Nouveaux Mystères et aventures

Chapitre 2

 

« Alabama Joe et un ou deux autresvauriens en voulaient alors à mort aux Anglais, et ils disaientouvertement ce qu’ils pensaient, quoique je les eusse avertis queça pourrait bien aboutir à une terrible affaire.

« Ce soir-là, en particulier, Joe étaitplus qu’à moitié ivre.

« Il faisait le fanfaron par la villeavec son révolver et cherchait quelqu’un avec qui sechamailler.

« Alors il retourna au bar, où il étaitcertain de rencontrer quelqu’un des Anglais aussi disposé à unequerelle qu’il l’était lui-même.

« Et pour sûr, en effet ; il y enavait une demi-douzaine qui flânaient par là et Tom Scott étaitdebout seul devant le poêle.

« Joe s’assit près de la table, et mitdevant lui son révolver et son bowie-knife.

« – Les voici, mes arguments, Jeff medit-il, si jamais un de ces Anglais au foie blanc ose me donner undémenti.

« Je tentai de l’arrêter, Messieurs, maisil n’était pas homme à se laisser convaincre si aisément, et il semit à tenir des propos tels que personne ne pouvait lesendurer.

« Oui, un graisseur lui-même aurait prisfeu, si vous lui aviez tant parlé du pays de la Graisse.

« Il y eut de l’émotion dans le bar, etchacun mit la main sur ses armes, mais avant qu’ils eussent letemps de les tirer, on entendit une voix calme, partant du côté dupoêle, dire :

« – Faites vos prières, Joe Hawkins, car,par le ciel, vous êtes un homme mort.

« Joe fit demi-tour et fit le geste deprendre son arme, mais ça ne servait à rien.

« Tom Scott était debout et le tenaitsous son Derringer.

« Sa face pâle était souriante, etc’était le diable en personne qu’on voyait dans ses yeux.

« – Ça n’est pas que le vieux pays sesoit montré bien tendre pour moi, dit-il, mais jamais personne n’endira du mal devant moi.

« Pendant une ou deux secondes, je visson doigt presser peu à peu sur la gâchette.

« Puis il éclata de rire, et jetant sonrévolver à terre :

« – Non, dit-il, je ne peux pas tuer unhomme qui est à moitié ivre. Gardez votre sale existence Joe, etemployez-la mieux que vous n’avez fait. Vous avez été plus près dela tombe ce soir que vous ne le serez jamais jusqu’à ce que votreheure soit venue. Vous ferez mieux de partir, pour la forêt, jeparie. Non, ne me regardez pas de cet air farouche. Je n’ai paspeur de votre arme : un fanfaron est bien près d’être unlâche.

« Et il fit demi-tour d’un air méprisant,ralluma au poêle sa pipe, qu’il n’avait pas fini de fumer, pendantqu’Alabama s’esquivait du bar, accompagné par les rires bruyantsdes Anglais.

« Je vis sa figure quand il passa près demoi, et sur cette figure je vis l’assassinat, Messieurs,l’assassinat, aussi clairement que la chose que j’ai jamais vue leplus clair.

« Je m’attardai au bar après cettequerelle, et je regardai Tom Scott à qui tous les hommes allaientserrer la main.

« Ça me semblait comme qui dirait étrangede lui voir l’air si souriant et si gai, car je connaissais lecaractère sanguinaire de Joe, et je me disais que l’Anglais n’avaitguère de chance de voir le lendemain matin.

« Il habitait dans un endroit en quelquesorte désert, vous savez, tout à fait en dehors de la route battue,et il lui fallait pour s’y rendre passer par le ravin du Piège àmouche.

« Ce ravin-là était un endroit sombre etmarécageux, fort solitaire même en plein jour, car ça vous donnaitle frisson rien que de voir ces grandes feuilles de huit ou dixpieds de long se fermer brusquement pour peu que quelque chose lestoucha, mais la nuit il n’y avait pas une âme dans lesenvirons.

« En outre, dans certains endroits duravin le sol était mou jusqu’à une grande profondeur et si on yavait jeté un corps, on ne l’aurait plus revu le lendemain.

« Je croyais voir Alabama Joe tapi sousles feuilles du grand Piège à mouche dans la partie la plus sombredu ravin, l’air farouche, le revolver en main, je le voyaispresque, Messieurs, comme si je l’avais eu sous les yeux.

« Vers minuit, Simpson ferma son bar, ensorte qu’il nous fallut partir.

« Tom Scott se mit en route d’un bon paspour son trajet de trois milles.

« Je n’avais pas manqué de lui glisser unmot d’avertissement quand il passa près de moi, car j’avais unesorte d’affection pour mon homme.

« – Tenez votre Derringer bien libre dansvotre ceinture, Monsieur, que je dis, car il pourrait se faire quevous en ayez besoin.

« Il me regarda bien en face avec unsourire tranquille, et alors je le perdis de vue dansl’obscurité.

« J’étais convaincu que je ne lereverrais plus.

« Il avait à peine disparu que Simpsonvient à moi et me dit :

« – Il va y avoir une jolie affaire auravin du Piège à mouche, cette nuit. Les garçons disent que Hawkinsest parti une demi-heure à l’avance pour attendre Scott et le tuerà bout portant. Je suis d’avis que le coroner aura de la besognedemain.

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