Chapitre 4
« Une agitation énorme régnait dans laGrande Rue quand nous y arrivâmes.
« Le parti des Américains avait l’aird’avoir perdu la tête.
« Alabama Joe avait disparu. On n’enretrouvait pas miette.
« Depuis qu’il était allé au ravin,personne ne l’avait revu.
« Lorsque nous mîmes pied à terre, il yavait un nombreux rassemblement devant le Bar à Simpson, et je vousréponds qu’on regardait de travers Tom Scott.
« On entendit armer des pistolets et jevis Scott mettre lui aussi la main à sa ceinture.
« Il n’y avait pas l’ombre d’un Anglaisen cet endroit.
« – Écartez-vous, Jeff Adams, fait ZebbHumphrey, le plus grand coquin qui ait existé, vous n’avez rien àvoir dans cette affaire. Dites donc, les amis, est-ce que de libresAméricains vont se laisser assassiner par un mauditAnglais ?
« Ce fut la chose la plus prompte quej’aie jamais vu.
« Il y eut une mêlée et un coup defeu.
« Zebb était par terre, avec une balle deScott dans la cuisse, et Scott lui aussi était par terre, maintenupar une douzaine d’hommes.
« Ça ne lui aurait servi à rien de sedébattre. Aussi ne bougeait-il pas.
« Ils parurent ne pas savoir ce qu’ilsferaient de lui, puis un des amis intimes d’Alabama les décida.
« – Joe a disparu, qu’il dit. C’est toutce qu’il y a de plus certain, et voici l’homme qui l’a tué.Quelqu’un de vous sait qu’il est allé au ravin cette nuit pouraffaire ; il n’est pas revenu. Cet Anglais que voilà y estallé de son côté après lui. Ils se sont battus. On a entendu descris du côté des grands Pièges à mouche. Il aura joué au pauvre Joeun de ses tours de sournois et l’aura jeté dans le marais. Ça n’estpas étonnant que le corps ait disparu. Est-ce que nous allonsrester comme ça et laisser tuer nos camarades par lesAnglais ? Non, n’est-ce-pas. Qu’il comparaisse devant le JugeLynch, voilà mon avis.
« – Lynchons-le, crièrent cent voixfurieuses, car à ce moment toute la colonie était accourue jusqu’audernier gredin.
« – Allons, les enfants, qu’on apporteune corde et hissons-le. Pendons-le à la porte de Simpson.
« – Attendez un moment, dit un autre ens’avançant. Pendons-le à côté du grand Piège à mouche dans leravin. Que Joe voie qu’il est vengé, puisque c’est par là qu’il estenterré.
« On applaudit à grands cris, et ilspartirent, emmenant au milieu d’eux Scott ficelé sur un mustang, etentouré d’une garde à cheval, le révolver prêt à tirer, car noussavions qu’il y avait par là une vingtaine d’Anglais, qui n’avaientpas l’air de reconnaître le Juge Lynch, et qui n’attendaient que lemoment de livrer bataille.
« Je partis avec eux, le cœur bien ému depitié pour ce pauvre Scott, qui pourtant n’avait pas l’air ému pourun sou, non, pas du tout.
« C’était un homme rudement trempé.
« Ça vous paraît comme qui diraitbizarre, de pendre un homme à un Piège à mouche, mais le nôtreétait bel et bien un arbre.
« Les feuilles étaient comme des bateauxaccouplés, avec une charnière entre les deux et les épines aufond.