, dit l’abbé, la date : il yaura la date ?

– Mon ami, après les grandes crises, ilsemble que les jours aient été des mois ; tout s’embrouille,les faits et les dates : puis, sur l’ordre d’incarcérer quevous n’avez pas lu mais qui sera joint aux pièces des archives,j’ai mis un mot, un mot qui vous aurait frappé si vous l’aviezlu.

Le petit abbé se mordit les lèvres.

– Ce mot, reprit Roubiès, c’est« réintégrer », ordre de réintégrer à la prison la femmeSaint-Giles qui n’aurait jamais dû en sortir. Donc, elle a déjà étéincarcérée. On peut baser tout un échafaudage sur ce simplemot.

– Oh ! mon père, dit le petit abbéavec une admiration sincère, vous êtes vraiment fort et Dieu vousinspire.

Cette flatterie réparait un peu le tort den’avoir point lu l’ordre d’arrestation.

Toutefois, Roubiès revint sur cette faute etdit :

– Mon enfant, la conclusion à tirer detout ceci, c’est que vous devez prendre garde et lire toute piècequi vous passe par les mains : le plus petit morceau de papierpeut être instructif.

Et la leçon donnée, il dit :

– Travaillons, mon enfant. C’est pour laplus grande gloire de Dieu.

Les misérables !

Si vraiment la gloire de Dieu exigeait tantd’infamies, Dieu serait infâme.

Si Saint-Giles, qui était sous les verrous,avait su que sa mère était arrêtée et jetée au milieu desprostituées, il eût été mille fois plus malheureux encore qu’ill’était.

Personne ne s’ennuie plus en prison qu’unartiste : sa pensée, qui a des ailes, se trouve compriméeentre les quatre murs d’une cellule. Saint-Giles en prison, c’étaitun pinson en cage.

Il n’apercevait, dans sa mansarde grillée, parla lucarne du plafond, que le ciel, une petite échappée deciel.

Des coups reçus, Saint-Giles ne ressentaitrien, presque rien.

Mais il s’ennuyait, s’ennuyait,s’ennuyait…

Curieux par état, par tempérament, curieuxavec passion, il eût voulu savoir…

Mais toute la matinée s’écoula sans qu’ilreçût la visite du geôlier.

La fusillade ayant cessé, Saint-Giles enconclut que la lutte s’était terminée vers quatre heures dumatin.

Comme on ne venait pas le délivrer, il enavait conclu non moins logiquement que les républicains étaientvaincus.

Enfin, vers onze heures, un geôlier vintouvrir la porte.

Cet homme avait la mine moins renfrognée queSaint-Giles ne s’y fût attendu c’était une assez bonne tête devieux soldat, calme, obligeant, philosophe et ne paraissants’étonner de rien.

– Monsieur, dit-il à l’artiste quiétudiait cette physionomie pour savoir quel parti l’on pourraittirer de cet homme, monsieur, je viens prendre vos ordres pour ledîner que l’on vous servira sur le coup de midi.

– Mes ordres ? fit Saint-Giles unpeu étonné.

– C’est l’habitude pour les prisonniers àvingt livres par jour, et l’on vous a mis dans cette classe.

– Peste ! on me cote assez haut,d’après ce que je vois.

– Très haut, monsieur ! C’est letaux d’un gentilhomme.

– Sous la République ?

– La République est finie à Lyon :on a repris les anciens geôliers dont je suis et l’ancienrèglement.

– Nous sommes définitivement battusalors, nous autres !

– Complètement battus ! Mais, j’aiun mot à vous remettre.

– De ma mère, probablement.

– Non ! Du moins je ne le croispas.

Le geôlier tendit à Saint-Giles une petitelettre parfumée qui sentait la femme et la poudre brûlée.

Elle était de la baronne.

« Cher,

« La guerre est la guerre, comme l’amourest l’amour.

« Vous êtes prisonnier et je suisblessée, peu de chose du reste, une égratignure, un coup de fouet,comme disent les chirurgiens.

« Je vous écris en hâte pour vousrassurer sur votre mère et sur tous les vôtres, y compris votrefiancée.

« Certaine baronne de votre connaissanceveille sur la famille.

« Quant à vous, comme tous lesprisonniers, vous voilà au secret le plus absolu. Inutile de vousdire que vous ne courez aucun danger, dans huit jours vous serezdehors.

