L’Espion X. 323 – Volume II – Le Canon du sommeil

Chapitre 16LE « TRÉSOR » DE LA TANAGRA

Dans la voiture, le silence régnait.

Des idées cavalcadaient dans ma tête.L’évanouissement de miss Tanagra que je soutenais dans mes bras,Miss Ellen, son sosie, le comte Strezzi, X. 323 se livraient àune course échevelée à travers mes méninges.

Qui était miss Ellen, que son seul nom eûtproduit pareil bouleversement chez ma« fiancée » ?

Cependant notre fiaker nous emportaità bonne allure. Nous avions traversé les jardins deBathauspark, coupé la ligne des Ringsouboulevards extérieurs encerclant la ville intérieure ou VieilleVienne, longé les jardins de Volks, puis le Burg,résidence habituelle de l’Empereur pour entrer enfin dansRothenturmstrasse.

Depuis un instant,ma « fiancée » avait rouvert les yeux.

– Ou sommes-nous,murmura-t-elle ?

Ce fut le comte Strezzi qui lui donna laréplique.

– Nous arrivons à votre résidence,comtesse. J’ai pensé qu’il vous plairait de continuer chez vousl’entretien que votre faiblesse a si désagréablementinterrompu.

– Ah oui, fit-elle avec égarement.Ellen ! Je me souviens.

– Ne vous émotionnez pas, reprit soninterlocuteur d’un accent cauteleux, la jeune fille est enexcellente santé. Et je ne doute pas que nous arrivions à lamaintenir dans cet état sanitaire satisfaisant.

Elle parut chercher autour d’elle. Ses yeuxrencontrèrent les miens. J’y lus un tel appel à mon appui, que jeprononçai :

– Mademoiselle de Graben-Sulzbach ne mesemble guère en état de supporter une longue conversation.

Elle m’interrompit vivement :

– Si, si, le plus tôt sera lemieux ; mais je désire que sir Max Trelam soit présent.

Je regardai le comte. Je suis certain que moncoup d’œil disait :

– Prends garde. Si tu refuses, tu vasapprendre à tes dépens ce qu’est la colère d’un bon et loyalAnglais.

Lui, ne parut même pas s’apercevoir de mesdispositions agressives.

Il inclina paisiblement la tête pour soulignerson acquiescement.

– Je serai ravi de parler devant sir MaxTrelam. Je le tiens pour un homme tout à fait raisonnable, et jesuis assuré qu’il m’aidera à vous convaincre de l’impossibilité delutter contre certaines nécessités.

– Moi, n’y comptez pas.

– Oh ! Oh ! ne vous pressez pasd’affirmer pareille chose. Le sage réserve son opinion jusqu’àconnaissance complète des pièces du procès.

Décidément, Strezzi m’horripilait.

Et comme s’il s’était amusé de ma rageimpuissante, ce misérable comte Strezzi reprit d’un ton élégammentpersifleur :

– Je suis certain, du reste, que lesphrases prononcées donneront à sir Max Trelam un merveilleux thèmepour une nouvelle série d’articles au Times.

Et avec un salut terriblement ironique dans sacourtoisie affectée, il dit :

– Vous le voyez, mon cherconfrère, – il appuya sur les trois mots, de façon à les fairepénétrer dans mon cerveau, comme des pointes d’aiguilles – vous levoyez, au Standard, nous sommes beaucoup plus accueillantsqu’au Times.

C’en était trop. Il me plaisantait à présentsur notre rencontre initiale, alors qu’il s’était caché sous lapersonnalité d’Agathas Block.

Si je ne le corrigeai pas, cela tintuniquement à ce que le fiaker stoppa à cette minute précise devantl’hôtel de Graben-Sulzbach.

Nous étions arrivés. Dans quelques minutes, jesaurais… Je saurais surtout comment je me pourrais dévouer à machère aimée, car n’est-ce pas, aucun doute n’existait à cet égard,je me dévouerais à fond.

Nous descendîmes. Tout en soutenant ma« fiancée » chancelante, comme brisée parl’émotion intense qui l’avait terrassée, j’eus la« curiosité professionnelle » de jeter un regardsur la résidence viennoise de la pauvre victime du destin, àlaquelle le sort, en son ironie, attribuait des titres nobiliairesvariés, en cachant un cilice sous ces parures de la vanité.

