L’Espion X. 323 – Volume II – Le Canon du sommeil

Chapitre 5LES PETITS IMPRÉVUS

Ma valise était prête depuis huit jours.J’étais dans la situation du soldat qui attend un ordre de départ.Je vivais sac au dos.

Or, le 20 juin, je m’étais rendu dans moncabinet au Times ;j’avais un cabinet, distinction quime marquait la satisfaction du « patron », car lui seul,en dehors de moi, jouissait de pareil avantage.

À ce moment, un boy pénétra dans mon bureau,me remit une lettre non timbrée et disparut prestement.

Cette fois l’écriture était de X. 323lui-même.

Il m’invitait à partir le soir même, pourDouvres et Calais, m’informant que, dans cette dernière ville, jerecevrais de nouvelles instructions.

Je bondis chez le « patron ».

Celui-ci m’octroya aussitôt la mission que jesollicitais, me munit d’un carnet de chèques, avec recommandationde ne pas lésiner, puis, m’arrêtant au moment où j’allaissortir.

– Je vous reverrai avant votre départ,Max Trelam ?

– Quelle heure vous convient ?

– Ma foi, avant supper (souper),c’est à dire vers six heures. Votre train quittant Charing-Cross àneuf heures et quelques minutes, vous aurez le loisir de prendrevotre repas tout à votre aise, après notre entretien.

– Entendu.

Et je sortis pour procéder à mes dernierspréparatifs.

L’entrevue avec le « patron »n’était pas pour me préoccuper beaucoup.

Donc, vers cinq heures et demie, je repassaichez moi pour donner l’ordre à mon boy de m’attendre à neuf heuresmoins dix à la gare de Charing-Cross, avec ma valise.

Il me remit un télégramme de France.

Le fil télégraphique m’avait apporté un« petit imprévu ».

« Itinéraire modifié. Prendre train 9heures 15 pour Folkestone, correspondance avec bateau deBoulogne. »

Suivait cette signature bizarre, dans laquelleje n’eus pas de peine à retrouver un nombre qui me hantait depuisMadrid :

« Troisanvintroi. »

Oh ! oh ! il paraît que la lutte deruses était commencée ! Cette précaution de me diriger surBoulogne de préférence à Calais devait servir à dépisterquelqu’un.

Mais bast ! l’heure marchait. Philosopherne rimait à rien, il importait d’agir et je pris le chemin duTimes.

Là m’attendait un second « petitimprévu ». Décidément, la campagne s’annonçait bien. Deuximprévus, avant que le voyage eût débuté.

Le patron m’accueillit cordialement.

– Vous connaissezTrilny-Dalton-School ?

– Le pensionnat de jeunes filles prochede Charing ?

– Justement. Maison moderne, bien tenue,remplie de respectabilité…

J’opinai du bonnet, sans deviner où il voulaiten venir.

– Eh bien, continua-t-il, il est survenuune catastrophe à Trilny-Dalton-School !

– Une catastrophe, répétai-jesurpris ?

– Oui, Max Trelam. Une catastrophe quipeut amener la déconsidération sur la directrice Mrs. Trilny, laplus honnête, la plus droite personne à cheveux blancs et dans leveuvage.

Puis, comme j’interrogeais du geste, duregard, un peu ému par le ton inhabituel de mon interlocuteur, ilpoursuivit :

– Elle n’a pas prévenu la police. Lesinspecteurs de Scotland-Yard sont des bavards qui cherchent laréclame encore plus ardemment que les voleurs. Mais elle m’aprévenu, moi, un vieil ami de feu son mari. Et moi, je vousdis : Max Trelam, vous êtes un vieux garçon (old boy, termeamical) extraordinaire pour percer les mystères. Allez àTrilny-Dalton-School voyez… et tâchez d’éviter le scandale. Vousferez plaisir, non pas à votre directeur, mais à votre ami.

By Jove ! le patron avait réellement tropbonne opinion de moi.

Il était six heures dix comme il achevait cetappel ému à mes talents ; je devais quitter Londres à 9 heures15. Je disposais donc de trois heures pour résoudre un problèmequ’à l’accent de mon interlocuteur, je devinais être ardu.

– Je vous suis le plus obligé de votreappréciation affectueuse. Je ferai de mon mieux, voilà ce dont jesuis certain. De quoi s’agit-il ?

– Enlèvement d’une élève.

– Alors, amoureux ?

– Mrs. Trilny ne pense pas.

– Quoi donc, en ce cas ?

– Je ne sais. Voyez… et ne perdez pas devue que je tiens par-dessus tout à éviter à ma pauvre vieille chèreamie, le scandale qui ruinerait son honorable institution.

J’eus un geste qui pouvait signifier : àla grâce de Dieu, ou bien « voilà une commissiondu diable » et je me dirigeai vers la porte.

Le patron me retint encore :

– Je télégraphie à Calais pour réservervotre chambre, hôtel de la Plage.

– Non, merci… mon itinéraire est modifié,je gagne le continent par Folkestone.

– Ah ! très bien. Alors je câble àBoulogne. Hôtel Royal.

– J’y serai vers minuit.

– All right ! cher MaxTrelam. Soyez le plus habile pour Mrs. Trilny.

– Je ferai comme pour vous même.

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