« Je vais intriguer pour obtenirpermission de vous aller voir.

« J’ai eu l’occasion de vous apercevoirdans la lutte, mes compliments ! Morbleu, cher, vous êtessuperbe au feu.

« À bientôt.

« Votre fifre dévoué.

« P. S. J’espère que vous boirez un peu àma santé. »

Saint-Giles plia la lettre, enchanté d’êtrerassuré sur les siens.

S’il avait su…

La baronne mentait avec tout l’aplomb d’unegrande dame et d’une courtisane. Saint-Giles fut tiré bien vite dela rêverie où la plongeait cette lettre.

– Eh bien, monsieur, demanda le geôlier,ce dîner ?

– Ce que tu voudras, dit Saint-Giles avecindifférence.

– Alors, je puis faire commander le menurédigé par le père Rateau pour vous.

– Pour moi !

– Oui ! il a su votre arrestation etil a pensé que vous seriez peut-être embarrassé pour composer lestrois menus de vos trois repas ; alors il en a envoyé pourhuit jours.

Saint-Giles reconnut là une attention de labaronne.

– Sacrebleu ! dit-il en riant, je nesuis pas en prison alors, je suis à l’engrais.

– Oh, monsieur ! Fi le vilainmot ! Vous allez bien vivre, voilà tout.

Et le geôlier sortit.

Dès que cet homme fut dehors, Saint-Gilessentit l’ennui revenir à tire-d’aile. Il relut le billet de labaronne, le flaira, sourit au souvenir de sa nuit chez Rateau, puisil recommença à s’ennuyer ferme.

Il se promena. Bâilla, regarda le ciel etrebâilla.

Il en vint, comme tous les prisonniers, àattendre son repas avec impatience.

Quand il entendit le pas du geôlier, il sentitson estomac se gaudir.

Il avait faim du reste grand faim.

Le menu était destiné à satisfairedélicatement un robuste appétit.

Potage à la royale

Hors-d’œuvre de saison

Côtelette d’agnelet dauphine

Truite à la Béarnaise

Poulet truffé

Fraises frappées au champagne

Comme vin, un mâcon premier choix

Du café exquis

Des cigares parfaits

Quand Saint-Giles en eut allumé un, le geôlieret ses aides se retirèrent, laissant sur la table un cabaretgarni.

Saint-Giles, en savourant son cigare, dégustaun verre de la fameuse liqueur de Mme Amphaux, puisil alluma un second cigare, puis l’ennui revint et avec lui lesommeil fort heureusement.

On était en pleine chaleur de juin.

La sieste fut longue, mais pas assez pour quel’artiste n’eût point à s’ennuyer jusqu’au moment du souper.

Il avait été convenu qu’on le servirait à septheures.

Enfin, le geôlier parut, précédant lesporteurs de plateaux.

– Décidément, je ne vis ici que pourmanger, se dit Saint-Giles, honteux de se sentir tant joyeux de cerepas qui allait le distraire.

Le menu était aussi savant que celui demidi.

Rateau se surpassait.

Saint-Giles, cependant, ayant dormi dans lajournée, prévit qu’il ne dormirait pas pendant la nuit.

Il demanda de la lumière, des crayons et dupapier.

– De la lumière ? Impossible, dit legeôlier.

– Pourquoi ?

– Dans la crainte du feu.

– On me permet bien le cigare quibrûle.

– Mais qui ne flambe pas, dit le geôlier.Remarquez que je vous laisse fumer par tolérance parce que legouverneur approuve les menus du père Rateau qui comportent descigares, mais de la bougie, c’est impossible.

Saint-Giles n’insista pas.

Il voyait bien que ce serait inutile, et il secontenta de murmurer :

– Dieu ! que cette nuit sera longueet que je vais m’ennuyer. Que faire, pendant ces huit mortellesheures où je ne verrai pas clair ?

Le geôlier échangea un sourire avec ses aideset se retira.

Saint-Giles se remit à s’ennuyer, s’ennuyer,s’ennuyer.

Il cherchait les distractions les plusfutiles.

Le bruit du tambour battant la retraite luicausa infiniment de plaisir.

Il fit ce que font tous les prisonniers, ilécouta les légers craquements du plancher qui joue, les tassementsdes plâtres que font travailler les différences de température, lesgrignotements des souris et leurs trottements à travers leursgaleries souterraines.