Une noble maison comme la vieille ville encontient encore quelques-unes. Le portail, l’encadrement descroisées dataient de la période de transition de ce que l’onpourrait appeler le gothique islamique. Des ogives où se pressentla forme du trèfle oriental. Entre les ouvertures, des panneauxsculptés, polychromes, héritage des rêves byzantins.

La porte tourna sur ses gonds massifs. Unsuisse géant, dont la livrée moderne contrastait avec la riche etsévère tenue du lieu, s’effaça en une attitude respectueuse etfigée.

– Wurms, dit miss Tanagra d’une voixfaible. Une affaire importante qui ne souffre aucun retard. Jerecevrai mes bons serviteurs ensuite.

Le géant prononça avec des résonances de bassetaille.

– Ya ! Ya !

Nous passâmes devant le serviteur allemand, etaprès avoir gravi un étage dans un escalier où nos pasn’éveillaient aucun écho, leur bruit étouffé par un épais tapiscédant sous le pied, nous pénétrâmes dans un petit salon Louis XVI,aux vitrines exquises, toutes remplies de vases, de figurines, deminiatures, représentant une fortune de collectionneur.

Sans un mot, d’un geste las, miss Tanagra nousindiqua des sièges, se laissa tomber dans un délicieux fauteuil àla membrure sculptée en guirlandes, à la tapisserie figurant desamours en camaïeu, sépia sur sépia, merveille sortie des ateliersde Gratz, et elle parut attendre que le comte Strezzi voulût biens’expliquer.

Sans doute, il entrait dans les vues de cedernier de ne point prolonger l’angoisse de ma« fiancée », car il commença aussitôt, semblantcontinuer l’entretien, comme si rien ne l’avait interrompu.

– Avant tout, comtesse, je tiens à vousfaire connaître l’ensemble des raisonnements qui m’ont guidé, etm’ont amené à cette minute précise où vous m’écoutez avec le plusvif désir de conciliation. Inutile de souligner mes paroles par uneaffirmation, fit-il en réponse à un geste de la jeune fille, jesuis certain de ce que j’avance. Je n’interroge pas, jeconstate.

Son sourire m’apparaissait plus railleur quejamais et son monocle d’or semblait rayonner la menace. Lesserpents crotales, d’après ce que l’on en raconte, je n’ai jamaiseu de relations avec ces ophidiens réputés de commerce désagréable,les crotales donc doivent regarder ainsi les oiselets qu’ilsfascinent.

– Pour moi, reprit cet homme, je l’avouesans fausse honte, c’est une question de vie ou de mort qu’êtreassuré de votre neutralité, de celle de X. 323. C’est vousdire que je me suis préoccupé, de tout mon amour pour la vie, desvoies et moyens d’obtenir cette neutralité.

Il tira une bonbonnière de sa poche, y pritune pastille qu’il glissa voluptueusement entre ses lèvres, puisprésentant la jolie boîte d’or, sur le couvercle de laquelles’apercevait une miniature d’émail.

– Des pastilles de chocolat, Fraucomtesse. Si vous en souhaitiez comme la regrettée Mrs.Dillyfly…

Mrs. Dillyfly, le premier déguisement de monaimée. Et je revis dans un éclair, le pont du steamerMarguerite, qui m’avait emmené à Boulogne, lapseudo-anglaise, avec son cache-poussière, son voile bleu, la cageet ses canaris.

Comment ce diable enragé de Strezzi avait-ilpu deviner l’adorable Tanagra sous ce grotesque accoutrement.

Les êtres de tendresse ne comprennent jamaisque la haine est plus clairvoyante que l’amour.

Un instant, le comte, conseiller privé,administrateur des services de Reconnaissances et d’Aviationmilitaires Austro-Hongrois resta ainsi, la bonbonnière tendue à soninterlocutrice. Après quoi, il réintégra le précieux objet dans sapoche. Mais son immobilité m’avait permis de distinguer le sujet dela peinture ornant le couvercle.

C’étaient deux profils inconnaissables entretous, ceux des empereurs d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie,symbolisant, en quelque sorte l’alliance des deux grands États del’Europe Centrale.

