Nouveaux Mystères et aventures

Chapitre 3

 

Pendant toute la nuit, Tom fut extrêmementagité.

Lorsque Wharton nous quitta, il lui fitrépéter sa promesse.

Il se fit également faire une descriptionminutieuse de l’endroit où il avait vu l’apparition, et indiquerl’heure où elle s’était montrée.

Quand Wharton fut parti, vers quatre heures dumatin, je me couchai dans ma caisse, d’où je vis Tom assis près dufeu, occupé à lier ensemble, deux bâtons.

Je m’endormis.

Je dus dormir environ deux heures, mais à monréveil, je trouvai Tom qui, dans la même attitude, était toujours àsa besogne.

Il avait fixé un des bouts de bois àl’extrémité de l’autre de manière à représenter grossièrement un Tet il était actuellement en train de fixer dans l’angle un bout debois plus petit au moyen duquel le bras transversal du T pouvaitêtre placé dans une position plus ou moins relevée ou inclinée.

Il avait pratiqué des entailles dans le bâtonvertical, de sorte qu’au moyen de ce petit étai, la croix pouvaitêtre maintenue indéfiniment dans la même position.

– Regardez cela, Jack, s’écria-t-il en mevoyant réveillé, venez me donner votre opinion. Supposons que jemette ce bâton juste dans la direction d’un objet, et que je placecet autre bout de bois de manière à maintenir le premier, dans saposition, qu’ensuite je le laisse là, pourrais-je retrouver ensuitel’objet, si je le voulais ? Ne croyez-vous pas que je lepourrais ? Jack, ne le croyez-vous pas ? reprit-il avecagitation, en me saisissant par le bras.

– Oh ! dis-je, cela dépendrait de ladistance où se trouverait l’objet, et de l’exactitude avec laquellevotre bâton serait orienté. Si c’était à une distance quelconque,je taillerais des mires sur votre bâton en croix ; au bout,j’attacherais une corde, que je ferais descendre en fil àplomb ; et cela vous conduirait fort près de l’objet que vousvoulez. Mais, assurément, Tom, ce n’est point votre intention demarquer ainsi la place exacte du fantôme.

– Vous verrez ce soir, mon vieux, vousverrez ce soir. Je porterai cela à la vallée de Sasassa. Vousemprunterez le levier de Madison et vous viendrez avec moi ;mais souvenez-vous bien qu’il ne faut dire à personne ni où vousallez, ni pourquoi vous voulez ce levier.

Tom passa toute la journée à se promener dansla pièce ou à travailler à son appareil.

Il avait les yeux brillants, les joues animéesd’un rouge de fièvre, dont il présentait au plus haut degré tousles symptômes.

– Fasse le ciel que le diagnostic de Dickne se confirme pas, me dis-je, en revenant avec mon levier.

Et pourtant, quand vint le soir, je me sentisenvahi à mon tour par cette excitation.

Vers six heures, Tom se leva et prit soninstrument.

– Je n’y tiens plus, Jack, dit-il, prenezvotre levier, et en route pour la vallée de Sasassa. La besogne decette nuit, mon vieux, nous rendra opulents ou nous achèvera.Prenez votre revolver, pour le cas où on rencontrerait desCafres…

« Je n’ose pas prendre le mien, Jack,reprit-il en me mettant les mains sur les épaules, car si madéveine me poursuit encore cette nuit, je ne sais ce que je seraiscapable d’en faire.

Ayant donc rempli nos poches de vivres, nouspartîmes pour ce fatigant trajet de la vallée de Sasassa.

En route, je fis maints efforts pour tirer demon compagnon quelques indications sur son projet.

Il se bornait à répondre :

– Hâtons-nous, Jack. Qui sait combien degens ont, à cette heure, entendu le récit de Wharton. Hâtons-nous,sans quoi nous ne serons peut-être pas les premiers arrivés sur leterrain.

Ah ! Monsieur, nous fîmes un trajet dedix milles environ à travers les montagnes.

Enfin, après être descendus par une penterapide, nous vîmes s’ouvrir devant nous un ravin si sombre, si noirqu’on eût pu le prendre pour la porte même de l’enfer.

Des falaises hautes de plusieurs centaines depieds enfermaient de tous côtés ce défilé encombré de blocs éboulésqui conduisait à travers le pays hanté, dans la direction du Paysdes Cafres.

La lune, surgissant au-dessus desescarpements, dessinait en contours des plus nets les denteluresirrégulières des rochers qui en formaient les sommets, pendantqu’au-dessous de cela tout était noir comme l’Érèbe.

– La vallée de Sasassa ? dis-je.

– Oui, répondit Tom.

Je le regardai.

En ce moment, il était calme.

L’ardeur fébrile avait disparu.

Il agissait avec réflexion, avec lenteur.

Cependant, il avait dans les traits unecertaine raideur, dans l’œil une lueur qui annonçaient quel’instant grave était venu.

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