Puis les quarts, les demies, les trois quartset les heures tintaient : et Saint-Giles sut alors ce quec’est que quinze minutes et ce que sont neuf cent soixantesecondes.

À dix heures, le couvre-feu vibra et lesommeil n’était pas encore venu.

Saint-Giles en était si loin, qu’il sepromenait avec agitation.

En était-il donc toujours ainsi pour lesprisonniers ?

Tous éprouvaient-ils le besoin de tournercomme des loups en cage et d’arpenter le plancher de long en long,de large en large ?

Tout à coup, Saint-Giles entendit marcher.

Des pas s’arrêtèrent à la porte de lacellule.

– Que diable peut-on me vouloir ?demanda Saint-Giles.

Il eut comme une lueur d’espoir, lueur vague,indécise.

L’image du fifre lui apparut comme dans unrêve.

Mais comment supposer que le fifre entrait àcette heure le trouver en prison ? Après tout, un fifre commecelui-là était capable de tout.

La porte derrière laquelle brillait unelumière de lanterne s’ouvrit.

Le fifre parut.

C’était bien lui, souriant, gai, sautillant,crâne.

Il avait le bras en écharpe.

– Ah ! ah ! mon camarade,dit-il à Saint-Giles, tu ne m’attendais guère sur le coup de onzeheures qui viennent de sonner.

– Faut-il qu’un fifre soit bon garçonpour venir s’ennuyer avec moi !

Lui jetant un bras autour du cou etl’embrassant :

– Est-ce que tu me bouderais, par hasard,citoyen Saint-Giles ? On s’est battu, mais ça n’empêche pasles sentiments ?

Le geôlier, qui avait posé sa lanterne sur latable, dit d’un air mystérieux au fifre :

– Tu sais, mon garçon, que si j’aiconsenti à te laisser causer avec ton ami, c’est sur larecommandation d’un homme à qui je n’ai rien à refuser. Mais pas deconversation bruyante, et si vous entendez le bruit d’une ronde,silence.

À Saint-Giles :

– Soyez raisonnable, vous, monsieurSaint-Giles ! pas trop de causeries ! Ne me faites pointperdre ma place.

Et il s’en alla.

Saint-Giles, à la vue de la baronne, s’étaitsenti troublé jusqu’aux moelles.

Cette femme frétillante, sémillante, ondoyanteet serpentine produisit sur lui l’effet d’une torpille.

Elle allumait ses sens et elle engourdissaitsa volonté.

Cependant, il y avait lutte en lui, luttepénible avec défaite prévue, du reste, défaite inévitable.

– Eh bien, quoi encore ? fit-elle.De la rancune ? Et pourquoi ? Et contre qui ?

Se moquant de lui :

– Monsieur est furieux contre lesroyalistes, après qu’ils l’ont fait prisonnier.

– Par trahison ! protestaSaint-Giles avec feu.

– Eh oui ! par trahison ! cequi fait la victoire humiliante pour nous est glorieuse pour toi.L’histoire te rendra cette justice que tu nous avais vaincuslorsque les Auvergnats t’ont surpris et enlevé pour te livrer à tesennemis.

Avec conviction :

– Te voilà de pair avec Notre SeigneurJésus-Christ, tu as eu ton Judas, le capitaine Pierre. Cela terelève.

C’était vrai, en somme.

Elle reprit, caressante :

– Tu es le lion du jour. Tout le mondet’admire. Les généraux royalistes qui se connaissent en courage eten tactique prétendent que tu as du génie. Si tu n’étais pas tombédans un piège, tu nous rossais à plate couture.

D’un ton câlin :

– Tu sens bien, n’est-ce pas, que je tedis la vérité. Mais tu t’entêtes à bouder.

D’un air sérieux :

– Ah ! j’y suis, tu songes à laRépublique, à ta mère, à… ta fiancée… à tout le trimberlin desgrands sentiments. Et voilà pourquoi tu ne sautes pas au cou de tonfifre qu’au fond tu adores !

Haussant les épaules avec un très jolimouvement :

– Mon bon cher bien aimé, je ne vois pasen quoi mon amour peut te gêner dans tes grands sentiments. LaRévolution ? Je ne t’empêche pas d’en être fanatique. Tafamille ? Je veille sur elle. Ta fiancée ? Tul’épouseras. Me crois-tu assez bourgeoise pour être jalouse de tafemme ?