Une banderole leur servait d’appui, surlaquelle je crus lire ces deux mots : « Mitmir ».

Menaçants pour le reste du monde en leurconcise netteté.

« Avec moi ».

– La passion du chocolat n’est pointgénérale, reprenait Strezzi, et d’ailleurs ceci n’a rien quim’intéresse particulièrement. Je poursuis ma confession qui me faitl’effet de fixer votre attention, très chère comtesse deGraben-Sulzbach.

Et son visage se plissant de petites rides,manifestant vraisemblablement une cruelle gaieté.

– Comment m’assurer votreneutralité ? Ah ! cela était difficile !Personnellement vous tenez peu à la vie, votre frère et vous.D’autre part, vous n’êtes point de ceux que l’on achète. Alors…,suivez bien mon raisonnement, il n’était possible d’avoir barre survous que suivant le mode indirect. Il s’agissait de découvrir unetierce personne, dont l’existence, l’honneur vous tinssent assez àcœur pour que cette personne menacée, aucun sacrifice ne vous parûttrop lourd en vue d’assurer son salut.

Et avec une sincérité évidente, et par celamême terrifiante, car je comprenais qu’un pareil personnage nepouvait consentir à parler selon la vérité que s’il était dix foissûr de son succès.

– X. 323 est le plus merveilleuxjouteur qu’il soit humainement possible de rêver. À cette heureencore, j’ignore qui il est, où il se dissimule. Vous le voyez,comtesse, je ne vous cache rien. Vous, heureusement, êtes plusabordable. Je vous avais un peu surveillée, lors de votre séjour enEspagne… Oh, en amateur…, je n’avais pas du tout les mêmesconceptions belliqueuses que le digne Holsbein-Litzberg, et mesvœux étaient pour vous. Croyez-moi, je vous en prie, car votrevictoire devait assurer le triomphe de ma politique…

Il marqua un temps, comme pour nous laisser lafaculté de bien nous pénétrer de la loyauté de ses allégations.

– Je vous surveillais, ayant l’intuitionvague qu’avec votre concours inconscient, je découvrirais lafissure me permettant de pénétrer ce roc compact qui a nomX. 323.

Il eut un petit rire.

– Oh ! je ne tire pas vanité de mon« intuition »… Je n’ai point l’âme avide decrédulité des chiromanciens ; non, je procédais sur maconnaissance d’un fait passé. En vous voyant agir, de concertavec X. 323, qui lui me demeurait invisible, j’avaisacquis la conviction de votre alliance. Je m’étais alors souvenuque, l’an dernier, dans un de nos pensionnats les plusaristocratiques de Vienne, résidait une charmante jeune fille,Fräulein Héléna, seize à dix-sept ans, à laquelle vous vousintéressiez fort. On disait dans le monde qu’elle était une parentepauvre, une petite cousine… Je ne l’avais jamais vue, moi, etj’avais accepté la version du cousinage. Or, cette enfant dont jem’étais inquiété, avec l’intérêt attendri que j’apporte à tout cequi vous touche, avait quitté le pensionnat, à l’instant même oùj’espérais me trouver en sa présence.

Avouez que c’était jouer de malheur. Mais ledieu qui préside aux destinées des maisons de Habsbourg et deHohenzollern avait probablement décidé qu’il accorderait lavictoire au dévoué serviteur de ces souveraines maisons.

À Madrid, je rencontrai une certaine marquisede Almaceda, aussi belle que vous-même, comtesse, ce qui n’est pasun mince éloge, avec cette différence que, dans sa chevelure, lesfils bruns dominaient, tandis que vous avez la blondeur des épismurs.

Je ne m’arrêtai pas à cette question denuances, et me remémorant l’exclamation du divin peintre Raphaël,je m’écriai après cet illustre artiste :

– Qu’importe la couleur, pourvu que l’onait le dessin !

Voyez comme je fus bien inspiré par cesouvenir historico-pictural ; quelques jours après, j’avaisl’assurance que dans un couvent, rendez-vous des jeunes demoisellesde la noblesse castillane, vous alliez au parloir couvrir detendres baisers une pensionnaire de dix-sept ans, répondant au douxnom de Lénita, diminutif local d’Héléna.

Celle fois, je réussis à voir la jolierecluse. Ce me fut une révélation. Une sœur seule pouvait vousressembler aussi complètement… Une sœur ! En quittant lecouvent, vous vous rencontriez avec un vieillard dont lesmouvements nerveux et juvéniles semblaient démontrer que lescheveux blancs, sa fine barbe de même teinte, étaient aussipostiches que l’une ou l’autre de vos chevelures à vous-même. Vouslui rapportiez les incidents de vos visites, car il vous écoutaitd’un air tout ému.

Vous concevez, ce vieillard qui chaque foisréussit à me dépister, devint très vite pour moi une desincarnations de X. 323. Son émotion m’amena à la quasicertitude que la señorita Lénita était également sa sœur.

Vous pensez si cette découverte me renditheureux.

Je connaissais la tierce personne qui mepermettrait d’obtenir votre neutralité.

Par malheur, ma satisfaction me fit commettreune faute. Je me relâchai de ma surveillance à votre égard.Oh ! cela est impardonnable ; je m’en accuse… Je m’enaccuse d’autant plus, qu’à la faveur de ma négligence, vousdisparûtes de Madrid durant quelques jours, ayant emmené vers unecachette inconnue, la charmante señorita.

Vous m’aviez joué ; mais je saisattendre. La comtesse de Graben-Sulzbach, adulée par la sociétéviennoise, et qui attachait une importance à mes moindres faits etgestes, ce dont je ne suis pas médiocrement fier, ne soupçonnajamais que ses propres faits et gestes me tenaient prodigieusementà cœur.

Il fit peser sur moi, Max Trelam,l’insupportable ironie de son regard, et d’un ton depersiflage :

– Seulement, voyez-vous, les journaux, leTimes en particulier, ont du bon. Ils renseignent lepublic, je le reconnais, mais, excusez le mais, mon cher confrère,ils renseignent aussi les adversaires. Vous ne quittiez pasLondres, et vous saviez avant tout le monde comment on mourait derire à Moscou, à Trieste ou ailleurs. Je n’avais donc aucun mériteà découvrir votre correspondante mystérieuse. D’autant plus,pardonnez-moi cette incursion, dans vos sentiments intimes,comtesse, que j’avais compris que vous travailliez à la gloire d’unhomme qui, vous sachant prise dans l’engrenage de l’espionnage,vous avait marqué un respect dont votre cœur s’était ému.

Inutile d’insister, n’est-ce pas ? Quandvous êtes partie pour l’Angleterre, je vous ai suivie. Ainsi me futrévélée la retraite de Fräulein Héléna qui, après avoir été laseñorita Lénita, se cachait maintenant sous le nom de missEllen.

– Et votre ballon dirigeable, fitâprement la jeune fille ?

– Il était de la partie, ma chèreennemie, cette expérience annoncée avec fracas, un séjour dequarante-huit heures dans les hautes régions de l’atmosphère.

Oh ! il a effectué ce record, je mènetout de front, moi, la capture des otages et l’honneur del’aérostation autrichienne.

Ceci explique à sir Max Trelam ce qui a dû luiparaître inexplicable, lors de son enquête à Trilny-Dalton-School.De nuit, le dirigeable a plané autour de l’institution de missEllen, laquelle a été amenée dans la nacelle, ce que le reporter leplus astucieux ne pouvait deviner, la présence de mon ballonau-dessus de Londres n’ayant pas été signalée, car, le jour venu,il était bien loin, utilisant un courant aérien qui lui permit detraverser la mer du Nord, à raison de cent kilomètres àl’heure.

– Une dépêche au Times apprendraau public stupéfait les criminelles occupations d’un grand seigneurautrichien, m’écriai-je, mis hors des gonds par le sang-froid aveclequel le misérable relatait ses exploits.

Ma colère le fit sourire, sans lui rien faireperdre de son calme.

– Certainement, une telle dépêchem’ennuierait fort. Aussi je suis tranquille, vous ne l’enverrezpas.

– Et qui m’en empêchera ?

– Vous-même. Vous songerez que medéplaire m’amènerait à jeter dans le désespoir votre délicieuseamie, comtesse de Graben-Sulzbach.

J’allais répondre. Miss Tanagra meprévint :

– Il a raison.

Et comme je sursautais à l’entendre formulercette opinion, ce fut Strezzi qui m’en fournit l’explication.