Avec un élan joyeux :

– Mon cher, je t’apporte le plaisir, jene te demande que le plaisir. Embrasse-moi ou tu es un sot…

Elle lui tendit ses joues.

– Jeune homme, à la place de Saint-Giles,qu’aurais-tu fait ?

Selon ce que ta conscience en jugera, il auraeu tort ou raison de cueillir cent baisers sur ces joues fraîcheset tentantes.

Mais, après tout, en pareil cas, a-t-on raisonou tort ?

On est vaincu d’avance, fût-on Saint Antoine,quand on est en présence d’une baronne de Quercy.

Pauvre Saint-Giles.

Tu l’as payé si cher, cet amour, que celui-làserait cruel qui te le reprocherait.

Lorsque l’on songe que la baronne de Quercyparvint à tromper Saint-Giles et à l’engourdir dans sa prisonpendant sept semaines, on comprend l’ingéniosité dont cette femmefit preuve en politique, par celle qu’elle déploya dans cetteintrigue d’amour.

Elle trompa tout le monde.

Dans la famille de Saint-Giles, personne sauflui ne savait que le petit fifre fût une femme. Elle s’empressad’aller voir les enfants groupés autour de leur frère cadet,Ernest, gone héroïque qui s’était battu admirablement et qui avaitpris le premier canon sur le quai du Rhône.

En voyant le fifre entrer chez eux, Ernestcomprit qu’un secours lui arrivait au milieu de l’étrange embarrasoù il se trouvait.

Comme tous les gones, il comprenait très bienque l’on pouvait se battre, être adversaires, mais resteramis : il redonna donc de bon cœur au fifre l’accolade qu’ilen reçut.

Déjà toute cette petite famille, dressée àl’ordre, avait organisé sa vie.

L’aînée des Giles (douze ans) avait pris ladirection de l’intérieur et tout marchait comme si la mère eût étélà.

Tout luisait, étincelait, brillait : lesyeux seuls et l’air de tristesse grave de ces enfants révélaientleur malheur.

Le fifre parla, rassura, promit de sauver toutle monde et se fit consolateur de la famille.

Ernest lui donna une lettre pourMme Saint-Giles.

Le fifre la vit, s’excusa de s’être battu avecles Jacobins, dit que c’était à contrecœur, mais qu’il avait eupeur d’être traité de lâche et accusé de trahir.

Ces scrupules étaient faits pour être comprispar une femme de cœur.

Puis, comment n’aurait-il pas été lebienvenu ?

Il apportait à une mère des nouvelles de sesenfants. Il raconta une prétendue conversation qu’il était censéavoir entendue au sujet de Saint-Giles entre les chefs de laréaction.

Tous étaient d’accord sur le compte du célèbrecaricaturiste.

Il fallait le traiter en enfant gâté, maisterrible : on le tiendrait sous clé pendant quelque temps,dans son propre intérêt et aussi pour se mettre à l’abri de saverve railleuse, après quoi on le lâcherait.

– Il est traité en gentilhomme, à vingtlivres par jour, disait le fifre.

Et il capta la confiance de la mère commecelle des petits.

Il affirma à madame Saint-Giles que sœurAdrienne elle-même verrait bientôt son sort s’adoucir.

Bientôt elle lui apporta de fausses lettres dela malheureuse.

La baronne avait à sa disposition cemerveilleux faussaire qui fabriqua tant de faux politiques, soitdans le procès Châlier, soit dans le cours du siège, au profit dela cause royaliste. C’était un forçat envoyé de Toulon àRoubiès.

Elle obtint ainsi de madame Saint-Giles devraies lettres pour son fils et elle le persuada de lui cacher sonarrestation et celle de sœur Adrienne, afin, disait-elle, qu’il nese tourmentât pas.

Quand plus tard elle eut besoin d’autreslettres, elle les fit écrire par le faussaire et les dicta avecbeaucoup d’art.

C’est ainsi qu’elle calma pendant si longtempsles impatiences de Saint-Giles.

Elle rendit, du reste, un signalé service à lamère, en la faisant transférer dans une autre prison, où elle futdignement traitée et où, suprême joie, elle vit ses enfants, qu’onlui permit d’embrasser.

Ainsi s’explique la conduite de Saint-Giles enprison, conduite qualifiée à tort si sévèrement par certainsrépublicains du parti de Collot-d’Herbois de « rôlelouche », de « complaisances suspectes pour la baronne deQuercy ».

Saint-Giles, sa mère, sœur Adrienne elle-même,tous furent trompés par la baronne.

Je le répète, Saint-Giles, en prison,pouvait-il repousser cet amour, qu’il devait plus tard payer sicher ?

Quant à la baronne, elle payait, de son côté,cet amour au prix d’efforts inouïs qui lui permirent de prolongerla situation pendant des semaines.

À quelques jours de là, la baronne mandaitchez elle dom Saluste.

Elle voulut donc lui confier le soin de tirercomme un libérateur sœur Adrienne de l’in-pace, de la transférer enprison et de lui promettre la liberté le plus tôt possible.

En s’offrant à elle comme un protecteurintéressant auprès de ses ennemis, en transformant l’in-paceeffrayant en une détention simple où on la traiterait avec égard,il était évident que dom Saluste serait regardé par sœur Adriennecomme un ange sauveur.

Plus tard, il la déterminerait à fuir, puisl’enlèverait.

Elle le reçut sous son déguisement de fifre ense faisant passer pour le frère deMme de Quercy.

– Donc, dit-il, vous allez vous rendreauprès de sœur Adrienne dans l’in-pace. Vous lui annoncerez quevous avez obtenu sa délivrance, puis vous vous retirerez. On mettrasœur Adrienne en cellule dans une maison sûre que je faistransformer en prison pour elle avec son ancienne supérieure pourla garder et vous la visiterez dans trois ou quatre jours quandelle sera remise de ses pénitences.

– Pauvre fille !

– Bon ! plaignez-la ! C’estvous qui êtes chargé de lui donner le paradis après l’enfer.

Et de rire.

Le fifre reprit :

– Pas de précipitation ! Cachezvotre amour ! Causez avec votre infante ! Elle estdevenue révolutionnaire, vous savez ! Ayez l’air de vousconvertir peu à peu à ses idées et de lui donner raison ; puisproposez-lui de fuir Lyon avec vous. Quand vous serez à Genève,continuez à respecter cette farouche vertu et gagnez l’Espagne. Unefois là, elle est à vous.

– Mais, demanda-t-il, comment traverserla frontière avec elle.

– Ma sœur y a pourvu. Oh ! elle a del’imagination, la baronne ! On s’est procuré un équipageimmense où l’on a pratiqué une cachette.

– Mais si l’on visite ?

– On ne la visitera pas. Vous serezpourvu d’un passeport comme diplomate américain. On ne fouille pasles voitures des chargés d’affaires et des attachés d’ambassade oudes courriers de cabinet. Donc, rien à craindre de ce côté et puisvous appartenez à la grande République américaine. On sera plein desympathie pour vous.

Elle lui recommanda :

– Exercez-vous à prendre l’accentanglais. Tenez, comme ceci.

Et elle se mit à faire des imitations sicocasses que dom Saluste en rit de bon cœur.

Il objecta cependant :

– Mais sœur Adrienne voudra-t-elle selaisser enfermer dans la cachette ?

– Oui, si vous êtes adroit : à vousde la persuader. Qu’elle vous croie passé à la Révolution !Dites que vous avez horreur de l’Église et de la Monarchie depuisque vous avez vu persécuter sœur Adrienne et verser le sang descitoyens. Vous êtes éloquent ; c’est une arme dont il faudravous servir.

Le moine objecta encore :

– Mais si elle consent à se cacher dansle carrosse pour partir de Lyon, elle voudra reprendre sa libertéhors de la ville.

– Êtes-vous assez naïf ! Est-ce quevous ne pouvez pas lui faire croire que tout le midi est soulevé,ce qui est vrai du reste, qu’il est arrivé de graves événements,que la Convention va succomber et que les alliés sont sous Paris.Cette pauvre sœur ne sait rien.

– C’est vrai.

– Vous pouvez passer avec elle en Italieet lui faire croire que c’est le plus court chemin pour la conduireen lieu sûr. Vous l’embarquerez pour l’Espagne sans qu’elle fassede résistance, si vous ne l’avez pas alarmée. Faites-la écrire àson fiancé et je me charge de lui faire fabriquer des réponses quilui donneront conseil de vous suivre partout où vous voudrez et,dans ces lettres, je lui ferai donner l’espoir de retrouver sonfiancé là où vous irez.

Le moine admirait ces ingénieusescombinaisons.