– La comtesse, mon cher confrère, (commeil m’agaçait à me bombarder sans cesse de cette illusoireconfraternité !), se rend un compte exact de la situation.J’ai, en mon pouvoir un otage qui est la vie même de son cœur, decelui de X. 323. Ils ont élevé miss Ellen comme une fleurrare, précieuse, comme un trésor.

– Ah oui ! le Trésor, murmurai-jemalgré moi, me rappelant que c’était par ce terme, que ma« fiancée » avait désigné un coin du mystère qui avaitfait d’elle une espionne.

Le comte me regarda en homme qui ne perçoitpas le sens de l’exclamation. Il esquissa une moue indifférente etreprit :

– Ils n’ont pas voulu qu’elle souffrît dela mauvaise renommée s’attachant aux espions. Elle a grandi, purede la souillure d’esprit qui accompagne la connaissance deslaideurs de la vie. C’est un ange que miss Ellen.

Eh bien, jugez de ma force ; ceci vousaidera à comprendre pourquoi je m’explique si librement. Cet angeest en mon pouvoir, en lieu sûr, sous la garde de fidèles, pour quila mort d’autrui n’a pas la moindre importance. Vous devinez quemiss Ellen, ou Lénita, ou Héléna expierait tout ce qu’il mesurviendrait de désobligeant. Vous n’aurez pas le courage dedésespérer la comtesse de Graben-Sulzbach.

Je courbai la tête, le misérable comte disaitvrai. J’entrevoyais dans la nuit de cet esprit du mal, lesconséquences d’une attaque inconsidérée de ma part. On eût cruqu’il lisait dans ma pensée.

– Oui, oui, prononça-t-il entre haut etbas… La résistance de la machine humaine est extraordinaire. Onpeut supporter d’incroyables tortures physiques, des hontesinexprimables avant de mourir. Mais rassurez-vous, je ne suis pasbourreau pour le plaisir. Soyez obéissant, et la gentille enfantn’aura rien à redouter.

Comme on quitte un ennemi gisant à terre,vaincu, il se détourna de moi, et pointant son regard sur missTanagra, il articula lentement :

– Et vous, comtesse, aurai-je la douleurde ne vous avoir pas persuadée ?

Elle ne fit pas un mouvement. Ses lèvress’ouvrirent avec effort sur cette question :

– Vos conditions ?

– Je vous les ferai connaître en présencede votre frère X. 323.

Elle devint plus pâle encore et d’une voixbrisée :

– Je ne puis rien affirmer pour lui… Maisce soir, j’espère…

– Bien. Alors pour ne pas vous dérangerpar une visite… interlocutoire, voudrez-vous me faire tenir unbillet m’indiquant l’heure et le lieu du rendez-vous ?

– Je le ferai.

– Je considère la chose comme faite,articula Strezzi en s’inclinant avec la plus parfaite indifférence…Allons, comtesse, quittez cet air abattu. On vous rendra cettepetite sœur tant aimée, et cela pour moins que rien, pour renoncerà un don quichottisme quelque peu ridicule, qui vous incite àprotéger des foules que vous ne connaissez pas… Ah, voyez-vous, jesuis bien heureux d’être un esprit simpliste, et d’avoir enfermé mavie dans des formules exemptes de complications. L’humanité, un motvide de sens ! Il y a les humains que l’on connaît, que l’onaime, et il y a les autres. Je ne donnerai pas une pichenette à monpropre chien ; mais il m’est indifférent que des chiensinconnus soient abattus à la fourrière. Toute ma morale tient encette phrase, que je vous conseille amicalement de méditer.

Il s’était levé.

– Ne prenez pas souci de me fairereconduire, ajouta-t-il… J’emporte le souvenir charmant de votregracieux accueil et l’espérance de votre promesse.

Un bruissement léger passa dans l’air. Laporte venait de retomber sur lui.

Et brusquement, comme si elle eût attendu ledépart de son ennemi, miss Tanagra se voila le visage de ses mains.Elle éclata en sanglots, bégayant, affolée, tragique,désespérée :

– Il le faut ! Il le faut !Périsse le monde, mais que soit sauvée Ellen, le seul trésor quenous ont confié nos morts !

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