Le fifre reprit encore :

– Vous passez par des pays hostiles à laRévolution : rien ne vous sera plus facile que d’y trouver desgens qui diront à sœur Adrienne que la monarchie est rétablie ousur le point de l’être. Elle en conclura qu’il y aurait danger pourelle de rentrer dans ce pays où on la murerait de nouveau dans unin-pace.

– Je vois l’affaire maintenant, dit domSaluste. La chose est possible, facile même.

– À une condition.

– Laquelle ?

– Ne démasquer vos prétentions qu’enEspagne, quand vous tiendrez votre infante en lieu sûr.

– Oh ! soyez tranquille.

Le fifre prit un air grave :

– Vous savez que la baronne a le braslong et qu’elle peut vous atteindre jusqu’en Espagne : elle necraint qu’une chose, votre impatience.

– Je sais me dompter, dit domSaluste.

D’un air riant, le fifre recommanda :

– Vous savez que, pour ce voyage, ilfaudra vous habiller en quaker américain. On vous donnera despasseports comme attaché à l’ambassade de ce pays. Mais nousrèglerons ça au moment de votre départ.

Tirant sa montre :

– Midi cinq, il est temps ! À votrebelle ! Moi, à la mienne ! Je vais arriver à point pourla trouver furieuse et la calmer. Mais si je tardais cinq minutesde plus, on me l’enlèverait…

– Allez ! allez ! monsieur deQuercy, dit le moine, et baisez les mains de la baronne pourmoi.

Il s’en alla avec force protestations etremerciements.

Quand il fut dehors, la baronne dit :

– Ouf ! m’en voilà débarrassée à bonmarché ! S’il m’avait reconnue, il m’aurait accablée defadaises.

Et elle s’en alla de son côté voir MadameAdolphe et la questionner sur l’arrestation de sœur Adrienne, puislui déclara :

– D’après ce que je vois dans votrerécit, vous aimez cette petite Adrienne.

– Elle est si jolie.

– Vous la serviriez avecplaisir !

– Dame oui, si j’étais forcée de quittermadame.

– Madame Adolphe, vous êtes un serviteurprécieux, je ne vous remercie pas et même en vous mettant auservice de sœur Adrienne, vous restez au mien.

– Ah tant mieux !

– Vous avez dit à cette petite, si j’aibien compris, que pour l’amant qu’elle perdait, elle enretrouverait un autre.

– Oui ! Je lui ai dit cela pour laconsoler.

– Mme Adolphe, il entrejustement dans mes vues que cette petite ait un autre amant.

– Oui… oui… je sais pourquoi.

– Cet amant est sur le point d’enleversœur Adrienne.

– Un enlèvement ! Ça meva !

– Vous partirez avec les amoureux et vousserez discrète. Un coup de langue peut vous perdre. Songez qu’ilfaut traverser des pays où les républicains sont les maîtres et ilsne manqueront pas de vous guillotiner s’ils vous reconnaissaient ouplutôt s’ils devinaient qu’ils ont affaire à une femme ayant trempédans l’affaire Sautemouche.

– Pas si bête que de rien dire.

– Vous avez l’expérience des chosesd’amour, Mme Adolphe. Vous devez bien penser que lapetite jettera les hauts cris quand dom Saluste qui l’enlève commesauveur, se transformera en amant et réclamera le salaire de sondévouement.

– La petite ne voudra pas de lui !Elle pensera toujours à l’autre. Les jeunes filles sontniaises.

– Mais vous n’êtes point sotte, vous,Mme Adolphe ! Vous serez là et vous prêcherezpour dom Saluste.

– Oui, madame la baronne.

– Et si vous réussissez, nous, pendant cetemps-là, nous aurons remis le roi sur le trône. Je vousrappellerai alors. Je serai en grande faveur et je vous donneraiune situation telle que tous les suisses de la garde royale vousferont la cour. Vous trouverez à vous marier,Mme Adolphe, c’est moi qui vous le dis.

Mme Adolphe battit les mainsde joie à cette perspective enchanteresse.

– À quand l’enlèvement ?demanda-t-elle.

– Je vous ferai prévenir : mais cesera bientôt, madame Adolphe. En attendant, tenez-vous tranquilleet cachez-vous.

Mme Adolphe apprécia ceconseil à sa juste valeur et le suivit.

Ce même soir, l’abbé Roubiès se rendait chezla baronne ; il la trouvait inquiète, abattue même.

– Qu’avez-vous donc, chère baronne ?lui demanda-t-il avec intérêt.

– J’ai, dit-elle, le désespoir de songerque Saint-Giles va quitter Lyon et m’échapper.

– Comment ! s’écria Roubiès, vouslâchez l’oiseau bleu ?

– Il le faut bien ! dit-elle avec unprofond soupir. C’est toute une histoire et je vais vous laconter.

L’abbé écouta curieusement.

La baronne expliqua ce qui s’était passé entreelle et Saint-Giles.

– Figurez-vous, mon cher abbé, dit-elle,que mon oiseau bleu, comme vous dites, est un ingrat : je luiai doré sa cage, je vais lui tenir compagnie, je lui fais tout pourle distraire, et il veut prendre sa volée, me réclamant sans cessesa liberté ; il ne chante que cette chanson sur cent airsdifférents.

– En sorte que cela devient fastidieux àla longue ! fit l’abbé.

– J’en suis crispée et je suis lasse dela lutte. Hier encore je tenais ferme mais il a pris un moyendécisif.

– Lequel ?

– C’est une fine nature, très pénétrante.Il se doute de quelque chose et il m’accuse de le tromper et del’endormir.

– Entre nous, c’est vrai.

– Il veut que je favorise sa fuite et ilme prouve que je dois en avoir les moyens.

– Comment le prouve-t-il ?

– Parce que, dans les commencements, afinqu’il prît patience, je lui ai promis de le faire évader.

– Ah diable !

– Et aujourd’hui il me somme de tenircette promesse. Hier, il m’a juré que si, dans huit jours, je nel’avais pas tiré de sa prison, il se casserait la tête auxmurs.

– Peuh ! fit l’abbé d’un air dedoute.

– Oh ! dit-elle, avec une convictionqu’elle lui fit partager, n’en doutez pas : c’est un héroscapable des plus belles et en même temps des plus sottesactions.

– Eh bien ! dit l’abbé, puisqu’il enest ainsi, ouvrez-lui la porte de la cage et donnez-lui la clef deschamps.

– C’est bien cruel.

– Vous l’aimez à ce point de ne pouvoirvous résigner à le perdre pour un temps ?

– Entre nous, l’abbé, c’est la seulepassion que j’ai eue. Tout le reste fut feu de paille, caprice,bulle de savon. Mais cette fois, je brûle, je flambe, c’est unvéritable incendie.

– Toute autre que vous me le dirait,baronne, je ne le croirais pas.

– Enfin, l’abbé, il faut qu’ilparte : mais je ne veux m’en séparer qu’à la dernièreextrémité.

– Comme prêtre, je vous condamne, commehomme je vous comprends ! Vous devez bien avoir imaginé unexpédient.

– Sans doute. Voilà que la guerre civileest commencée. Dix-huit cents gardes nationaux casernés chaquejour, dix mille pionniers au travail, c’est l’ouverture deshostilités où je ne m’y connais pas.

– Avant dix jours, dit l’abbé, l’arméedes Alpes enverra un détachement nous assiéger.

– Mais êtes-vous bien sûr qu’il n’y aurapas d’accommodement entre les Girondins, qui, à Caen, à Rouen, àBordeaux ont fait la paix ?

– Baronne, nous n’étions pas dans cesvilles pour brouiller les cartes. Mais nous sommes à Lyonheureusement, et, après avoir massacré Sautemouche comme Danton aassassiné les nobles en octobre, nous allons nous inspirer encorede l’exemple de ce citoyen énergique : un maître homme,baronne ! Il a fait, ou si vous voulez, laissé faire lesmassacres de Septembre, pour que Paris fût couvert du sang desprêtres et des nobles, et devînt irréconciliable avec le pape etles rois. Mais quand les rois ont lancé leurs soldats sur Paris,Danton a voulu que la France fût mise dans l’impossibilité dereculer et il a forcé l’Assemblée des représentants de la nation àjeter la tête de Louis XVI en défi à l’Europe coalisée. Nous,baronne, nous allons juger Châlier solennellement et l’exécuter, cequi engagera la ville de Lyon dans une lutte sans pitié, sanspardon, de même que la France se trouve lancée dans une guerre sansmerci pour avoir coupé le cou à son roi.

– Vos Girondins consentiront-ils à cetteguillotinade ?

– Baronne, les juges sont des nôtres.

– Mais la garde nationale, le peuple, lesmodérés ? Il y a déjà des gens qui se lassent, quis’effraient, qui disent que Châlier n’est pas si coupable et quis’intéressent à lui.

– Je sais, dit l’abbé. Mais nousproduirons au procès une pièce qui le rendra odieux auxGirondins.

L’abbé se leva et prit dans un carton unelettre qu’il lut à la baronne.

Sur cette lettre, Louis Blanc a fait lalumière.

Dans l’embarras où l’on était, dit-il, oninventa une lettre où la main du faussaire se reconnaît rien qu’auluxe inusité des précautions prises pour la faire croireauthentique. On l’avait intitulée « Lettre adressée à Châlier,d’Oberstad, le 22 mai 1793, timbrée de Reinhausen, taxée de vingtsols, et arrivée le lendemain de l’arrestation deChâlier. »

Elle était supposée écrite au tribun lyonnaispar un émigré qui l’engageait à se couvrir toujours du voile dupatriotisme pour mieux servir la cause des rois et l’informait que« son projet » avait été fortement goûté du prince. Pasde nom, cela va sans dire et, pour toute signature, Mis… deSaint-V…

Il était difficile de recourir à un expédientplus grossier ; mais les royalistes mirent un art infini àpropager cette calomnie. Ils la mêlèrent à des exhortationspatriotiques : ils lui donnèrent du poids en la glissant dansdes adresses qu’appuyaient les lettres pastorales de l’évêqueconstitutionnel de Lyon, Lamourette ; elle figura sous lesmots sacramentels : République, Liberté, Égalité, inscrits entête de placards dont on inondait les campagnes. »

Telle était la lettre que montrait Roubiès àla baronne.

Lorsque celle-ci eut terminé la lecture decette lettre, elle dit à l’abbé :

– Avouez qu’un bon faussaire est un hommedes plus utiles. Le nôtre est très fort. Il m’a fabriqué deslettres que Saint-Giles a cru recevoir de sa mère et voici unepièce qui est un chef-d’œuvre.

– Baronne, notre homme est un ex-notairequi « ramait sur les galères » à Toulon ; c’estl’amiral qui, sur ma demande, me l’a envoyé.

– Avec cette lettre, dit la baronne, vousdéshonorerez Châlier aux yeux des Girondins : personne à Lyonne s’opposera à sa mort. Quand le jugez-vous ?

– Demain.

– Lui mort, il ne nous restera plus qu’àdonner un chef militaire aux Lyonnais.

– Nous avons choisi de Précy. C’est bienl’homme qui convient à la situation.

– Bon ! dit la baronne, dePrécy ! Il a du feu dans le sang celui-là et il fera canonnerles républicains, mais, l’abbé, dès que la parole est aux canons,le rôle des diplomates est fini, n’est-ce pas ?

Roubiès devina la pensée de la baronne.

– Ceci revient à dire, baronne, que vousn’avez plus rien à faire dans Lyon, dit finement l’abbé, pénétrantla pensée de Mme de Quercy. Il est certain quevous nous seriez plus utile à Marseille et à Toulon, qu’il fautsoulever.

– J’allais vous proposer de partir pourle Midi.

– Et vous descendriez le Rhône avecSaint-Giles ?

– Justement ! Vous avez deviné monplan. Il me protègera et me fera passer pour sa sœur dans lesrégions où les Jacobins dominent. Il est chevaleresque etgénéreux : après l’avoir fait évader de Lyon, le moins qu’ilpuisse pour moi, c’est de me dire sa parente et de m’accompagnerjusqu’à Marseille où je serai en sûreté, la ville étant pleine deroyalistes.

– Et ce sera toujours cela de gagné pourl’amour ! Oh ! baronne ! vous vous damnez !

– J’aurai, mon cher abbé, pour aller auciel ou le martyre de l’échafaud ou vingt ans de vieillessepieuse.

Puis d’un air caressant :

– Tâchez que Châlier meure avant troisjours car je ne veux partir qu’après son exécution et il faut queSaint-Giles sorte de prison avant ce délai.

– Baronne ! dit l’abbé, vous avez maparole. Vous verrez tomber la tête de Châlier avant la fin de lasemaine.

Il la reconduisit avec le respect le plusgalant, mais quand elle fut partie :

– Allons, ce n’est qu’une femme,dit-il.

Il se sentait fort, cet homme qui sacrifiaittout à l’ambition.

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